Avec le domaine de Marcoux on accède à l’équilibre magistral qu’a apporté aux vins de ce domaine une très longue pratique de la culture biodynamique (c’est un des pionniers en France). Que ce soit dans le rouge ou dans le rare blanc on retrouve une pureté d’expression et une énergie suave en bouche qui n’appartiennent qu’aux très grands ! Un échange passionnant avec Sophie Armenier nous a permis de percer les mystères de ce domaine… et de vous les conter.
Dans l’appellation Châteauneuf-du-Pape à l’image plutôt virile, voici un domaine tenu par deux femmes, deux sœurs, Catherine et Sophie Armenier, héritières d’une très ancienne famille locale dont le nom apparaît en 1344… C’est leur frère, parti en 1995 poursuivre sa carrière aux Etats-Unis, qui s’est d’abord occupé du domaine actuel et qui, surtout, a été le pionnier de la biodynamie dans l’appellation. Sophie a rejoint le domaine en 1990 et Catherine en 1995. Sophie s’occupe aujourd’hui plutôt de la partie cave, tandis que Catherine, qui passait l’essentiel de son temps dans les vignes, a transmis le flambeau à son neveu Vincent Estevenin qui apporte depuis son arrivée en 2014 passion et renouveau. Extrêmement sensible à l’environnement, le jeune homme diplômé d’un BTS viti-oeno tient à signer des vins les plus naturels qui soient. Mais si ces petits chamboulements dans le quotidien des sœurs Armenier engendrent quelques remises en question, ils ne les effraient pas pour autant, ayant pour seul but de sublimer des vins déjà réputés.
Mais revenons-en au parcours des sœurs Armenier. Après le départ de leur frère, les deux sœurs ont donc décidé de reprendre le domaine familial afin d’éviter qu’il ne tombe dans l’oubli. Un défi de taille, dans la mesure où les deux jeunes femmes n’avaient ni diplôme, ni expérience si ce n’est la chance d’être nées dans une famille vigneronne. Alors, faisant fi des critiques dont elles étaient l’objet dans la région (deux femmes travaillant seul et en bio n’avaient pas bonne presse à l’époque), elles ont effectué quelques stages et tissé des liens avec des gens du métiers qui leurs ont transmis leur savoir.
Au fil du temps, Catherine et Sophie Armenier ont fait taire les commérages et imposé le respect par leur production à la qualité croissante. Certes, n’ayant pas de connaissances et peu de matériel à leur début, elles reconnaissent avoir perdu du temps. Mais avec de l’envie et de la foi, on peut faire bouger des montagnes. Et c’est ce qu’elles ont fait. Voulant aller jusqu’au bout des choses et gagner en précision tout en se fiant à leurs impressions (car, non, « le vin ne se résume pas à l’analyse scientifique »), elles ont su maîtriser avec brio chaque étape de la vinification, y compris l’élevage et la mise en bouteille qui s’avèrent délicats. Retenons donc que les températures sont maîtrisées et le domaine fait quelques remontages mais pas de pigeages. Les macérations durent de quinze jours à un mois selon les millésimes. L’élevage s’effectue essentiellement en cuves béton, mais il y a environ 15% du vin qui est élevé en barriques de 350 litres. La mise en bouteille de tous les vins est réalisée après 18 mois.
Dans les vignes aussi le travail était ardu, le matériel manquant et la main d’œuvre insuffisante. Mais cela ne les a pas empêchées de poursuivre la culture biologique (certifiée) et biodynamique instaurée sur la totalité du domaine en 1991. C’est vrai qu’à leur début, elles étaient encore marginales à suivre des pontes de la biodynamie comme Nicolas Joly. Mais le climat de Châteauneuf-du-Pape qui allie vent et ensoleillement garantissant un bon état sanitaire des vignes les a fortement aidées à tenir bon.
Aujourd’hui, avec du recul Sophie Armenier peut parler de chacun de ses millésimes. Qu’ils soient excellents ou résultats d’une année difficile, elle les apprécie chacun à leur manière puisqu’ils racontent tous une histoire. Ainsi, 2016 n’était « que du plaisir » avec une récolte facile, tandis que 2002 fut la plus terrible recensant une pluie diluvienne deux jours avant les vendanges. Mais ces intempéries font partie du lot des vignerons qui apprennent à composer avec humilité.
Nous autres amateurs, voire passionnés, nous retiendrons de la famille qu’elle signe des vins à son image, sympas, nature, sans chichi, d’une évidence faussement simple, qui cache une véritable profondeur, en alliant le meilleur de la tradition et du modernisme.
Domaine du Marcoux, ce qu’en pensent les guides
Guide vert de La Revue du vin de France – 2*/3
Dirigé par Catherine et Sophie Armenier, le domaine de Marcoux s’impose au sommet des vins de l’appellation Châteauneuf-du-Pape. Il s’est orienté très tôt vers la culture biodynamique (non certifiée). Les vins possèdent un naturel et une profondeur rares, une énergie et une puissance de bouche qui ne s’appuient sur aucun artifice d’élevage. Ces grands vins classiques, marqués par l’empreinte des grenaches mûrs, vieillissent à merveille. Malgré de fortes maturités, toutes les cuvées ont trouvé leur équilibre et paraissent moins chaudes que par le passé. Les blancs s’imposent régulièrement parmi les plus beaux de l’appellation ; le travail des sols y est pour beaucoup. Les vins ont gagné en minéralité et en salinité. Année après année, le lirac devient une valeur incontournable.
Les vins : le blanc du domaine est toujours avenant dans la jeunesse grâce à ses notes de fruits jaunes, apportées par la roussanne, et sa bouche généreuse. Le côtes-du-rhône s’affirme comme un vin sudiste dans ses arômes, mais s’avère un peu dissocié en finale. Nous aimons le côté juteux et très charnu du lirac ; sa texture est serrée, mais il n’est pas dur. Le complexe châteauneuf nous transporte vers des nuances de quinquina, de plantes sauvages, d’épices et de maquis : un vin charpenté, dont la richesse et la vinosité s’avèrent un peu débordantes, ce qui nuit à sa digestibilité. Plus harmonieux, le cossu Vieilles Vignes est tout aussi épanoui dans ses arômes, avec en plus une pointe de cacao et de cerise noire.
Bettane + Desseauve 2019 – 3*/5
Les sœurs Armenier font partie des références châteauneuvoises. Grandes dames de la vigne, elles travaillent sous l’égide de la biodynamie et prodiguent un soin rare et attentif aux vignes. Leur gamme se décline en quatre cuvées : un côtes-du-rhône tout en fraîcheur, un blanc puissant et deux cuvées rouges de grande concentration, non sans raffinement. La cuvée vieilles-vignes, en particulier, est remarquable de puissance et d’équilibre. Domaine très recommandable.
Les vins du domaine de Marcoux en vente sur iDealwine
Châteauneuf du Pape Rouge 2016
La cuvée classique du domaine de Marcoux est issue de 13 différentes parcelles situées dans divers quartiers de l’aire d’appellation Châteauneuf-du-Pape, avec une moyenne d’âge de 50 ans pour les vignes. Cette diversité des terroirs donne un côté incroyablement équilibré au vin et une complexité qui se développe au fil des années de garde. Les vendanges sont assez échelonnées car les maturités peuvent varier sensiblement d’un quartier à l’autre. Elles sont manuelles, dans des petites caisses, avec tri des raisins à la vigne. Une fois à la cave, la vendange est éraflée, foulée, puis refroidie pour une macération pré-fermentaire, destinée à accentuer le potentiel aromatique du vin. Lors de la fermentation alcoolique, la température est contrôlée et des remontages quotidiens sont pratiqués. La macération dure de 15 jours à 20 jours. Après les fermentations malolactiques, l’élevage se fait en cuves béton et en fûts de 350 litres, pendant environ 18 mois. Ce vin se distingue par l’élégance et la délicatesse de sa texture en bouche. Jeune, il pourra se marier à une pintade rôtie ou plutôt en sauce, à un gigot (ou un carré) d’agneau rosé, ou encore à un plat de pâtes aux cèpes. Plus âgé, il sera à l’aise également sur des viandes goûteuses en sauce ou sur un gibier à plumes.
Châteauneuf du Pape Cuvée Vieilles Vignes 2016 et 2017
Ce châteauneuf-du-Pape Vieilles Vignes est la cuvée phare du domaine de Marcoux. Elle est issue de trois parcelles : Charbonnières, un terroir de sables et de grès molassiques planté principalement de grenache, situé sur le versant nord du plateau de la Crau ; Esquierons, un hectare de grenache (pour partie planté en 1900) situé sur le versant ouest de la colline du village, derrière le château ; et Gallimardes, parcelle de cailloux roulés située au sud de l’appellation, entièrement plantée de grenache. La vendange est éraflée. A l’issue des fermentations malolactiques le vin fait l’objet d’un soutirage, avant son élevage en cuve tronconique de bois, durant 18 mois.
Châteauneuf du Pape Blanc 2018 blanc
Le blanc du domaine est assemblé à partir de deux parcelles, l’une de roussane et l’autre de bourboulenc. Les vendanges se font manuellement en caisses de 50 kilos, en prenant garde à ne pas abîmer les raisins. La vendange est refroidie afin de faciliter le débourbage, et avant de lancer la fermentation alcoolique. La fermentation malolactique n’est pas effectuée, et l’élevage s’effectue sur lies fines pendant 7 mois.
Fruit d’une culture biologique et biodynamique, ce lirac rouge a vu le jour grâce à une vendange manuelle, un tri sévère avant une macération préfermentaire à froid. Le domaine a privilégié une vinification similaire à celle de Châteauneuf-du-Pape, un élevage d’un an en cuve béton et en barrique (bois non neuf). Ces choix de vinification a permis de signer un vin intensément fruité et complexe, taillé pour une garde d’une bonne dizaine d’années.
Côtes du Rhône Blanc 2018
Issu d’une culture bio et biodynamique, ce côtes-du-rhône blanc présente un équilibre parfait entre fraîcheur et rondeur. Ses arômes floraux et fruités se marieront à merveille avec des mets simples et délicats. Une très belle illustration du genre.