En Champagne, vous connaissiez sûrement Bruno Paillard et sa fille Alice. Et bien, dans la famille Paillard, vous pourrez désormais demander les deux cousins, Pierre et Quentin. S’ils partagent un nom de famille, ils ont pourtant su se faire un nom bien à eux dans le paysage champenois.
Huit générations appelées par la vigne
Si Quentin et Antoine Paillard ont su se tailler une place de choix en Champagne, c’est aussi parce que leur famille s’est enracinée dans la région voilà 200 ans. Les Paillard s’installent à Bouzy au début du XVIIIe siècle. Si le village est un véritable repère de vignerons, le champagne Pierre Paillard est encore loin : à cette époque, ils sont bergers, aubergistes, charretiers et même recteurs d’école. Il faut attendre 1768 pour qu’Antoine Paillard, premier du nom, acquiert quelques arpents de terre à Bouzy et commence à produire du vin. Le gène vigneron a enfin pris et est ainsi passé de génération en génération. En 1946, la marque Pierre Paillard est déposée. Le gène arrive jusqu’à Benoît Paillard. C’est lui qui change l’orientation du domaine : la qualité avant tout. Il inculque le respect de la terre et des vignes à ses fils, Antoine et Quentin, qui sont donc les représentants de la huitième génération.
Pourtant, Antoine ne se destinait pas à la vigne. Il a d’abord fait une école de commerce, s’était spécialisé en marketing, avait même signé un contrat dans une entreprise de téléphonie. Mais c’était sans compter l’appel du père et de la terre : « reviens donc passer six mois au domaine, tu verras ». C’était en 2009, Antoine n’en est plus jamais reparti. Il faut dire qu’il n’était pas non plus complètement désintéressé par le sujet : enfant, fasciné par le vin, il assistait aux vendages. Mais loin de lui l’idée de reprendre un jour le domaine. Si les deux frères travaillent ensemble, ils ne se marchent pas non plus sur les pieds. Chacun règne sur son domaine : Antoine, formé à Avize, gère toute la partie production tandis que Quentin est le business developer. Et les deux frères se retrouvent dans les caves pendant les vinifications. En reprenant le domaine, ils ont aussi pu compter sur le soutien, la confiance et les conseils de leur père. Un vrai travail d’équipe, une vraie affaire et histoire de famille.
Un terroir de craie qui ne laisse pas de marbre
Il faut dire que les Paillard avaient un beau domaine en héritage. S’il y a autant de vignerons à Bouzy, c’est bien pour une raison : les vignes sont installées dans un amphithéâtre exposé sud, sur un des flancs sud de la Montagne de Reims. S’y plaisent les cépages traditionnels du champagne : pinot noir, chardonnay et pinot meunier. Pinot noir et chardonnay y puisent les nutriments nécessaires pour bien mûrir et développer tous leurs arômes. Le vignoble de Bouzy a marqué l’histoire de sa région en étant classé Grand Cru en 1919. C’est la consécration de ce terroir unique, une fine couche d’argile, des sols profonds assis sur des sous-sols calcaires, et pour les vins qu’il donne : riches et puissants.
Les Paillard possèdent 11 hectares de vignes intégralement installées sur ce fameux terroir du Grand cru de Bouzy, répartis en 30 parcelles de vignes. Les Paillard n’ont planté que du pinot noir (60%) et du chardonnay (40%). Elles sont trentenaires en moyenne. Et pour choyer ces vignes, il faut une petite armée : au domaine, il faut compter une personne par hectare. Aussi la famille connait-elle chaque parcelle, chaque ceps et chaque grappe. Fiers de leur terroir et fidèles à leur histoire, les deux frères ont à cœur de mettre en lumière ce terroir unique à travers les cépages. Le premier marqueur gustatif est la craie. Aussi les vins sont-ils élégants, minéraux, éclatants et profonds. Depuis 2018, les deux frères se sont ouverts aux terroirs voisins : Ambonnay, Verzy, Verzenay, Ludes, Taissy et même… Le Mesnil sur Oger.
Des artisans du champagne
Les frères se définissent comme des artisans vignerons avec tout ce que cela implique d’audace, de créativité et d’ambition. Et ils ne le sont pas à moitié : ils ont rejoint la coopérative des Artisans du Champagne dès sa création en 2009. Les critères de sélection sont les suivants : être passionné, par son métier, son terroir et sa région, partageur, enthousiaste, prendre des risques, créer des vins authentiques et vrais, des « vins d’auteur ».
Alors, concrètement, comment Quentin et Antoine produisent-ils du vin d’auteur ? D’abord, par la vigne, travaillées en agriculture biologique. Et cela commence à la racine : le matériel végétal. Le domaine réalise des sélections massales de pinot fin. Et loin de ne planter que des vignes, les deux frères laissent aussi la place aux arbres, haies et constructions champêtres sur leur domaine. Une fois que les racines sont plantées profondément dans la craie, Antoine et Quentin veillent au développement de la vie microbienne et à la croissance racinienne. Entre les rangs, pas de produit chimique mais uniquement des composts maison, la taille est douce et respectueuse des flux de sève, les rendements sont volontairement faibles. Les baies sont ensuite récoltées à maturité pour que s’exprime au mieux le terroir.
Ensuite, à la cave où les vinifications parcellaires sont le moins interventionnistes possibles. La fermentation alcoolique se fait avec les levures indigènes, les fermentations malolactiques ne sont pas arrêtées et le soufre, seul intrant que le domaine se permette, est ajouté à dose minimale. Comme leur père avant eux, les frères privilégient des élevages longs pour laisser le vin se clarifier. Filtration et collage sont ainsi rendus inutiles. Il vieillit ensuite neuf mois sur lie et en cuve avant d’être embouteillé. Les bouteilles descendent ensuite 16 mètres sous terre, dans les caves de craie datant du 19e siècle. Elles y passent entre trois et dix ans, veillées par les générations précédentes : au fond des galeries, les ancêtres de Quentin et Antoine Paillard ont gravé leur nom sur les murs. Ce vieillissement prolongé permet au dioxyde de carbone de se dissoudre complètement dans le vin et aux bulles de s’affiner.
Aussi, un vin d’auteur à la Paillard, c’est un champagne vineux, identitaire qui met en émoi.
Pierre Paillard, ce qu’en disent les guides :
Deux parcelles de chardonnay et de pinot noir sont judicieusement déclinées dans Les Mottelettes et Les Maillerettes, qui s’attachent à livrer une identité élancée des terroirs de Bouzy. Nous aimons beaucoup ces champagnes qui parviennent à combiner la retenue et la finesse avec l’éclat et la profondeur
La Revue du vin de France : une étoile sur quatre
Toutes les cuvées sont de haute tenue et les sélections parcellaires ont du style.
Bettane et Desseauve : trois étoiles sur cinq
Tous les vins de Pierre Paillard en vente sur iDealwine
- La Grande Récolte Grand Cru Extra Brut : Cette cuvée est une parfaite illustration de ce que le domaine a à offrir : les vignes cinquantenaires des Maillerettes, les chardonnay soixantenaires des Mottelettes, un vieillissement de dix ans dans ses caves, un faible dosage… Et quel vin ! Des effluves de fruits secs, un beau volume…
- Les Maillerettes Grand Cru Extra Brut : L’histoire de cette vigne de pinot noir s’est écrite avec celle des Paillard : elle est mère de toutes les autres vignes du domaine. Et dans le verre, on retrouve la richesse de ses arômes de fruits noirs et de fleurs blanches ayant mûri au soleil.
- Les Mottelettes Bouzy Grand Cru
- Les Parcelles : Véritable introduction au domaine, cette cuvée combine l’éclat du pinot noir à la sève crayeuse de son terroir. Le travail en bio forge des raisins au goût intense. D’une année d’excès de gel puis de chaleur, les baies ont tout de même su tirer une belle acidité et des saveurs complexes. Dans le verre, se diffuse des notes d’agrume et de pain croustillant.
- Les Terres Roses : Voilà la seule cuvée rose du domaine, marquée comme ses sœurs par le pinot noir. Fin, frais, elle exhale des parfums frais de fruits et de baies des bois. Un vrai vin de gastronomie.
- Ludes 1re Cru : Que peuvent bien donner de vielles vignes de pinot meunier et un terroir calcaire ? Et bien, un très beau champagne, salin et sapide, aux notes de fruits secs et de biscuit.
- Verzenay Grand Cru : Ici c’est la montagne de Reims et ses vieux pieds de pinot noir qui sont mis à l’honneur. D’une parcelle caillouteuse et d’une autre plus calcaire, les vignes ont tiré leurs notes de fruits rouges et de fruits jaunes. Mûr et complexe, il se distingue des autres vins du village de Verzenay par sa puissance tout en retenue et son raffinement.
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