Après l’été très chaud et sec que nous avons eu, la question de l’impact de cette météo sur la qualité du millésime est plus que jamais d’actualité. Alors, ces conditions promettent-elles de grands millésimes ?
Après les étés très chauds et secs, certains amateurs proclament immédiatement que le millésime sera forcément excellent. Mais le lien entre forte chaleur et bon millésime est-il si évident que cela ?
Les conditions météorologiques parfaites pour la vigne : un optimum difficile à atteindre
Comme tout bon paysan (qu’il est !) un vigneron est rarement totalement satisfait des conditions que lui octroie le ciel. A un moment de l’année il fait un peu trop froid (ou pas assez, rayez la mention inutile), il tombe un peu trop de pluie ou pas au meilleur moment, il fait chaud trop tôt ou trop tard, bref, on se plaint pas trop, mais…
Il faut reconnaître que dans le genre « j’en veux un peu mais pas trop » la vigne est particulièrement exigeante. En fait elle déteste les excès. Les excès de fraicheur et de pluie aux moments cruciaux de sa maturité, donc en août et septembre/ octobre selon les années, les régions et les cépages. Un mois d’août “pourri” et des vendanges sous la pluie donnent rarement de bons millésimes…
Les canicules ne font pas bon ménage avec les grands millésimes…
A l’inverse, beaucoup d’amateurs pensent qu’un été très chaud est gage d’un grand millésime, le soleil persistant et la chaleur étant associés à une superbe maturité des fruits. Non seulement c’est faux, mais c’est même parfois le contraire ! Un été caniculaire peut même conduire à un millésime médiocre. Rappelez-vous de 1976 et de 2003, deux étés véritablement caniculaires en France. Et bien le moins qu’on puisse dire est qu’ils ont accouché d’un millésime médiocre en 1976 ou très moyen en 2003, avec quelques nuances selon les cépages et les régions (globalement mauvais en blanc et quelques réussites en rouges).
Evidemment, toutes les régions viticoles ne sont pas logées à la même enseigne et certains vignobles septentrionaux comme la Champagne ou la Loire bénéficient plutôt des étés chauds et secs et plus globalement du réchauffement climatique. En effet ce dernier leur a permis de gagner une maturité qui pouvait parfois leur faire défaut et au contraire de diminuer une acidité parfois un peu agressive dans les millésimes les plus frais… Egalement, la baisse la pluviométrie peut avoir un impact positif pour des régions très humides comme Bordeaux ou la Champagne… Jusque dans une certaine mesure. A l’inverse, les vignobles plus chauds et ensoleillés du Sud de la France ou de certains autres pays, qui produisaient déjà des vins très solaires et alcoolisés craignent de gros déséquilibres de leurs vins avec l’accentuation de la situation.
Un stress hydrique mauvais pour les raisins
Contrairement aux idées reçues, un excès de chaleur, non seulement ne porte pas la maturité des raisins au sommet mais provoque souvent des… sous maturités ! En effet, face à la canicule (fortes chaleurs et sécheresses), la vigne se met en état de survie et ne s’occupe plus vraiment de ses fruits qui ne sont plus nourris correctement. On appelle cela le “stress hydrique”. Au moment des vendanges on peut donc se retrouver face à des baies un peu flétries et dont l’intérieur n’est pas parfaitement mûr (pas de maturité phénolique). Résultat fréquent dans la bouteille : des rouges fortement alcoolisés, au goût de pruneau cuit et aux tannins secs et verts. Il faut cependant faire la différence entre un été dans la moyenne et avec seulement deux ou trois jours de canicule – conditions qui ne sont pas néfastes au vignoble – et un été dans l’ensemble très chaud et sec, ponctué par plusieurs vagues de canicule, ce qui peut avoir là de mauvaises conséquences sur le vignoble et le vin.
Heureusement pour les amateurs, face à la multiplication des canicules, les vignerons ont appris à s’adapter et à tempérer ces conséquences négatives en favorisant toutes les actions permettant de maximiser la rétention d’eau des sols et de protéger les baies du soleil. Cela peut par exemple passer par pas ou peu d’effeuillage, le fait de désherber pour éviter la concurrence en eau…
Des vins de canicule plus alcoolisés…
Si les étés chauds et secs ont pour conséquence d’éviter une certaine dilution des vins qui peut apparaitre lors d’été au contraire trop pluvieux, toute personne avec des rudiments en œnologie sait que la chaleur fait augmenter le niveau de sucre des baies et donc mécaniquement le niveau d’alcool et/ou les sucres résiduels.
Au-delà de ces raisins qui peuvent manquer de maturité, certaines baies peuvent carrément brûler, un peu à l’image des humains qui prennent des coups de soleil. Ces raisins ne peuvent généralement pas être intégrés au vin et font donc baisser les rendements.
…Et mois acides
L’acide malique est très sensible aux fortes températures et baisse considérablement lorsque les températures dépassent les 30°C. Cela a pour conséquence de diminuer la sensation de fraîcheur des vins, qui participe pourtant grandement à leur équilibre, de les rendre plus « plats ».
L’alcool augmentant et l’acidité diminuant avec les étés chauds et secs, les équilibres sont de plus en plus difficiles à atteindre. Cela est d’autant plus dommageables pour des vins destinés à une longues garde puisque l’on sait le rôle majeur de l’acidité dans la bonne tenue d’un vins sur une longue période.
Des profils aromatiques qui peuvent évoluer
L’on constate également une transformation du profil aromatique de certains vins : des arômes de fruits rouges frais peuvent par exemple progressivement laisser la place à des arômes de fruits noirs plus mûrs, voire cuits.
Des risques accrus lors des vinifications
Les fortes chaleurs peuvent aussi compliquer les vinifications, lorsque les cuves ne sont pas thermo-régulées, favorisant les bactéries acétiques qui peuvent engendrer une forte acidité volatile ou bien faire carrément tourner le vin au vinaigre.
En conclusion, la canicule n’est donc pas l’amie du vin ! Le millésime idéal est un millésime d’équilibre climatique : un hiver à la fois froid et arrosé, un printemps sans excès, et surtout sans trop de pluie au moment de la floraison pour éviter la coulure (non fertilisation par le pollen), un été assez chaud et avant tout lumineux en juillet et surtout en août, moment crucial pour que la maturité des baies se “lance” bien, puis un mois de septembre et d’octobre pas trop chauds et surtout légèrement arrosés pour que la maturité des raisins s’achève en douceur et donc en profondeur. Et, pour finir, des vendanges sans humidité !
La viticulture face au dérèglement climatique : un défi majeur d’adaptation
Les conséquences du dérèglement climatique se font déjà sentir à plusieurs niveaux sur la viticulture depuis plusieurs années : en plus des phénomènes présentés ci-dessus, nous pouvons citer l’augmentation des phénomènes météorologiques exceptionnels (grêle, violents orages…), décalage du cycle végétatif de la vigne engendrant parfois des pertes de récoltes lorsque le gel arrive à un moment où la vigne est déjà bien développée, augmentation des attaques de champignons et d’insectes ravageurs…
Beaucoup de pistes sont à l’étude pour mettre en œuvre une nécessaire adaptation de la viticulture au dérèglement climatique – puisque quoi qu’il arrive à l’avenir, le climat s’est déjà réchauffé et va continuer de se réchauffer, au mieux par inertie, au pire par inaction climatique. La modification de l’encépagement est l’une d’elle et nous vous en parlerons prochainement.
Heu 76 en Bourgogne est loin d’être « carrément médiocre » ! Appelons cela une « nuance » effectivement…
Corton 1976 du domaine Leroy, grandissime bouteille d’une jeunesse insolente, bu en 2016 !…
J’ai ouvert un meursault caillerets 2003 d’un très grand vigneron . Impossible de reconnaître un meursault