interview-BFM-Primeurs-Bordeaux-2019Pour l’amateur désireux de constituer une cave à caractère patrimonial, les grands crus de Bordeaux ont longtemps constitué un passage obligé. Et particulièrement les achats en primeurs. Cette année, Bordeaux a manqué ce grand rendez-vous avec son marché à cause de la crise du Covid-19. La semaine de dégustations préalables à la vente en primeur a été annulée. Il semble toutefois que la situation évolue à nouveau. Qu’en est-il ?

Le confinement en France a marqué une parenthèse dans l’agenda des primeurs mais le sujet est de nouveau d’actualité. ET crucial pour la filière bordelaise : la commercialisation des vins en primeurs représente plus de la moitié des ventes à l’export.

Pas de grande messe cette année, donc, réunissant plusieurs milliers de professionnels venus du monde entier pour découvrir et noter les vins.

Alors les propriétés rivalisent d’imagination pour faire déguster leur 2019 malgré tout : présentations en vidéo, envoi d’échantillons – ce que certains rechignaient à faire – jusqu’au bout du monde pour faire goûter le vin aux grands dégustateurs et obtenir une note, live Instagram… un dynamisme qui mérite d’être souligné. Tout cela, avant une mise sur le marché du millésime qui a même déjà débuté pour certains.

A quelle catégorie de millésime avons-nous affaire ? Petit, moyen, grand, mythique ?

Bordeaux avait à cœur de faire connaître, et exister commercialement le millésime 2019 ces premières dégustations le confirment.

Pourtant, il n’a pas été de tout repos : un mois de janvier extrêmement froid, février tropical, a précédé un printemps maussade, avec quelques gelées jusqu’à début mai ; juin très chaud, a été suivi d’un mois de juillet caniculaire – il s’agit là de l’un des 3 mois de juillet les plus ensoleillés de ces 30 dernières années – . Durant l’été, quelques orages spectaculaires ont parfois empêché l’arrêt du processus de croissance de la vigne dans certaines parcelles, sous la contrainte hydrique. Ce phénomène est généralement nécessaire avant le début de la coloration des baies, la véraison. Le mois de septembre, magnifique a offert des conditions idéales pour des vendanges ensoleillées. Certaines propriétés ont parfois vendangé tôt le matin pour préserver la fraîcheur des baies.

Cette météo en dents de scie, donc, s’est certes révélée bénéfique pour les merlots, mais elle a également favorisé une bonne maturation des cabernets. Au final, des vins certes denses, puissants, pour certains avec une teneur en alcool importante, mais tout de même aptes à offrir une belle fraîcheur et de l’élégance.

Un millésime petit, moyen, grand, mythique, donc ?

Puisque vous voulez un mot, un cliché, je vais vous répondre par une tautologie. 2019 est un millésime… en 9 !

Et les amateurs savent que 9 a parfois donné naissance à de grandes années.
Certains vins rappellent les grandes réussites de 2009. En 9, vous avez aussi 1989… De là à professer que 2019 sera mythique, je ne suis pas en mesure de vous le dire.

Ce qui est certain, c’est que 2019 est manifestement réussi dans de nombreuses propriétés, notamment celles qui ont privilégié des extractions douces, une vinification délicate.

Certaines appellations se sont-elles particulièrement démarquées ?

L’année a été favorable aux terroirs argileux, qui exercent une fonction d’éponge, emmagasinant de l’eau, ce qui leur permet de « tenir » en cas de canicule.

Les vieilles vignes, profondément enracines, ont bien résisté aux épisodes de forte chaleur. Deux critères qui permettent de faire la différence.

Des réussites ont été enregistrées dans toutes les appellations, avec une caractéristique : certains vins déjà très attrayants dans leur jeunesse. Les méthodes de vinification évoluent, il n’est plus nécessaire d’attendre un vin de Bordeaux pendant des décennies. Ce 2019 en apporte l’illustration.

Notons que certains vins se distinguent par une belle acidité, ce qui constitue alors un gage de longévité. Un autre critère déterminant pour le placement…

D’accord, 2019 est bon, mais qui va acheter ce millésime dans un contexte pareil ?

Ce n’est pas ici que je vais vous expliquer à quel point le contexte est délicat, d’autant que deux grands marchés de Bordeaux sont déjà fragilisés depuis des mois : la Chine, 1er pays à l’export pour les vins de la région (foyer du coronavirus) et les Etats-Unis, deuxième marché (impacté par les taxes Trump sur les importations).

En Europe, l’impact du Covid continue à se faire sentir, les restaurants ré-ouvrent à peine, le tourisme n’est pas encore reparti.

Tout dépend, en réalité, de la qualité de la relation établie par la propriété avec son marché et réseau d’importateurs.

Plutôt que de lancer une campagne de vente en primeur, n’aurait-il pas mieux valu laisser passer une année ?

Sans doute pas, pour deux raisons. D’abord, pour certaines propriétés, la vente en primeur est cruciale pour leur équilibre financier.

Signalons au passage, que les niveaux de rendements sont bons, Bordeaux a du vin à vendre cette année ! Certaines propriétés ont besoin de retrouver un peu de souffle après deux années de récolte amputées par le gel (2017) ou les maladies (2018).

Et ensuite, Bordeaux doit rester présent au sein de l’offre de grands crus. Sinon, qui va prendre la place et remporter la mise ? Comme nous le constatons aux enchères, la part de cette région dans les ventes s’efface en proportion des autres régions (43% des volumes échangés en 2019, 40% en valeur). Il serait dangereux pour Bordeaux de disparaître complètement de la scène commerciale, surtout avec un millésime si réussi. La riposte, très dynamique, est en revanche un excellent signal.

Si à peine 200 propriétés vendent leurs vins en primeur, c’est toute la région qui bénéficie de ce braquage de projecteurs.

Dans ce cas, les propriétés sont incitées à baisser leurs tarifs ?

Le Château Pontet Canet a envoyé un signal fort en baissant son prix de sortie en primeur de 31%. Précisons que le cours de ce cru classé de Pauillac – pionnier de la biodynamie à Bordeaux – avait connu de fortes augmentations ces dernières années. Château Palmer, également en biodynamie, sort à -32%, Cos d’Estournel à -25%.

S’agissant des tarifs, les propriétés n’ont besoin de personne pour savoir combien il se révélera plus que jamais crucial de fixer leur prix de sortie en prenant en considération la situation de leurs différents marchés.

A condition, toutefois, d’inscrire cette décision dans une démarche cohérente avec les prix pratiqués les années précédentes, au regard de la qualité des vins restant encore à écouler dans les précédents millésimes.

Faudra-t-il l’acheter dans ce cas ?

Compte tenu de la qualité des vins, un beau millésime comme 2019 pourrait se révéler une excellente opportunité, en gardant en tête l’équation entre plusieurs facteurs parfois contradictoires : le prix, bien sûr, que l’on attend encore pour la plupart des propriétés, mais aussi la rareté des vins – rareté relative cette année -, et leur capacité de garde.

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