Loin des maisons de champagne, Jérôme Dehours propose depuis 1996 du champagne véritablement maison : des cuvées parcellaires à la réserve perpétuelle. Il nous a livré les secrets de son domaine et de ses vins lors d’une interview. Alors plongez dans sa mosaïque de terroirs et de vins !

Le champagne de père en fils

Tout est dans le nom : le champagne, c’est bien chez les Dehours, un trait de caractère qui se transmet de père en fils. Dans la famille, vous pouvez d’abord demander le grand-père. C’est lui qui pose la première pierre de cet édifice familial, ou mieux encore, qui en plante les premières vignes. Dans les années 1930, il fait partie des pourvoyeurs de raisins : c’est lui fournit les grandes marques de champagne, qui, à cette époque, règnent en maitre sur la région. Mais c’est aussi lui qui décide ensuite de garder sa production pour lui et de vinifier lui-même. Une vraie révolution à cette époque. De récoltant, il devient manipulant. Un véritable pionnier donc. Vous pouvez ensuite demander le père qui hérite du domaine et le développe. Et enfin, vous pourrez demander le fils, Jérôme Dehours, l’actuel vigneron du domaine.

Mais cette histoire n’a pas été aussi évidente qu’un jeu de sept familles : à la mort de son père, Jérôme Dehours travaille d’abord de concert avec des financiers. Mais très vite, ses sœurs et lui deviennent minoritaires dans leur propre structure et ne se reconnaissent plus dans les champagnes qui en sortent. Il le dit lui-même, ils ne partageaient pas « la même vision des choses ». En 1996, à 30 ans, il prend une décision plutôt radicale : tout recommencer, tout reconstruire à partir d’une « page blanche ». Et pour cause, lui et ses sœurs n’ont pas de matériel, pas de stock, pas de client…. Mais qu’à cela ne tienne ! Il s’associe avec son beau-frère Jean-Marc Laisné et ensemble, ils sortent 5 000 bouteilles dès leur premier millésime. Aujourd’hui, avec presque trente millésimes dans les pattes, Jérôme Dehours travaille sur 42 parcelles, toutes situées dans un périmètre de trois kilomètres autour des chais. Ce domaine est donc une véritable œuvre familiale, un puzzle que son père, son grand-père ont assemblé avant lui et avec lui.

Un puzzle de parcelles

En digne petit-fils de son pionnier de grand-père, Jérôme Dehours n’hésite pas à aller à contre-courant. En reprenant le domaine, il a clairement une idée en tête : en Champagne, ce sont les assemblages qui ont la vedette et qui constitue l’immense majorité de la production, que cela soit des assemblages de millésimes ou de parcelles. Mais Jérôme Dehours, quant à lui, souhaite mettre des champagnes parcellaires en bouteille. Et il faut dire que c’est assez novateur à l’époque : rares sont les vignerons lancés dans cette démarche dans les années 1990. Jérôme Dehours ne peut que citer quelques noms comme celui de Krug et sa cuvée Clos du Mesnil ou encore les Chétillons de Pierre Péters. Mais au pays de l’assemblage, il est clair qu’ils sont largement minoritaires. Le projet de départ est de « laisser s’exprimer les éléments, nous assignant la mission de les respecter dans leur particularité, sans avoir pour objectif de les modifier ». Aussi, en se mettant au service des éléments, au service de son raisin, de sa parcelle et de ce qu’elle veut bien lui donner, au service du millésime, Jérôme Dehours accepte l’exception : « je n’ai pas pour objectif de faire la même chose que l’année précédente ». De la régularité dans l’irrégularité donc et une vision à l’exact opposé des champagnes brut sans année qui ont pour vocation la perpétuation du style d’une maison, au prix de l’effacement des effets millésimes.

Mais à quoi ressemblent donc ces parcelles ? Le domaine est installé à Cerseuil, à 15 kilomètres d’Epernay, sur la rive gauche de la Vallée de la Marne. Les 42 parcellaires sont répartis entre les crus de Mareuil le Port, Oeuilly et Troissy. Les crus de Mareuil-le-Port, Oeuilly et Troissy et reposent principalement sur des sols et des sous-sols argilo-calcaires et sablo-calcaires. Le domaine, plus que morcelé, offre donc une diversité de géologies, d’altitudes, et tout autant d’opportunités de terroirs à laisser s’exprimer pour Jérôme Dehours.

A la vigne : « le respect des éléments »

Concrètement, à la vigne, Jérôme Dehours n’a pas de recette magique ou infaillible si ce n’est l’adaptation permanente. Le domaine fut l’un des premiers à être certifiés HVE3 (voie Agronomique), ce qui limite son utilisation de produits chimiques et encourage le respect et le développement de la biodiversité. Mais si ses techniques et méthodes sont proches de celles préconisées par le label bio, Jérôme Dehours n’hésite pas à s’en affranchir et à contourner les règles. D’une année à l’autre, le travail dans les vignes change et évolue en fonction des conditions climatiques. La seule constante : « comprendre et accompagner le végétal ». Aussi, Jérôme Dehours refuse tout herbicide, enherbe ses parcelles dès le mois de juin, palisse soigneusement, travaille en vert, n’hésite pas à effeuiller. Il investit dans des outils perfectionnés pour cibler ses traitements.

Tout est fait pour permettre à la vigne de donner une récolte à maturité. Là encore, Jérôme Dehours a sa propre définition du terme : afin d’emmagasiner un maximum d’arômes, il pousse ses baies jusqu’à la maturité phénolique. Car, pour lui « un bon fruit est un fruit mûr, un fruit visuellement mûr » et non un fruit uniquement gorgé de sucre. Il vendange donc relativement tard. Par exemple, en 2013, les baies ont été vendangées le 7 octobre ! Année faste visiblement, car les raisins avaient atteint une maturité phénolique absolument parfaite, et ont ensuite donné du vin à l’ancienne, comme on en faisait il y a 50 ans. Le pinot meunier, cépage identitaire de la Marne et star du domaine (60% de l’encépagement) tire alors son épingle du jeu en débourrant relativement tard. Ce qui, dans un contexte de changement climatique a toute son importance, les bourgeons, sortant juste après les dernières gelées printanières.

Pour un champagne maison

Au cercle (ou cuverie), Jérôme Dehours poursuit cette démarche : il limite l’utilisation du soufre, ne filtre pas ses vins pas plus qu’il ne les colle. Aux maisons de champagne, il préfère le champagne maison : ses raisins, ses méthodes et ses levures. Des champagnes de vignerons en somme. Car la levure fait pour lui « pleinement partie du terroir » et donc a toute sa place dans le processus de fermentation et de vinification. Des prélèvements ont donc été réalisés sur les baies pour identifier les levures naturellement présentes dans la vigne. Jérôme Dehours a ensuite opéré une sélection pour ne garder que les levures maison et cocktails de levures adaptés. Aussi, adaptées comme elles le sont au millésime et aux critères du vigneron, elles apportent des nuances aromatiques au vin. Il s’agit donc de levures dites « sélectionnées ». Enfin, le domaine dispose de deux sortes de réserves perpétuelles : celles réservées aux cuvées parcellaires, constituées à partir de 2013, et donnant aux vins une réelle expression de terroir, et la réserve nourrissant la Grande Réserve et les Vignes de la Vallée.

Mais rien de tout cela ne serait possible sans l’équipe du domaine. Jérôme Dehours à fait le choix de mettre « l’humain au centre », des « gens du métier qui sont formés et acquis aux méthodes du domaine ».

Aussi, on retrouve dans le verre un champagne « fait à partir de l’expression singulière d’un terroir et d’une vinification sincère ». Nectar « magique », qui va à peu près avec tout, jusqu’au cigare… Et au risque de faire bondir les amateurs, Jérôme Dehours conseille même d’adapter la température du vin à celle du plat qui l’accompagne : pour les plats chauds et le cigare, il ne faut pas hésiter à le servir presque chambré, à 15° !

Le champagne Dehours, ce qu’en disent les guides :

 Ses champagnes de caractère, majoritairement construits autour du meunier, offrent de la chair et de l’énergie, avec une bulle suave et délicate. 

La Revue du vin de France 2025 : une étoile sur quatre

Tous ses vins ont une grande classe. Les cuvées sont toutes recommandables, chacune dans son style mais toutes très gourmandes, faites pour la table, suaves et élégantes, aux textures très raffinées.

Bettane et Desseauve 2025: quatre étoiles sur cinq

Les vins de Dehours & Fils disponibles sur iDealwine

  • But Nature : Puisque Jérôme Dehours ne cesse d’innover, voilà une de ses cuvées expérimentales. Elaborée ici à partir de pinot meunier, elle fleure bon l’automne.
  • Œil de Perdrix Rosé : Voilà un nom évocateur pour ce rosé d’assemblage à la robe rose pâle et à l’acidité traçante.
  • Les Vignes de Mizy : Tout comme la Champagne n’est pas réservée aux assemblages, elle n’est pas réservée aux vins effervescents. Aussi, goutez donc au coteau-champenois blanc du domaine. Un pari réussi pour le domaine avec ce vin droit, ciselé et iodé.
  • Millésimé : Encore une fois, Jérôme Dehours prend le meilleur de ce que lui donne la vigne et en garde une trace, sous forme de bouteille !
  • Extra-Brut Lieu-dit Brisefer : Ici, ce sont les vieilles vignes du domaine qui ont été mises à contribution. Plantées, pour les plus anciennes en 1947, elle donne un grand vin de terroir, parcellaire, doté d’une finale fraiche et précise.
  • Extra Brut Maisoncelle : Encore une très jolie cuvée parcellaire salivante et un joli pas de coté avec le choix du pinot noir.
  • Extra brut Lieu-dit Les Genevraux : Encore une fois, ce sont les vieilles vignes qui sont mis à l’honneur pour donner cette cuvée confidentielle, délicate et ciselée.

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