Champagne-Jacquesson

La maison Jacquesson est incontestablement l’une des plus belles signatures champenoises actuelles. C’est aussi une histoire originale, celle d’une maison de Champagne qui, de mains en mains, a su préserver son excellence. Zoom sur ce domaine très qualitatif, son histoire et ses techniques de viticulture et de vinifications exigeantes.

Au mois de juin 2018, deux représentants de notre équipe iDealwine (Jean-Baptiste et Elsa) sont allés visiter la maison de Champagne Jacquesson, à Dizy. Une occasion en or d’en apprendre plus sur cette très belle signature champenoise et de revoir les anciens propriétaires, Jean-Hervé et Laurent Chiquet.

Champagne-Jacquesson

La maison, située à Dizy et fondée à la fin du XVIIIe siècle par Memmie Jacquesson, fut rachetée par Jean Chiquet en 1974. Ses deux fils, Laurent et Jean-Hervé, qui travaillaient sur le domaine ont repris l’exploitation familiale en 1988. A l’époque, le vignoble couvrait 15 hectares et achetait pour environ 30 hectares de raisins. Progressivement, les deux frères ont fait bouger les lignes, en faisant notamment évoluer le business model : ils ont agrandi le vignoble à 28 hectares et réduit les achats à 8ha, en les concentrant sur les crus où ils possèdent déjà des vignes. Ils peuvent ainsi surveiller les raisins qu’ils achètent tout au long de l’année et surtout éviter qu’ils ne voyagent trop. Le vignoble de 28 hectares et les achats ne proviennent que de grands et premiers crus. Les propriétaires ont même revendu une partie de leurs vignes, jugées insuffisamment qualitative.

Une viticulture exigeante et mouvante

La priorité de la maison est la qualité des raisins et à la vigne, on maîtrise rigoureusement les rendements. Après des essais de vendanges en vert, qui ne leur ont pas convenu, ils ont compris qu’il leur fallait plutôt limiter la vigueur de la vigne en la forçant à plonger ses racines plus en profondeur. Pour ce faire, ils laissent pousser l’herbe dans la moitié de leurs vignes, tandis que l’autre moitié est labourée. Là où les rangs sont enherbés, l’équipe effectue tout de même un désherbage manuel sous pied, afin de limiter l’humidité et donc les risques de botrytis. Une technique de taille spécifique contribue également à diminuer les rendements : il s’agit de la taille en cordon, accompagnée de nombreux ébourgeonnages. De même, cette technique permet aussi d’aérer les plants de vignes et donc de limiter les risques de pourriture. Le domaine prend le plus grand soin de ses sols, il a notamment fait réaliser des analyses par Claude et Lydia Bourguignon, un couple célèbre et immensément reconnus dans leur spécialité, la microbiologie du sol.

Champagne-Jacquesson

A côté des faibles rendements, l’autre grande priorité des frères Chiquet est la maturité des raisins. Comme le répète souvent Jean-Hervé, la Champagne se situant au Nord du 49e parallèle Nord, le problème d’un éventuel manque d’acidité est quasi inexistant. La recherche de belles maturités est, elle, en revanche, justifiée et judicieuse. Ainsi, le domaine vendange le plus tard possible.

Pour ce qui est des traitements contre les insectes, la maison utilise la confusion sexuelle (technique qui consiste à répandre des phéromones pour perturber la reproduction des insectes), comme c’est le cas de de nombreux vignobles en Champagne (à peu près 85% de la région). L’oïdium est traité au soufre. Le problème reste le mildiou, où seul le sulfate de cuivre est autorisé en bio pour y répondre, mais n’est pas totalement efficace. Le domaine a cependant remarqué que sa baisse des rendements permettait aussi de lutter contre le mildiou, qui serait plus actif sur les pieds vigoureux.

Champagne Jacquesson
Diffuseur de phéromones accroché à chaque pied de vignes chez Jacquesson

Chez Jacquesson, un tiers du vignoble est certifié en bio, tandis que sur le reste, deux traitements conventionnels sont conservés contre le mildiou. Malgré la certification d’une partie des vignes, le bio n’est pas revendiqué ici. En effet, les frères Chiquet souhaitent garder une certaine liberté, notamment celle de traiter si jamais cela devenait absolument nécessaire. En 2012, ils avaient déjà perdu une grande partie de leur récolte à cause de l’humidité et si un tel millésime (aussi pluvieux) venait à se reproduire, ils abandonneraient probablement le bio plutôt que de reperdre l’essentiel de leur récolte.

Le vignoble est planté en pinot noir, pinot meunier et un tiers de chardonnay. Mais les propriétaires trouvent que le pinot meunier est mal adapté à leur terroir, ils le remplacent donc progressivement par du pinot noir.

Un tri draconien et des vinifications naturelles

Lors des vendanges, tout est mis en œuvre pour laisser intacts les raisins : de petites cagettes sont utilisées et les raisons sont le moins transportés possible. Au chai, l’équipe utilise un pressoir traditionnel champenois vertical et ne garde que les trois premières presses (sans le premier jus d’auto-pressurage), le reste est revendu. Alors que la Champagne autorise à produire environ 11 000 bouteilles par hectare, Jacquesson n’en produit qu’environ 7 000. L’écoulement se réalise par gravité. Le soufre et la neige carbonique sont utilisés à ce moment-là pour protéger les jus de l’oxydation. Le débourbage dure 24 heures, à température ambiante. Les fermentations sont effectuées sous bois (en foudre et fûts, sans bois neuf), afin de « vacciner le vin contre l’oxydation » et les malolactiques sont favorisées. Il n’y a pas de soutirage : toutes les lies sont conservées dans les foudres ; quelques bâtonnages sont réalisés (8 à 10), afin d’obtenir plus de gras et d’onctuosité et de protéger contre l’oxydation et stabiliser le vin, ce qui leur évite de rajouter du soufre (il n’y en a qu’au pressurage et au dégorgement). Une cristallisation tartrique est ensuite menée à température semi-ambiante (hiver), suivie d’un soutirage, afin d’éliminer les cristaux de tartre. On remet ensuite le vin dans les foudres, pour 12 mois d’élevage. Il n’y a ni collage ni filtration. Chaque année, le dosage est repensé indépendamment de ce qu’il était les années précédentes : seule la dégustation à l’aveugle compte. Généralement ce dosage est très faible.

Champagne Jacquesson bouteilles

Les cuvées « 700 » représentent plus de 96% de la production de la maison ; ces cuvées sortent désormais en deux fois : une première fois, après quatre ans d’élevage, puis une seconde, pour lesquelles la maturation est prolongée jusqu’à 9 ans. Les dégorgements tardifs permettent d’obtenir la maturité et la complexité, mais sans l’évolution. Pour le reste, Jacquesson produit également quelques cuvées parcellaires.

Champagne Jacquesson frères Chiquet iDealwine Elsa

Une nouvelle étape dans l’histoire de Jacquesson

En 2022, c’est le groupe Artémis Domaines de la famille Pinault qui rachète la propriété. C’est maintenant Jean Garandeau qui dirige la maison et les mêmes équipes pour conserver l’esprit Jacquesson : Mathilde Prier en chef de culture et Yann Le Gall en chef de cave. L’ambition reste la même : faire de grands vins de Champagne et continuer à magnifier le terroir.

Jacquesson, ce qu’en pensent les guides

Une nouvelle page d’histoire s’écrit depuis décembre 2022 avec le départ des frères Laurent et Jean-Hervé Chiquet, qui ont hissé cette belle maison dans les hautes sphères de la Champagne. Le groupe Artémis a repris les rênes sous la direction de Jean Garandeau, mais les équipes restent inchangées : Yann Le Gall, chef de cave, et Mathilde Prier, cheffe de culture, sont toujours là pour perpétuer l’âme de la maison.
RVF, 3 étoiles sur 4

Cette maison historique de la Champagne avait été sortie de l’anonymat par les frères Laurent et Jean-Hervé Chiquet dans les années 90. Ces derniers ont fait le choix de revendre leurs parts en 2022 à Artémis Domaines, qui regroupe les investissements viticoles de la famille Pinault. (…) Des élevages longs en cave et des dosages très faibles révèlent encore mieux la pureté et la tension de ces vins qui vieillissent à la perfection.
B+D, 5 étoiles sur 5

Les champagnes Jacquesson actuellement en vente

  • Cuvée 748 : la récole de 2020 est à l’honneur dans ce champagne, avec des vendanges plutôt précoces mais de raisins d’une maturité optimale. Les fruits blancs mûrs et la tension crayeuse de ce champagne s’accordera idéalement avec des plats de poisson.
  • Cuvée 743 Dégorgement Tardif : cette cuvée a pu vieillir pendant 9 ans, se distinguant ainsi par sa grande complexité aromatique, son évolution, sa profondeur, son côté harmonieux et toujours le style épuré de Jacquesson.
  • Avize Champ Caïn Extra-Brut : un champagne tendu sur des notes florales et citronnées, réalisé à partir de très vieilles vignes.
  • Dizy Corne Bautray : champagne parcellaire qui magnifie le chardonnay dans sa plus belle forme, entre fruits blancs et amandes grillées.
  • Dizy Terres Rouges : autrefois proposée en rosé, cette cuvée en blanc de noirs doit son nom au sol brun rouge calcaire de son terroir. L’intensité et la tension sont maître mots, pour un beau champagne de gastronomie à associer avec une pintade farcie.

Tous les champagnes en vente actuellement

A lire également sur le Journal iDealwine

Classement des meilleurs champagnes : les 22 maisons et vignerons à connaître

Laisser un commentaire