La Maison Henri Giraud fait partie des très grandes maisons champenoises, celles dont l’ensemble des vins présentés sont de haut vol. Sous allocation, les bouteilles qui sortent de cette maison située à Aÿ, en vallée de la Marne, partent en majorité à l’export (marché historique asiatique). Mais quelques bouteilles restent en France … nous sommes allés en dénicher quelques-unes rien que pour vous ! A la suite de notre visite au domaine, nous vous plongeons donc dans les coulisses de cette maison d’exception, en perpétuel mouvement.
L’une des plus petites maisons de champagne
Le terroir d’Aÿ, grand cru de la vallée de la Marne, est le berceau historique de la Champagne. Ici, la famille Giraud habite la région depuis 1625. Aujourd’hui, les 12èmes et 13èmes générations cohabitent au sein de la petite maison familiale. La directrice actuelle est Emmanuelle, fille de Claude, lui-même fils d’Henri Giraud. Sur cinq enfants, quatre travaillent au domaine. Le chef de cave, Sébastien Le Golvet (récompensé en 2023 par Le Figaro comme faisant partie des 50 meilleurs vignerons de France), est quant à lui le beau-fils de Claude.
La maison gère une trentaine d’hectares : 10 hectares en propre et 20 hectares en fermage ou issus d’approvisionnements (de la famille ou d’amis). Depuis 1990, année où l’activité de négoce commence, la maison privilégie des relations de longue durée, en travaillant avec de véritables partenaires vignerons, loin de la vision « réductrice » du simple achat de raisin. En moyenne, entre 250 et 300.000 bouteilles sont produites chaque année. Le nouveau chai permettra d’aller jusqu’à 400.000 bouteilles, mais la maison n’a pour l’instant pas l’objectif d’aller au-delà. Aucun compromis sur la qualité n’est fait.
Au domaine, le pinot noir est majoritaire, planté en haut de coteau, complété par un peu de chardonnay, planté en bas de coteau, le long de la Marne. La rivière rafraîchit les raisins et ceux-ci sont d’un état sanitaire irréprochable. Le terroir est dominé par la craie : creusez et vous trouverez 20cm de terre, et 200m de craie franche ! Cela donne aux vins ces notes iodées, minérales et au toucher en bouche si particulier. La viticulture au domaine est durable : certifié HVE et Viticulture Durable en Champagne.
Les vinifications sont précises et les plus naturelles possibles. La fermentation alcoolique est réalisée grâce à des levures sélectionnées et la fermentation malolactique est systématique. L’élevage dure trois ans sur latte pour la cuvée Esprit et quatre ans pour les cuvées multi-millésimées et millésimées.
Un travail sous-bois à la pointe
« Ne rien s’interdire, ne s’obliger rien. Faire du bon vin naturellement » – voici la maxime de la maison – ces mots d’Henri Giraud trônent fièrement dans le chai. Et quel chai ! Plus de 1 000 fûts de chêne se succèdent dans un chai, grandeur nature !
Arrivé dans les années 90, Claude Giraud réintroduit progressivement les fûts de chêne à une époque où la Champagne entière travaille en cuve inox (à l’exception probablement de Krug et Bollinger). Visionnaire en ce sens, il est convaincu « qu’il n’existe pas de grands vins qui ne soient associés à une grande forêt. ». Ainsi, les vins clairs de la maison sont vinifiés sous-bois, dans des fûts de chêne issus en grande partie de la forêt historique d’Argonne (via la Tonnellerie de Champagne). Tout un travail d’orfèvre est réalisé dans la sélection de chênes, parfois bicentenaires, au grain très fin. Les fûts sont après cela tracés et géolocalisés. En parallèle, la maison participe à un travail de replantation des arbres : en 10 ans, plus de 50.000 arbres ont été replantés. Depuis 2016, plus une seule cuve en inox n’est utilisée pour la vinification ou l’élevage des vins. Les quelques cuves restantes servent seulement pour les transferts et stabilisation.
Signe de l’importance accordée au bois, les deux points qui surplombent le G du logo font référence au terroir d’Aÿ et au terroir de la forêt d’Argonne.
Les particularités de la Maison
La maison Henri Giraud est en mouvement perpétuel – à l’image de son site internet « en cours de construction » depuis des années, ou des bâtiments en travaux qui, à en croire Olivier Patour (directeur commercial France et gendre de Claude Giraud), le seront encore dans 10-20 ans. Ici, rien n’est gravé dans le marbre ! Voici un florilège des particularités et des innovations de cette maison florissante :
- Une réserve perpétuelle (commencée en 1990) pour garder une belle fraîcheur dans les vins, afin de contrer le réchauffement climatique notamment
- 3% de la production totale est dédiée à la recherche sur le vin (essais dans différents contenants par exemple)
- Un travail acharné sur le bois : les forêts, la coupe …
- Peu de pression par bouteille : la limite basse en champagne se situe à 3.5 bars (la plupart des maisons vinifie à 5-6 bars) – Esprit nature a 3.7 bars, ce qui en fait un champagne (ou plutôt un « vin de Champagne ») vineux, à la fine bulle
- Une ouverture de bouteille unique, avec un « dégrafeur » (brevet déposé par la maison), un outil original pour expulser l’agrafe sertissant le bouchon
- Un ratafia dont sa renommée le précède. Créée en 2017, l’indication géographique champenoise Ratafia a largement été poussée par Claude Giraud, d’ailleurs président de l’IG à ses débuts. Amateur de cigare, Claude souhaite au travers de ses ratafias titiller l’univers des spiritueux (un ratafia « vieillissement exceptionnel a d’ailleurs été créé dans cette optique).
Nos notes de dégustation d’Henri Giraud
Esprit nature G : Une magnifique rondeur se dégage, équilibré par une fraîcheur salivante. Des notes de fruits jaunes (abricot, pêche) se dégagent. Le vin est opulent, mais pas lourd. C’est un champagne de gastronomie, à marier avec un poulet aux morilles par exemple.
Ndlr : cette cuvée a récemment changé dans sa confection (assemblage, élevage etc)
Aÿ grand cru MV18 : MV signifie ici multi vintage. Dans cette cuvée, on trouve 70% de millésime 2018 et 30% de vin de réserve. 50% de fût neuf est utilisé (fûts de 2-5 vins pour le reste).
La majorité de pinot noir vient apporter une belle structure, sublimée par la finesse du chardonnay. L’élevage est parfaitement bien intégré, c’est un vin crayeux, salin. C’est la cuvée phare de la maison, un champagne de gastronomie !
Dame jane (rosé) : rosé d’infusion, issu d’un mélange des jus pendant 4h. La robe est rosée – orangée. Le vin présente une finesse remarquable, se mariant parfaitement au dessert. Des notes de fruits des bois, d’amandes et un côté légèrement fumé se dégagent. La volonté de la maison est ici de tester des formes ovoïdes, un vortex se mettant naturellement en place dans le contenant, les lies fines en suspension nourrissent le vin.
Aÿ grand cru MV rosé : rosé d’assemblage entre MV et le coteau champenois de la maison. Des notes d’orange sanguine, de fruits rouges. La production est minime : 4000 bouteilles par an.
Coteau champenois blanc 2019 : très frais, à l’acidité tranchante, aux notes de citron mûr. Un chardonnay crayeux par excellence !
Ratafia : Amateurs de ratafias, ou de grands spiritueux, ce nectar est pour vous ! Issus de jus de qualité, ce ratafia est irrésistible, révélant une fraîcheur et une complexité aromatique déconcertante. Les sucres résiduels de cette cuvée permettent une grande digestibilité.