Chaque mois, Angélique de Lencquesaing participe à l’émission BFM Patrimoine, animée par Antoine Larigaudrie. A l’issue de la 165ème vente des vins des Hospices de Beaune, elle dresse un état du marché des grands vins de Bourgogne.
Ecouter l’interview en podcast
BFM : Chaque année a lieu à Beaune, le troisième dimanche de novembre, une vente aux enchères particulière. Il s’agit de la plus grande vente caritative de vin au monde, et la plus renommée. Elle s’est tenue le 16 novembre dernier. Il s’agit bien sûr de la vente des Hospices de Beaune. Pouvez-vous nous dire pourquoi elle est si spéciale ?
Angélique : Le dimanche 16 novembre 2025 se tenait la 165ème vente aux enchères des Hospices de Beaune. Cette vente est particulière à plusieurs titres effectivement, elle se déroule au cœur d’un grand week-end de célébration du vin qui attire des amateurs du monde entier. Un moment bienvenu pour soutenir la filière vin dans le contexte économique que nous connaissons. S’agissant de la vente aux enchères des vins des Hospices de Beaune plus particulièrement, trois points permettent de la différencier de toutes les autres :
- Cette vente est destinée à financer l’œuvre hospitalière de charité créée par le Chancelier Nicolas Rolin et Guigone de Salin en 1443, à la fin de la Guerre de Cent ans, pour venir en aide aux malades et aux nécessiteux.
- Les vins qui sont vendus proviennent du vignoble des Hospices, vignoble constitué au fil du temps par des donations de parcelles de vignes. C’est ce qui en fait la plus ancienne vente aux enchères caritative de vin au monde.
- Les vins proposés aux enchères sont issus du millésime qui vient d’être récolté, donc le 2025. Les vins ne sont pas encore disponibles en bouteilles, ils sont vendus en fûts, que l’on appelle des « pièces » contenant 228 litres de vin.
BFM : Les vins ne sont donc pas disponibles immédiatement s’ils sont encore fûts ?
Angélique : Effectivement, ce sont en quelque sorte des « primeurs » qui sont vendus, des « futures », pour employer des termes financiers. Les vins ne sont pas achevés. L’acquéreur prend donc possession d’une « pièce » (barrique), soit l’équivalent de 288 bouteilles. Le vin va poursuivre son temps d’élevage auprès d’une maison bourguignonne, avant d’être mis en bouteilles et livré à l’acquéreur. On est donc loin d’une vente aux enchères classique au cours de laquelle les adjudicataires peuvent repartir avec leurs bouteilles sous le bras, ou se les faire livrer dans les jours qui suivent.
BFM : Aujourd’hui, nous parlons de la Bourgogne, région hautement prisée dans les ventes aux enchères. Vous avez pu goûter les vins avant la vente, comment s’annonce ce millésime 2025 ?
Angélique : Oui je les ai dégustés. 2025 a été une année complexe, que la vigne a vécu « les pieds dans l’eau, et la tête au soleil », ainsi que l’a joliment résumé Ludivine Griveau, Régisseur du domaine des Hospices de Beaune. Un domaine qui compte un peu plus de 60 hectares de vignes, un domaine en évolution permanente puisque Ludivine Griveau a obtenu en 2024 sa certification en bio.
Un domaine qui continue de s’agrandir via dons et legs, puisque cette année la famille Faiveley, pour célébrer les 200 ans du domaine, a fait don d’une parcelle de Clos-Vougeot.
Un domaine qui nécessite beaucoup de soin et d’attention, tout particulièrement dans un millésime comme 2025, marqué par des vagues de chaleur sans précédent, mais aussi par une météo capricieuse, tout particulièrement durant la période des vendanges, au cours de laquelle de fortes pluies se sont abattues sur le vignoble.
BFM : Ces conditions ont-elles pesé sur les volumes récoltés et donc sur les résultats de la vente ?
Angélique : Après une année 2024 de faible quantité, 2025 marque une progression même si ces conditions climatiques et les canicules estivales ont encore pesé sur les rendements, les baies récoltées se révélant épaisses et concentrées.
La vente proposait au total 552 lots, dont 428 pièces de vins rouges – soit une centaine de plus que l’année précédente -, 111 de vins blancs – contre 117 en 2024 -, deux demi-pièces, 11 pièces d’eaux-de-vie et la Pièce des Présidents, ou Pièce de charité, vendue au profit de deux œuvres distinctes des Hospices de Beaune.
Sans surprise avec des volumes en nette hausse (+23%) par rapport au creux de 2024, le produit global a atteint 18,3M€ – hors vente de la Pièce de charité -, soit le troisième résultat le plus élevé pour cette vente, derrière les montants atteints en 2022 et en 2023.
BFM : L’engouement semble donc avoir été manifeste pour les vins de cette vente, les prix moyens des barriques sont-ils à la hausse eux aussi ?
Angélique : Le prix moyen d’une « pièce » de 228 litres de vin s’est établi à 33 930€, un prix en légère hausse (+4,6%). Cette progression en a surpris plus d’un car la tendance n’était pas à la hausse au démarrage de la vente, dans un contexte morose pour les ventes de vins.
Les droits de douanes américains impactent négativement les débouchés des vins de Bourgogne depuis l’été dernier. Il faut savoir que les Etats-Unis représentent le premier marché à l’export pour les bourguignons.
BFM : Les résultats sont-ils identiques pour les vins blancs et les vins rouges ?
Angélique : Le domaine des Hospices de Beaune a été généreusement doté de vignes données à l’institution au fil des siècles. Il couvre aujourd’hui 60 hectares répartis sur différentes appellations, principalement en Côte de Beaune.
En rouge, on trouve de nombreuses cuvées de Beaune, Pommard et de Volnay ou encore Savigny-lès-Beaune et Monthélie, ainsi que le grand cru Corton. Viennent s’y ajouter d’autres appellations prestigieuses de la Côte de Nuits (Echézeaux, Mazis-Chambertin et Clos de la Roche). Un don récent de la famille Faiveley a permis d’ajouter une parcelle de Clos-Vougeot à la vente cette année, soit deux pièces qui ont remporté un vif succès, elles ont été adjugées respectivement 165 000 et 170 000€.
En blanc, quelques pièces de Meursault sont complétées par les grands crus Bâtard-Montrachet, Corton Charlemagne, Corton Vergennes… avec un petit nouveau incarné par un Chablis premier cru Côte de Lechet, offert par la famille Brocard en 2015.
Les vins rouges sont historiquement beaucoup plus importants en volume que les blancs, une situation qui ne correspond pas à la répartition de la production en Bourgogne (qui compte, pour mémoire, environ 60% de vins blancs). Aux Hospices de Beaune, ces derniers ne représentent que 20% des volumes.
Mais la qualité des vins et la présence de grands crus emblématiques comme le Bâtard-Montrachet, cuvée Dames des Flandres, a suscité un vif engouement cette année encore : les adjudications se sont élevées jusqu’à 400 000€ la pièce.
BFM : Ces résultats sont-ils en ligne avec ce que vous observez, d’une manière générale, dans les ventes d’iDealwine ? Dans quelle mesure le caractère caritatif de la vente vient-il en imprégner les résultats ?
Angélique : La Bourgogne n’est pas majoritaire dans les ventes aux enchères d’iDealwine : en volume, elle représentait au premier semestre 27% des volumes adjugés. Mais la valeur, elle s’établit en première position, avec 42% du produit vendu.
Les vins blancs progressent, ils représentaient 37% des volumes de vins de Bourgogne adjugés au premier semestre, en ligne avec la tendance observée chez les consommateurs qui tendent à augmenter la part des vins blancs dans leur consommation.
La Bourgogne conserve ainsi une place de choix dans le cœur des amateurs, même si le prix moyen des vins s’inscrit en léger retrait par rapport à l’an dernier (208€ contre 250€). Le marché est toujours à l’achat, mais beaucoup plus attentif aux prix. C’est un signal qui devra être pris en compte dans la fixation des cours des vins de 2025, même s’il s’agit d’un très beau millésime.
Replay de l’émission BFM Patrimoine à retrouver ci
Demander une estimation pour vendre votre cave
