Interview-BFM-Business-Angelique-de-Lencquesaing-17012019Chaque mois, Angélique intervient dans l’émission Intégrale Placements sur BFM Business pour commenter l’actualité du marché des grands crus et répondre aux questions des journalistes Guillaume Sommerer et de Cédric Decoeur. En ce début d’année, elle livre quelques conseils pour (ré)organiser sa cave dans un objectif de placement. Etudions avec elle la répartition, tant en volume qu’en valeur des vins vendus aux enchères en 2018. Celle-ci constitue un indicateur intéressant de la part à accorder aux différentes régions dans la constitution, ou la gestion de votre cave.

Voir l’interview BFM du 17/01/2019

  • Le début d’année est propice à réorganiser ses « actifs ». Et le vin en est un ! Le marché des enchères que vous suivez de près chez iDealwine donne de bonne indication sur les choix à effectuer. Quelle est la tendance, à l’issue de l’exercice de 2018 ?

Le marché des enchères de vin a le vent en poupe ! L’année s’est achevée sur une note extrêmement favorable, avec une forte augmentation des ventes, tant en volume qu’en valeur (la hausse est supérieure à 30%).
Je parle là des vins qui ont été échangés sur la plateforme d’iDealwine, non pas du marché dans son ensemble, mais il est manifeste que le marché des grands crus aux enchères est aujourd’hui de plus en plus attractif. Et il s’est montré dynamique tout au long de l’année.

  • Qu’est-ce qui le rend plus attractif aujourd’hui qu’il y a quelques années, pour un amateur qui souhaite investir dans le vin ?

Le marché des enchères est sorti d’une ère « artisanale ». Il s’est professionnalisé en matière d’expertise, d’authentification des bouteilles ; Il s’est doté d’outils qui permettent d’offrir une visibilité mondiale aux vins proposés à la vente. Et enfin, mieux sécurisé, il inspire confiance et facilite l’accès d’un plus grand nombre d’amateurs à ce marché.

Les amateurs peuvent donc aujourd’hui valablement acheter dans les ventes aux enchères des vins qui, à condition d’être bien conservés, vont continuer à s’apprécier dans le temps.

  • Quels sont les traits saillants du marché en 2018 ? Parlons déjà en termes de répartition par région, qui donne de bonnes indications pour constituer sa cave. La région de Bordeaux maintient-elle sa supériorité ?

Oui, cette répartition va me permettre de vous établir ma prescription pour la constitution de votre cave en 2019.

Bordeaux, dont la part se rétracte d’année en année dans les ventes aux enchères au profit d’autres régions, avait franchi à la baisse le seuil historique des 50% de parts des ventes aux enchères, en volume comme en valeur. L’érosion s’est poursuivie en 2018.

Mais attention, Bordeaux demeure la région la plus représentée aux enchères, avec 44% des volumes échangés et 45% de la valeur des vins vendus sur iDealwine en 2018.

  • Une valeur sûre, donc ?

Oui, le lot le plus cher adjugé sur iDealwine en 2018 est d’ailleurs une caisse de 12 bouteilles de château-latour 1961, vendue 46 816€, soit 3900€ la bouteille. Pour autant, et on aura l’occasion d’y revenir de façon plus approfondie au cours des mois prochain, ce n’est pas à Bordeaux que les performances sont les plus marquantes.

Disons que Bordeaux représente avant tout une valeur de fond de portefeuille.

  • Et les autres régions traditionnelles que sont la Bourgogne et le Rhône, comment a évolué leur part dans les ventes ?

Un petit rappel : il y a 20 ans, Bordeaux représentait 80% des ventes de vin aux enchères.
Aujourd’hui, les trois régions les plus présentes dans les ventes totalisent 80% de ces volumes.
Le cas de la Bourgogne est frappant : cette région totalise 23% des volumes vendus et 31% de la valeur vendue. C’est dire si les prix des grands crus de cette région surpassent, en moyenne, la valeur de ce qui se vend aux enchères.

  • Comment expliquez-vous cette situation ?

La difficulté à trouver ces vins, leur rareté, voilà le premier critère.
Face à cette rareté, et peut-être en raison de cette rareté, l’explosion de la demande, et tout particulièrement de la demande asiatique, sont le deuxième élément d’explication.

Un exemple ?
La Romanée Conti, bien sûr, le domaine le plus emblématique de la Côte de Nuits.

225 flacons issus des différentes parcelles exploitées par ce domaine ont été vendus en 2018, pour une somme de 620k€ environ. Soit un prix moyen à la bouteille >2750€.
On est bien au-delà du prix moyen des flacons vendus aux enchères l’année dernière (120€)

Et pour l’investisseur, ce qui est marquant, c’est que, en raison de la faiblesse de la production – conjuguée à l’impossibilité d’acheter directement au domaine – les prix ne cessent de croître.

  • Et la vallée du Rhône ? Toujours éclipsée par les deux monstres que sont Bordeaux et la Bourgogne ?

Pas du tout. Cette région a représenté l’année dernière 13% des échanges en volume, et 11% en valeur. Le Rhône est porté par des signatures mythiques comme celle de Jean-Louis Chave, qui produit la fameuse cuvée Cathelin, en Hermitage. Un vin rare qui n’est pas réalisé chaque année et qui, surtout, n’est plus commercialisé au domaine.

Dans notre TOP 10 des flacons les plus chers, c’est le premier qui apparait après la Romanée-Conti, à la 6e place du palmarès. Pour un flacon de 2009, adjugé 12652€.

Donc le Rhône ne doit pas être négligé dans la constitution d’une cave.
Face aux ténors de la région que sont Chave, Guigal, Jaboulet au Nord, Château Rayas au Sud, de nouvelles signatures émergent, en nombre, encore très attractives en termes de prix. Une mine de belles opportunités !

  • Voyons les 20% restant, maintenant.

C’est la partie la plus excitante. On allie dans ces régions les valeurs sûres, les vignerons phare qui poussent toute leur appellation, voire leur région vers le haut. Et une myriade de signatures plus pointues qui ne demandent qu’à émerger.

Mais attention !

La part à accorder à ces régions dans votre cave est directement liée à votre degré de connaissance en matière de vin, et à votre appétence pour une forme de risque.
En clair si vous êtes un profil amateur, prudent, privilégiez les grandes régions classiques et les signatures qui ont fait leurs preuves.

Plus vous êtes pointus, plus vous pouvez aller chercher dans ces régions de nouvelles pépites.

La vallée de Loire offre un terreau particulièrement passionnant à explorer. Sa part en volume progresse et s’établit désormais à 5% des échanges. Elle est boostée par la présence, aux enchères d’un du mythique, le Clos Rougeard à Saumur Champigny et Didier Dagueneau. Pour l’instant l’écart est gigantesque entre les prix enregistré aux enchères pour ces vins, face à ceux d’autres domaines tout aussi passionnants. C’est LA région à suivre encore cette année. Il y a de nombreux domaines qui méritent de figurer dans une cave de vin de garde. Nous réaliserons prochainement un focus  sur cette région passionnante.

  • Est-ce la seule ?

Nous avons vu en 2018 émerger aussi la part des vins d’Alsace dans cette répartition. Ils ne représentent certes que 2% du volume vendu. Mais cette part progresse (elle est deux fois plus élevée qu’en 2018).

Longtemps les vins d’Alsace sont demeurés, tout du moins pour la clientèle française, une « niche » pointue. Des vins difficiles à cerner. Ce n’est pas un hasard si les grands domaines exportent 80% de leur production.

Comme dans d’autres régions, c’est à la lumière du travail mené par d’immenses vignerons que cette région va progressivement sortir de l’oubli. Parmi les noms les plus emblématiques, citons les domaines Trimbach, Deiss, Weinbach, Zind-Humbrecht ou encore Ostertag.

Le Jura est lui aussi sorti d’un relatif isolement, qui réservait ses vins à une clientèle pointue. Même situation pour le Beaujolais et le Sud-Ouest.
Le choix des producteurs est aujourd’hui plus déterminant encore que l’appellation, ou même la région. Plus aucune région n’échappe à l’appétit des amateurs, appétit renforcé par la rapidité de circulation de l’information.

10 – Des vignerons si possible « Nature », tant qu’on y est ?

Ah, le vin nature pourrait constituer le sujet d’une chronique à lui tout seul. C’est aujourd’hui une quête, partie d’une nouvelle génération de sommeliers, qui s’est répandue à travers le monde. Le fantasme d’un vin le plus naturel possible ;

Jean-Michel Deiss disait il y a quelques jours en recevant le prix spécial du Jury de La Revue du vin de France : « le grand vin sera naturaliste »

Un vin sans artifice, sans ajout d’intrant, de produits phytosanitaires bien sûr, mais aussi de soufre, voilà aujourd’hui la quête d’un nombre croissant d’amateurs.

Le phénomène est transversal, aucune région n’y échappe et c’est passionnant. A cet égard, nous proposons actuellement aux enchères une première mondiale : une cave entièrement constituée de vins « nature ». Les enchères se déroulent en ligne jusqu’au 31 janvier.
Un prisme unique dans le choix des vins, de la part d’un amateur français, visionnaire puisqu’il a accumulé ces vins depuis de nombreuses années. Voici décidément un phénomène qui n’est pas près de s’éteindre.

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