Henri Bonneau
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Avec Jacques Reynaud, disparu en 1997, Henri Bonneau, qui nous a quittés le 21 mars, était l’autre figure légendaire de Châteauneuf-du-Pape. Une légende construite avant tout sur la qualité de ses vins, mais aussi sur une personnalité hors normes. Une page de l’histoire de la grande appellation sudiste se tourne…

« Cave fermée. » Un petit bout de papier blanc éternellement coincé juste au-dessus de la sonnette d’une petite porte anonyme d’une vieille rue de la cité papale annonce la couleur. N’entre pas ici qui veut ! Et ceux qui ont eu le privilège d’y passer un moment ne sont pas prêts de l’oublier…

Les amateurs les plus pointus ne sont plus surpris. Mais ceux qui ne connaissent les vins d’Henri Bonneau ou ceux de Château Rayas qu’au travers de leur réputation mondiale, ou, ce qui revient un peu au même, via leur cote iDealwine, ne peuvent imaginer à quel point ces deux domaines sont éloignés du clinquant habituel qui accompagne les domaines légendaires. Château Rayas ressemble bien plus à une modeste grange qu’à un château, et la cave d’Henri Bonneau à un capharnaüm poussiéreux, un labyrinthe de pièces encombrées de vieux foudres et tonneaux qui semblent être aussi âgés que les murs creusés dans le sous-sol du village…

Au milieu de ce véritable musée un homme au physique modeste, presque toujours vêtu d’une salopette de travailleur, un vrai paysan à l’ancienne, un “taiseux” qui n’accorde pas facilement sa confiance. Henri Bonneau, né en 1938, représentait la douzième génération de vignerons sur ce petit domaine de 6 hectares où il a vinifié pour la première fois en 1956. Un domaine traditionnellement planté très majoritairement en grenache (85 %) complété par un peu de mourvèdre, de counoise et de vaccarèse (il détestait la syrah qu’il jugeait indigne de l’appellation Châteauneuf !).

Comme aimait à le dire lui-même Henri Bonneau quand on lui demandait comment ses vins pouvaient être aussi bons : « Le secret, c’est qu’il n’y en a pas ! » Effectivement sa “technique” était tout ce qu’il y a de plus simple : pas de technique ! Sans se poser la question du bio (Henri Bonneau était allergique à toute forme d’administratif) il cultivait ses vignes comme du temps où on n’avait pas encore inventé la chimie… De petits rendements, des raisins mûrs sans excès, une matière première très saine, des fermentations en levures indigènes, pas de manipulations des moûts vinifiés en cuves béton, puis les jus sont entonnés dans des contenants d’un peu toutes les tailles et souvent âgés de 20 à 40 ans, voire plus ! Si secret il y a c’est que Henri Bonneau élevait ses vins longtemps, parfois très longtemps, de 4 à 10 ans ! Les trois cuvées habituelles du domaine, le châteauneuf générique, Marie Beurrier et Réserve des Célestins, n’étaient jamais déterminées à l’avance (ce ne sont pas des sélections parcellaires), mais simplement peu de temps avant les mises en bouteilles, après une dégustation attentive, méthodique et sévère. Il le répétait : « C’est la dégustation qui décide toujours. Dans le même lieu, le même récipient, à la même heure. » Il lui est arrivé ainsi de “déclasser” en cuvée Marie Beurrier des barriques a priori destinées à la Réserve des Célestins, notées pourtant 94/100 par Parker ! Mais dans ces élevages prolongés il n’y avait parfois aucune logique apparente pour l’observateur extérieur. Ainsi en 2011 Réserve des Célestins 2006 était déjà en bouteille alors que Marie Beurier ne l’était pas et tous les 2005 étaient encore en fût. Seul Henri Bonneau savait ce qu’il faisait, en traçant des signes mystérieux à la craie sur ses barriques…

Henri Bonneau était l’archétype du vigneron-paysan avec ce mélange de rusticité apparente et d’intelligence pétillante et pleine d’humour (parfois vache !) que l’on rencontre souvent chez ce type de personnage. Un homme de convictions aussi, pas toujours “politiquement correctes” – un peu comme Jacques Reynaud d’ailleurs – et qui exécrait toute forme d’étatisme et de puissance de l’administration. Fan de gastronomie, mais aussi de bonne cuisine paysanne, une de ses phrases favorites était : « Je préfère boire un vin basique avec des gars sympas qu’un grand flacon avec un imbécile ! » Du bon sens paysan en quelque sorte…

Restent ses vins, un style à part, toujours très complexe, très épicé, plein de nuances et surtout une texture d’une finesse admirable. Une concentration rare, mais jamais de lourdeur ou de grosse puissance dominante. Un univers unique à Châteauneuf, ni vraiment proche de Rayas, ni comparable à un Clos des Papes. Les vins les plus proches, peut-être, seraient ceux du Domaine Lucien Barrot, un autre “traditionnaliste“ très discret de Châteauneuf.

Quant à la question des prix, c’était un éternel reproche que lui faisait son entourage amical : peu intéressé par l’argent, Henri Bonneau n’a jamais cherché à profiter de son talent et de la renommée de ses vins, laissant les circuits commerciaux profiter de sa notoriété. Cela ne risque pas de s’arranger avec sa disparition. Et on ne sait d’ailleurs pas encore ce que sera l’avenir du domaine…

La cote iDealwine des vins d’Henri Bonneau :

Ch. du Pape 2000 – Henri Bonneau                 67 €
Ch. du Pape 2001 – Henri Bonneau                 70 €
Ch. du Pape 2003 – Henri Bonneau                 72 €
Ch. du Pape 2004 – Henri Bonneau                 89 €
Ch. du Pape 2006 – Henri Bonneau                 75 €
Ch. du Pape 2007 – Henri Bonneau                 85 €
Ch. du Pape Marie Beurrier 1990 – Henri Bonneau              292 €
Ch. du Pape Marie Beurrier 1995 – Henri Bonneau              143 €
Ch. du Pape Marie Beurrier 1998 – Henri Bonneau              126 €
Ch. du Pape Marie Beurrier 1999 – Henri Bonneau              126 €
Ch. du Pape Marie Beurrier 2000 – Henri Bonneau              162 €
Ch. du Pape Marie Beurrier 2005 – Henri Bonneau              192 €
Ch. du Pape Marie Beurrier 2006 – Henri Bonneau              129 €
Ch. du Pape Réserve des Célestins 1990 – Henri Bonneau              960 €
Ch. du Pape Réserve des Célestins 1995 – Henri Bonneau              278 €
Ch. du Pape Réserve des Célestins 1998 – Henri Bonneau              295 €
Ch. du Pape Réserve des Célestins 1999 – Henri Bonneau              192 €
Ch. du Pape Réserve des Célestins 2000 – Henri Bonneau              211 €
Ch. du Pape Réserve des Célestins 2005 – Henri Bonneau              278 €
Ch. du Pape Réserve des Célestins 2006 – Henri Bonneau              215 €
Ch. du Pape Réserve des Célestins 2007 – Henri Bonneau              240 €
Ch. du Pape Cuvée Spéciale 1990 – Henri Bonneau              540 €
Ch. du Pape Cuvée Spéciale 1998 – Henri Bonneau              456 €

 

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Cette publication a un commentaire

  1. Dieudonne

    J’ai eu l’occasion de boire récemment une cuvée Marie beurrier et un clos des célestins 2006 ou 09 je ne me souviens plus et ils étaient, surtout les célestins que le restaurateur a remplacé par Marie beurrier très affectés par les brettanomyces. Il sentait la vieille cave. Peut-être finalement le cellier mal tenu n’est pas si bien que cela

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