Faut-il acheter les vins du millésime 2024 ? Un point avec Angélique de Lencquesaing, interrogée sur BFM.
La météo est maussade, et l’été indien plutôt timide… Le moment est venu de faire le point sur les vendanges et la récolte 2024. Que faut-il en attendre, et quelles conséquences en tirer, en termes d’investissement-vin ? Un point avec Angélique de Lencquesaing, co-fondatrice d’iDealwine, interrogée par Lorraine Goumot sur BFM dans l’émission Tout pour investir.
Tout d’abord, comment se situe la récolte 2024 par rapport aux années précédentes ?
La France est en passe de perdre son rang de premier producteur viticole mondial, devancé d’une tête par l’Italie où pourtant, l’année n’a pas été de tout repos pour les vignerons. Avec 41 millions d’hectolitres de raisin vendangé, voisins transalpins ont enregistré leur plus petite récolte depuis 50 ans !
Les prévisions de vendange dans l’Hexagone ont été révisées à la baisse en septembre. En France, il faut désormais s’attendre à une perte de 18% des volumes, la vendange 2024 n’atteindra pas le seuil des 40M d’hectolitres.
Pourquoi ?
Vous avez sans doute pu le constater, il n’a pas fait un temps de rêve en 2024… La plupart des vignobles – pas tous, nous y reviendrons – a été impactée par une climatologie compliquée. Le printemps frais, et pluvieux a favorisé l’éclosion de maladies, ce tristement célèbre mildiou. Les épisodes de gel tardif, de grêle ont eu leur part, jusqu’à ce mois de septembre, faiblement ensoleillé.
La baisse est donc importante par rapport à une année 2023 plus généreuse. Mais avec un peu de recul, cette baisse de 18%, rapportée à la moyenne 2019-2023, se limite à -11%, d’après le ministère de l’Agriculture.
Le tableau n’est pas favorable, 2024 serait donc frappé de la malédiction des millésimes en « 4 » ?
Non, le tableau n’est pas si noir, mais ces conditions auront un impact sur les volumes produits, c’est certain, et sur le style des vins. Pour préserver la qualité de leurs jus, les vignerons ont dû travailler intensément à la vigne, se montrer patients, retarder les vendanges, mais pas trop longtemps, au risque de perdre leur récolte. A la clé, des vins sans doute moins chargés en alcool que dans les années solaires, et peut-être, d’une certaine manière, plus proches de ce que recherchent les consommateurs aujourd’hui.
Si l’on passe en revue les grandes régions viticoles, en commençant par Bordeaux, qu’en est-il ?
La région vendange encore ces jours-ci dans certaines parcelles de cabernet, profitant d’un temps relativement clément. Les merlots, eux, ont plus souffert de l’humidité (coulure, millerandage). La vendange s’annonce « historiquement faible » selon le BIVB (Bordeaux interprofessionnel des vins de Bordeaux), et ce, pour deux raisons : d’une part les conditions météorologiques ont fait chuter les rendements, et d’autre part, l’arrachage des vignes contribue à cette diminution : 8 000 ha ont été arrachés depuis fin 2023, et 1000 ha supplémentaires devraient subir le même sort.
Quelle seront les caractéristiques des vins de Bordeaux produits en 2024 ?
Avec une récolte en baisse de 10%, Bordeaux va produire un millésime frais, digeste (moins fort en alcool), fruité. 2024 donnera des vins accessibles à boire plus rapidement, sans doute, avec une capacité de garde plus limitée que d’ordinaire. Un style en ligne avec ce que le marché apprécie actuellement. C’est d’ailleurs un style que l’on retrouve dans les vins du millésime 2021, aujourd’hui disponible à la vente, et d’ores et déjà agréable à boire.
Donc ce ne sera pas un millésime d’investissement ?
Non, effectivement, sans doute pas pour la plupart des vins, mais c’est plutôt une bonne nouvelle à vrai dire ! 2024 s’annonce sera un millésime à consommer sans attendre, et voir Bordeaux revenir sur la table est un bon signal. Pour le placement vin, il est préférable de privilégier de belles années récentes comme 2020 ou 2022, par exemple. Deux millésimes extrêmement qualitatifs, et de très longue garde.
Et en Bourgogne, comment s’annonce la vendange ?
Après deux très belles années en volume et en qualité, la Bourgogne renoue avec une petite récolte (-25%). En cause, la pluviométrie, inédite, qui a apporté son lot de maladies. Et aussi, dans certaines appellations comme Chablis, des épisodes de grêle ont lourdement frappé, détruisant jusqu’à 50% de la récolte. Le millésime a exigé un travail important dans les vignes durant toute l’année pour trier, éliminer les baies et donner toutes les chances à celles qui y sont demeurées. Les résultats sont hétérogènes, avec une toute petite récolte en rouge, et des volumes plus généreux en blanc.
Toutes les régions viticoles ont été aussi lourdement impactées ?
Le Jura, très prisé des amateurs pointus, a payé un lourd tribut au gel et au mildiou. Après un 2023 abondant, la récolte chute de 71%. Dans les vignobles du val de Loire, la baisse est de 30% en moyenne. Le Beaujolais aussi a souffert, notamment de la grêle (-25%). En Champagne, le gel printanier et le mildiou ont engendré un recul de 16%. La vallée du Rhône accuse, elle un recul de 12%, frappée elle aussi par un gel tardif.
Certaines s’en sortent, tout de même, ou pas du tout cette année ?
Les secteurs les plus frais, en altitude, du Languedoc ont été relativement préservés, la baisse se limite à -4% et la qualité est au rendez-vous. Ce sont les vignobles du sud-ouest qui s’en sortent le mieux, en hausse de 1%.
Donc, pour résumer, une petite récolte, des vins plus frais, près à boire plus tôt. Quel est l’impact pour l’amateur de ces prévisions ?
Face à une récolte en baisse, le vigneron doit respecter l’équilibre économique de son exploitation. Dans certains secteurs où le prix de vins est très élevé, l’impact sur le prix sera limité (sauf en cas de déséquilibre entre l’offre et la demande). Mais dans les secteurs où les prix restent modiques, le vigneron sera amené à procéder à des augmentations tarifaires. Avec le risque de perdre certains clients, dans un contexte de pouvoir d’achat en berne.
Les amateurs ont-ils être intérêt à faire des réserves en achetant les millésimes existants, moins chers, et plus abondants ?
C’est l’un des effets, effectivement, d’une annonce de petite récolte. Les amateurs peuvent être amenés à rechercher les vins des domaines qu’ils apprécient, dans les années actuellement disponibles à la vente. Et les stocks ne manquent pas, même dans les régions qui se trouvaient en tension ces dernières années, comme en Bourgogne.
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