Le monde viticole bordelais perd une figure éminente. Alexandre de Lur-Saluces s’est éteint le 24 juillet dernier. Copropriétaire du Château d’Yquem qui était entré dans sa famille en 1785, il en a exercé la direction de 1968 à 2004, année de la cession de la propriété au groupe LVMH. Sa famille étant également propriétaire du Château de Fargues, Alexandre de Lur-Saluces s’était alors pleinement consacré à cette propriété dont il a étendu le vignoble, pour porter sa superficie à 30 hectares. Après avoir été planté de cépages en rouge, le vignoble est aujourd’hui entièrement dédié à la production d’un vin liquoreux que les Lur-Saluces ont hissé au plus haut niveau. Les chais ont récemment été restructurés et agrandis. Enfin, Alexandre de Lur-Saluces et son fils Philippe se sont attelés à la reconstruction de la forteresse de Fargues, inscrite à l’inventaire des monuments historiques. Cette fière bâtisse, construite en 1306, était entrée dans sa famille en 1472… avant d’être quasiment détruite par les flammes en 1687.
Les vins du Château de Fargues bénéficient des mêmes soins que ceux de la propriété d’Yquem, sa voisine immédiate. A la vendange, plusieurs passages (ou tries) sont effectués, pour ne récolter que les baies atteintes du fameux botrytis cinerea. Les rendements sont infimes, de l’ordre de 8hl/hectare. Après des vinifications menées en douceur, les vins vieillissent une trentaine de mois en barriques, et doivent encore patienter six mois en bouteilles avant d’être expédiés aux amateurs. Au Château de Fargues, Alexandre de Lur-Saluces, rejoint par son fils Philippe à partir de 2014, ciselait des nectars extraordinaires, qu’il s’était attelé à défendre en proposant à sa table des accords mets et vins subtils, et parfois détonants, à l’instar de ce mariage inédit entre un millésime encore jeune de Fargues, le 2010 et… des huîtres. Accords de saveurs, accords de textures, tel était le credo d’Alexandre de Lur-Saluces, farouchement opposé aux essais menés par certains propriétaires pour offrir un nouveau destin aux vins de Sauternes, si difficiles à vendre… point de mélange, de cocktails au sauternes, point de vins secs non plus. Au château de Fargues, on ne produit qu’un vin, un liquoreux admirable et ce, uniquement si la nature le permettait.
Homme de lettres, homme de culture, Alexandre de Lur-Saluces se passionnait pour l’histoire de sa famille et de ses propriétés. Il avait d’ailleurs ouvert grand ses archives à l’auteur Christel de Lassus qui préparait une biographie sur Joséphine de Sauvage d’Yquem. Cette femme visionnaire dont le destin a changé la face du vignoble de Sauternes, a en effet ouvert la voie à de nombreuses innovations qui ont porté les vins de sa propriété au firmament. Un livre passionnant que nous avions eu plaisir à lire. Même s’il y était encore présent et attentif, Alexandre de Lur-Saluces avait confié les rênes de la propriété à son fils Philippe et son épouse Charlotte, qui veillent également aux destinées de l’exploitation forestière et agricole familiale. Une entreprise dont Alexandre de Lur-Saluces était particulièrement fier – il se revendiquait l’un des principaux producteurs d’asperge de l’Hexagone ! –. Toute l’équipe d’iDealwine s’associe à la peine de sa famille et de l’équipe du Château de Fargues. Elle adresse à Philippe et Charlotte de Lur-Saluces ses très sincères condoléances, mais aussi tous ses vœux de réussite, alors qu’une nouvelle page du Château de Fargues s’ouvre et s’écrit pour les générations futures.
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