Château Lafleur vin de france

Château Lafleur s’affranchit des règles de l’AOC Pomerol et sera désormais vendu en « Vin de France ». Quel impact sur son image… sur le prix des vins ?

Pomerol : ce nom fait rêver les grands amateurs, bercés par les étiquettes prestigieuses qui jalonnent cette appellation exigüe (813 ha, soit moins de 1% de la superficie viticole de Bordeaux), qui jouxte le plateau de Saint-Emilion. Petrus, Trotanoy, La Conseillante, Le Pin, L’Evangile… et Lafleur sont autant de propriétés emblématiques dont la seule évocation envoute les papilles des amateurs… La délicatesse des vins, leur texture soyeuse et leur élégance incomparable sont autant d’atouts qui les rendent si désirables. C’est dire combien le choix de la famille Guinaudeau, propriétaire de Château Lafleur, de s’affranchir des règles de l’appellation constitue un geste fort. Un acte courageux que Baptiste et Julie Guinaudeau justifient dans le contexte d’un réchauffement climatique qui s’accélère, les contraignant à adapter leurs pratiques s’ils veulent préserver la qualité de leurs vins. Parmi les sujets qui fâchent, celui de l’irrigation est crucial. Les dérogations existent, mais les Guinaudeau voudraient aller plus loin, limiter aussi la densité de plantation pour réguler les besoins en eau, lutter contre la chaleur par différents systèmes tels le paillage, ou l’emploi de système favorisant l’ombrage… rien de très révolutionnaire, mais assez pour sortir du cadre du cahier des charges de l’appellation Pomerol.  

Le pari est-il dangereux pour le succès du cru ?  Cette propriété confidentielle, qui protège jalousement sa tranquillité, est pourtant bien connue des amateurs les plus pointus. Baptiste et Julie Guinaudeau travaillent eux-mêmes et aux côtés de leur équipe les 4,5 hectares de vignes qui composent leur vignoble de poche. Leur vin est singulier à Pomerol, car issu à parts égales de merlot et de cabernet franc. Sa production microscopique, alliée à une clientèle fidèle, ne devrait pas avoir à souffrir d’un changement de dénomination, d’autant que les « vins de France » ont le vent en poupe quand ils sont produits par des vignerons talentueux, créatifs et en quête de solutions pour adapter leurs pratiques au contexte. Mais comment en être certain ?

Que vaut un « vin de France » issu d’un vignoble bordelais ?

Au cours du premier semestre, pas moins de 3 477 flacons portant la seule indication de « vin de France » sur l’étiquette ont été adjugés aux enchères sur iDealwine. Parmi ceux-ci, 18 flacons seulement avaient été produits à Bordeaux. Autant dire que la région n’a pas encore massivement renoncé au prestige de ses appellations d’origine. Le défi est donc de taille.
Au sommet des enchères du début d’année trônait la rarissime cuvée de blanc liquoreux produite par la famille Amoreau au Château Le Puy, « Marie Elisa ». Dans un flacon de 50cl, le 2010 a été adjugé 150€ (soit 225€ en éq. 75 cl). Les autres « VDF » issus de cette région ne dépassent pas le seuil des 100€. Un magnum du très confidentiel domaine du Jaugaret, à Saint-Julien, a atteint 150€ (soit 75€ la bouteille) pour un 2015. Autre vignoble de poche, celui d’Osamu Uchida à Pauillac reste encore très accessible aux enchères, bien que rare. La cuvée « Phéromone 20/21 » s’est en effet vendu 35€. L’an dernier, le palmarès des vins nature, qui faisait la part belle aux vins de France (6 représentants) ne comptait aucun bordeaux parmi les 20 flacons les plus chers.

lafleur pomerol

La reconnaissance des amateurs

Si Bordeaux n’est pas en pointe pour la production de vins de France prisés des amateurs, les Guinaudeau font ainsi indéniablement figure de pionnier par leur choix de renoncer à une appellation aussi prestigieuse. Car les vins de France qui se valorisent bien sur le marché secondaire sont avant tout issus de domaines créés par des vignerons d’inspiration nature, désireux par essence d’embrasser des méthodes de viticulture et de vinification disruptives, et non pas de domaines qui auraient quitté leur appellation. C’est ainsi que parmi les vins les plus chers du premier semestre, on trouve en vin de France la production de Tino Kuban à Meursault (En belle rose 2018, vendu 2 629€), de Jean-Marc Brignot dans le Jura (Trésor d’Aiglepierre – Echarde 2004, adjugé 1 127€), ou encore Xavier Caillard, des Jardins Esméraldins, à Saumur (Genèse 2002 blanc, vendu 1 089€).

Château Lafleur conservera-t-il son prix ?

Le défi est indéniablement de taille pour la propriété, dont les vins s’adjugent, dans les grands millésimes, à plus de 1000€ la bouteille. Au premier semestre 2025, les beaux millésimes de Château Lafleur, 1990, 2000 et 2005 ont tous les trois atteint 1377€ dans les enchères iDealwine, tandis que le 2016 se vendait 1064€ et le 2015, 1039€. Le 2019 (1027€) et le 2020 (1004€) fermaient la marche. Une fois étiqueté en vin de France, le Château Lafleur conservera-t-il son attrait auprès des amateurs ? La rareté des vins sera indéniablement un atout. Au premier semestre 2025, seuls 125 flacons sont passés sur le marteau d’iDealwine. La réponse est entre les mains des amoureux de la propriété, et de tous ceux qui souhaiteront continuer à trouver les flacons de la propriété pour compléter leur collection dans les ventes aux enchères. Affaire à suivre !

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