jerome bretaudeau domaine de Bellevue Muscadet
Jérôme Brétaudeau,  » dompteur  » de terroir

Depuis quelques mois, ses bouteilles aux étiquettes délicatement ornées de l’esquisse d’un arbre entretiennent un certain mystère, et font vibrer les amateurs. Quel est donc ce domaine, et pourquoi les vins sont-ils si recherchés ? Nous avons tenté de lever le voile sur cette énigme en rendant visite à Jérôme Bretaudeau.

Huit cépages pour un domaine du Muscadet

Au cœur du vignoble du Muscadet, Jérôme Bretaudeau occupe une place à part. Le village de Gétigné, où est implanté son domaine, serait donc une sorte de petite Principauté, ainsi que le revendique avec un grand sourire ce vigneron qui en serait le souverain ? Car cette exploitation viticole dispose d’un terroir particulier qui le singularise de ses pairs. Jérôme Bretaudeau a repris à partir de 2001 deux hectares de vignes qui constituaient le domaine familial de Bellevue, avant de s’installer pleinement en 2005. Progressivement, il a agrandi son royaume pour le porter à près de 20 hectares, répartis sur cinq communes. Le vigneron est avant tout un amateur de vin éclectique, curieux et avide de découvertes et de dégustations. Le domaine cultive aujourd’hui pas moins de… huit cépages, et encore, Jérôme Bretaudeau en a supprimé un, le sauvignon gris ! C’est ainsi que, outre le melon de Bourgogne, des variétés parfois inattendues dans cette région du Muscadet s’épanouissent dans le vignoble, qu’il s’agisse de chardonnay, savagnin, pinot gris ou folle blanche pour les vins blancs, et de pinot noir, merlot, cabernets franc et sauvignon pour les rouges. Jérôme Bretaudeau a converti son domaine à la biodynamie, rejoignant le label Biodyvin il y a une dizaine d’années déjà. L’entrée récente de la maison champenoise Billecart Salmon au capital de sa société va lui permettre d’aller plus loin encore, et notamment de renforcer la biodiversité au cœur de ses vignes, avec l’acquisition d’une ferme de 27 hectares qui jouxte certaines de ses parcelles.

« Faire des grands vins résulte de l’intuition du vigneron »

Depuis que le vigneron s’est installé dans un nouveau bâtiment en 2012 – un chai flambant neuf, qui surprend par sa situation, en périphérie immédiate de Gétigné, à proximité de Clisson -, il a pu s’adonner avec passion et engagement à tirer le meilleur des vignes de ce pays nantais dont il est issu. « Faire des grands vins, cela résulte d’abord de l’intuition du vigneron », affirme-t-il. Pour lui, le vigneron doit avant tout apprendre à dompter son terroir. Et le sien le mérite ! Certaines vignes poussent en effet sur un sol de gabbro, volcanique, composé d’argiles et de roches ferrugineuses. Ce gabbro, c’est le trésor du Prince Bretaudeau, un lieu unique dont il tire notamment sa cuvée de muscadet éponyme. Lors de notre passage, nous avons goûté Gabbro 2021, Clos des Bouquinardières, une cuvée créée en 2018. Le vin est cristallin, très pur, livrant une matière qui regorge d’énergie.

Jérôme Bretaudeau est enraciné dans son pays du Muscadet, dévoué à la cause et désireux de tirer vers le haut une appellation qu’il juge encore insuffisamment exigeante. Le cahier des charges des crus communaux – tels que le sien, à Clisson – est encore trop laxiste à ses yeux, puisqu’il autorise les vendanges à la machine, le levurage… Le vigneron vise beaucoup, beaucoup plus haut. Si le vigneron marque son attachement à sa région natale en commercialisant ses vins issus de melon de Bourgogne sous l’appellation Muscadet-Sèvre-et-Maine, certaines cuvées, fruits des intuitions qui le mènent à cultiver d’autres cépages, sont étiquetées en Vin de France.

jerome bretaudeau domaine de Bellevue Muscadet cave cuve ovoide

Car Jérôme est animé d’un véritable esprit d’explorateur, toujours en quête de nouvelles idées, prêt à tenter de nouvelles expériences. En matière de vinification, rien ne semble l’arrêter. Son antre de Gétigné est un véritable laboratoire où se côtoient différents contenants, des cuves béton enterrées pour la cuvée Gabbro, aux cuves ovoïdes pour Gaïa, en passant par les foudres pour La Justice, les barriques pour Statera, sans oublier, lors de notre passage, un essai d’élevage en amphores Clayver pour les pinots…

Les amateurs l’ont déjà compris, Jérôme Bretaudeau est devenu une figure du vignoble français. La prestigieuse Académie du vin de France l’a accueilli en son cénacle, une distinction et une reconnaissance qu’il savoure… Car outre l’énergie qu’il consacre à rehausser l’image d’un muscadet longtemps mis à mal, plombé par l’image de vin de comptoir, son aura et son succès intriguent et fascinent les plus grands vignerons de Bourgogne, de Bordeaux et d’ailleurs. Il suffit de jeter un œil sur les bouteilles témoignant des récentes dégustations menées avec son équipe : on y trouve un aréopage éclectique de tout ce que le vignoble français – et pas seulement – offre de meilleur !

Une dégustation avec Jérôme Bretaudeau

Une dégustation avec Jérôme, c’est un beau moment d’échange et de passion, un moment généreux aussi, puisque pas moins de neuf cuvées ont été passées en revue.

Muscadet Gabbro Clos des Bouquinardières 2021

Issu de six hectares plantés en coteaux, et exposé sud, sud-est. Les vignes de melon de Bourgogne ont été palissées à belle hauteur. Une manière de les protéger contre les brûlures de l’été ? Ce vin a été élevé 18 mois sur lies, dans des cuves en béton enterrées. Un très beau jus, minéral et sapide, dévoile au nez des arômes frais de fenouil et de menthol, avant de livrer en bouche une matière pure et cristalline, pleine d’énergie, qui s’achève sur une finale intense, vive et délicatement saline.

Muscadet  Gaïa 2021

Issue du même terroir que le Clos des Bouquinardières, un vignoble de six hectares exposés au sud, en coteau, le melon de Bourgogne repose sur un sol sablo-limoneux, avec le gabbro en roche mère. Le vin est élevé deux ans en cuves ovoïdes. L’intérêt d’un tel contenant ? Le vin bénéficie d’un « bâtonnage perpétuel », et la mise en suspension des lies fines nourrit ainsi le vin de manière naturelle.
Gaïa offre un nez marqué par les arômes d’anis mentholé. En bouche, l’attaque est vive, tendue, déployant une matière iodée, délicatement épicée. La texture est délicate, veloutée, et la finale est iodée, minérale, élégante.

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Muscadet Granite Clos des Perrières 2020

Le terroir composé de sables, de granits dégradés, et de quartz blancs et rouges apporte à cette cuvée, élevé deux ans en cuves souterraines, un caractère délicatement fumé. Doté d’un joli gras et d’un toucher de bouche élégant, le vin dévoile en finale des notes de zeste d’agrumes, finement amères, élégantes. L’ensemble est intense, tendu, très long.

La Justice 2020

Ce vin est un ovni, surtout dans la région où il est produit ! Car il résulte d’un assemblage composé à 80% de chardonnay, auxquels viennent s’ajouter 20% de savagnin. Jérôme Bretaudeau apprécie particulièrement ce dernier, qu’il considère comme un grand révélateur de terroir. Un allié, donc. Le 2020 a été élevé à 100% en foudre, pendant un an, sans être ouillé. A la dégustation, l’intensité du chardonnay forme un tandem parfait avec l’énergie du savagnin. L’ensemble est lumineux, vif, parfaitement équilibré et intensément salivant.

Macération 2022

Voilà une cuvée qui détonne indéniablement, dans la région du Muscadet, car elle est composée de pinot gris qui a fait l’objet d’une macération de 14 jours. Il en résulte une cuvée dotée d’une aromatique pleine de fraîcheur, un caractère croquant, et, surtout, une matière qui, à l’aveugle, aurait pu être assimilée à un vin rouge, tant le palais semble détecter des tannins. Un très beau vin de gastronomie, qui s’achève par une finale salivante et fraîche, relevée de notes végétales (fèves, asperges), élégantes et gourmandes.

Savagnin 2020

Ce savagnin qui provient d’un terroir de granit et de quartz est élevé deux ans en foudres de 500 litres sans ouillage. Aucune trace d’oxydation au nez, pourtant, c’est au contraire un nez de fruits bien mûrs qui se dévoile, tandis qu’en bouche la matière est vibrante, ample, puissante, avant de s’achever par une finale gorgée d’agrumes, pleine d’énergie, intensément minérale et saline. Un grand vin de gastronomie.

Statera 2022

Statera ? Ce mot est synonyme d’équilibre, car en latin il signifie « balance ». Le pinot noir qui compose cette cuvée, associé au pinot gris et au merlot, est issu d’un ilot de cinq hectares situés sur la commune de Gétigné. La vendange est égrappée et les baies font l’objet d’une vinification minutieuse et délicate, en infusion. Les pigeages sont effectués au seau, pour mouiller le marc, en douceur. Son élevage en barriques (10% de bois neuf) requière quelques années de patience : ce 2022 mérite indéniablement d’être attendu car il se patinera encore avec les ans.

Quel éclat dans ce vin ! Le nez est floral, relevé par d’élégantes notes poivrées, de pivoine. La bouche est empreinte d’une grande pureté, aérienne, dévoilant un fruit arrivé à parfaite maturité, des notes de fruits noirs qui tapissent le palais jusqu’à la finale, épicée, intensément minérale.

Ornate 2021

Le nom de cette cuvée signifie « élégant ». Un beau choix pour ce vin issu du cépage merlot, planté il y a une vingtaine d’années sur un terroir composé de granit et de quartz. Entièrement égrenée, la vendange est vinifiée par infusion, sans remontage et fait l’objet d’un élevage en foudre durant 18 à 20 mois. Dans ce millésime frais, Ornate livre un nez discret, frais lui aussi, délicatement relevé de notes de laurier, et en bouche, une matière éblouissante, soyeuse et gourmande. Un très grand vin doté d’une persistance exceptionnelle.

Solera

Jamais à court d’idées ni d’envies d’expérimenter toujours un peu loin, Jérôme nous dévoile pour finir une solera, dont la base provient du millésime 2015. Chaque année, au moment du solstice d’été, elle a été ouillée par l’apport de jus des millésimes 2016, 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022 (pas de 2017, frappé par le gel). Doté d’un nez exceptionnellement vif, vibrant, explosif même, cette cuvée déploie une matière d’une mâche, et d’une gourmandise admirables. Gros coup de cœur pour cette solera vibrante, fruit d’une quête mystérieuse : le vigneron constate, émerveillé, que chaque année le vin se reconstruit et évolue au fil de l’expérimentation.

Vous l’aurez compris : Jérôme Bretaudeau est une figure éminemment inspirante ! Ses vins se montrent à la hauteur de l’intérêt qu’ils suscitent actuellement, intérêt que ce vigneron en quête du meilleur entretient et développe avec talent, millésime après millésime.

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