1- Gourt de Mautens iDealwine

« J’adore la cuisine. Je réalise des vins savoureux et voluptueux, il faut donc les marier à des plats caressants et moelleux. Je conseille d’allier mes blancs à une poularde aux morilles, des quenelles de brochet, ou un risotto avec des truffes blanches. Vous pouvez accompagner mes rouges d’une gastronomie noble et fine, ou une viande suave et goûteuse comme le bœuf. » Ecouter Jérôme Bressy parler de ces vins et de son amour pour la cuisine à cela de magique : il est capable de chatouiller vos papilles, même après un déjeuner copieux. Ce prélude vous aurait-il mis en appétit ? Parfait ! Laissons le vigneron conter son histoire…

2- Gourt de Mauntens - iDealwineA la question « Pourquoi avez-vous voulu sortir votre domaine de la cave coopérative ? », la réponse fuse d’elle-même et prend une tournure romanesque. « Je viens d’une famille de vignerons qui, comme beaucoup aux alentours, vendait les raisins à la cave coop. Petit, je suivais mon grand-père et mon père dans les vignes, et je faisais du vin avec mon grand-père. J’entretenais une passion pour le métier de vigneron qui m’intriguait car il est l’aboutissement du travail du viticulteur. Son graal en quelque sorte.

J’ai donc peu étudié en arrêtant l’école à 17 ans afin d’aider mon père et d’apprendre les gestes des anciens de Châteauneuf-du-Pape. Les années ont filé, et j’entretenais toujours ce désir de devenir vigneron. En grandissant, j’ai découvert le monde des grands vins. Un monde qui pouvait être plus créatif. Ma vocation s’est alors confirmée. Je voulais faire un vin différent. Un vin qui présente une expression pure de la terre. Pour cela, il me fallait des sols vivants et le passage en bio s’est imposé alors que je n’avais pas encore 20 ans et que je dépendais toujours de la cave coopérative.

Dans cette lignée, j’ai découvert la biodynamie en 1993. A cette époque, j’étais un avant-gardiste, pour ne pas dire un illuminé aux yeux des autres. Après mon service militaire, je me suis lancée définitivement et j’ai signé mon premier millésime en 1996 dans un petit garage. Bien sûr, ma famille était apeurée de me voir sortir du carcan rassurant de la cave coopérative. Mais ce sentiment a vite été remplacé par une grande fierté et un soutien puissant. Après deux ans à travailler dans ces conditions, je suis allée voir les banques afin d’investir dans un meilleur système de vinification.

Mon style a rapidement marqué les esprits des amateurs et des professionnels. Le succès ne s’est pas fait attendre. Cette expérience m’a fait comprendre qu’avec de la passion, je pouvais réussir malgré les difficultés. Celles-ci m’ont d’ailleurs permis- et me permettent toujours- de me remettre en question.

Vieux carignan, counoise, vaccarèse pour les rouges, picardon, clairette, grenache pour les blancs sont quelques-uns de vos nombreux cépages. Pouvez-vous nous parler de votre volonté de réhabiliter ces vieilles variétés ?

Je voulais préserver la culture des anciens. J’ai commencé en 1993 avec de la counoise, et, depuis, chaque année je fais des essais de complantation car j’apprécie la richesse et les nuances engendrées. Comment je procède ? Je goûte ces cépages et ne sélectionne que les meilleurs que je travaille en profondeur. C’est assez vertigineux car je n’ai pas de certitude sur le résultat… Mais ça marche ! Une synergie se créé entre les plants au fil du temps, les maturations se lissent. J’espère que la personne qui héritera de ces vignes variées en fera quelque chose d’original.

Pouvez-vous nous parler de vos méthodes de viticulture ?

Je travaille tous les jours dans mes 15 hectares de vieilles vignes. Je recherche des rendements très faibles grâce à des vieux plants centenaires qui produisent peu, et grâce à d’autres plus jeunes qui livrent plus d’extrait sec que de jus. Une taille en gobelet avec peu de porteurs (= coursons) et un enracinement profond offrent un rendement moyen entre 8 et 15 hectolitres annuels.

Cette année, j’ai été frappé par le mildiou à cause des pluies printanières. Une perte de la récolte conséquente et des vendanges tardives ne m’ont permis de recenser que 3 hl/ha, de très haut niveau toutefois.

A propos de vendanges, les miennes sont assez longues et peuvent, comme cette année, s’étaler jusqu’à début novembre. Je vous le disais, je prends toujours des risques pour avoir une expression parfaite du terroir. Ainsi, je goûte mon raisin mais me fie peu aux analyses. Si c’est bon, je récolte.

3- Gourts de Mautens - iDealwine

Comment s’organise le travail en équipe ?

J’ai une petite équipe de 3 personnes à temps plein. Être présent sur tous les fronts est à la fois une grande satisfaction personnelle, mais c’est aussi très important car, si je délègue trop, je m’éloigne de mon but.

Il m’est possible d’atteindre ce but par la biodynamie. Le domaine est certifié mais je ne le revendique pas sur la bouteille car je ne veux pas en faire un argument commercial. Quoiqu’il en soit la culture de mes vignes suit le calendrier spécifique car chaque jour a une influence sur le sol et sur la plante. Inévitablement, lorsque les jours son bons, nous ne comptons pas nos heures. Lorsqu’ils sont défavorables, nous nous occupons autrement en préparant les commandes ou en effectuant d’autres taches qui n’influent pas sur la plante. De toute façon, il y a toujours quelque chose à faire !

Parlons vinifications. Quelle est votre marque de fabrique ?

Je ne suis pas prisonnier d’une recette. Il m’arrive donc d’avoir des périodes de style de trois à quatre millésimes. Je fais des vinifications à part, je transforme pour trouver ma voie et mon style. Par exemple, il m’arrivait d’égrapper, aujourd’hui je pratique l’éraflage partiel.

Mais de façon générale, je n’ajoute pas d’intrant, ni de levures. Je n’enzyme pas. J’ajoute du soufre après la malo, mais en très petites doses afin de stabiliser le vin.

Les élevages sont longs : deux ans pour les blancs et trois pour les rouges. Je les garde quelques temps en bouteille avant de les vendre afin qu’ils soient déjà plaisants.

- Gourts de Mautens - iDealwine

Concluons sur le principal : vos vins !

Mes vins sont taillés pour la grande garde (20 ans), et dévoilent leur large palette aromatique après 7 ans. Je conseille de carafer les jeunes, les autres nécessitent seulement d’être ouvert une heure avant. Croyez-moi, ils parleront d’eux-mêmes, et, surtout, s’exprimeront différemment au cours d’un (bon) repas.

L’équipe iDealwine remercie Jérôme Bressy pour ce témoignage vivant, passionnant, enrichissant… et gourmand ! Nous lui souhaitons une belle réussite dans ces projets audacieux.

Les vins du Domaine Gourt de Mautens actuellement en vente

Rasteau

Assemblage étonnant de cépages oubliés et d’autres plus répandus, ce vin a bénéficié d’une culture biodynamique certifiée sur des sols de marnes, d’argile et de calcaire. Grappes entières foulées ont fermenté naturellement en cuve tronconique avant de faire l’objet d’un élevage particulièrement long en demi-muids, en foudres de plusieurs vins et en cuves bétons. Ceci permet au vin d’exprimer ses vives notes fruitées mûres. L’élevage en bois confèrent peu ses arômes boisés mais permet une micro-oxygénation porteuses de notes tertiaires (réglisse, fumée, cuir). Voici une cuvée d’exception, rare, au bon potentiel de garde et taillé pour accompagner des mets savoureux et généreux.

Domaine Gourt de Mautens, ce qu’en disent les guides :

Bettane+Dessauve 2018

4* sur 5

En échangeant avec Jérôme Bressy, érudit et passionnant, on se plait à écouter son savoir riche des tours de main d’antan, de ces pratiques ancestrales qui ont fait naître les grands vins du Vaucluse. A l’écoute de son terroir et de la diversité ampélographique de sa vigne, il est un artisan rare dans le paysage viticole. Notre homme fait figure d’exception au travers de ses igp vaucluse, véritables buvards du terroir de Rasteau, calque des vieilles variétés traitées avec respect et attention. En cave, patience et expérience accompagnent le temps pour élaborer quelques-unes des cuvées les plus abouties de la Vallée du Rhône Sud. A chaque millésime, il élève son niveau d’exigence pour atteindre une perfection tangible. Un fois de plus, il l’a démontré cette année.

Jeb dunnuck rouge 2015

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