Quel amateur aujourd’hui n’a pas été sensibilisé à la question de la présence des sulfites (= du soufre) dans le vin ? Nombreux sont les passionnés de vins sains, issus d’une culture bio ou biodynamique. Nombreux sont aussi ceux qui recherchent des crus vinifiés sans ajout de sulfite pour un rendu « naturel », fidèle à l’identité du terroir d’origine. Face à ces préoccupations croissantes, l’IFV (Institut Français de la Vigne et du Vin) a réduit son utilisation au sein de différentes régions françaises telles que Bordeaux, la Bourgogne, la vallée du Rhône et la Champagne.
Le sulfite, un élément naturel
N’ayons pas tendance à faire du soufre la bête noire du naturel. Celui-ci est effectivement l’intrant œnologique le plus ancien et le plus universel. Il est d’ailleurs naturellement produit lors de la fermentation des baies qui est l’étape au cours de laquelle les levures indigènes (contenues sur le raisin) ou exogènes (ajoutées par le vinificateur) transforment le sucre de la baie en alcool. Le supprimer totalement de la vinification est un véritable enjeu qui nécessite une attention et une minutie de tous les instants afin de ne pas déstabiliser le vin. Car, vous n’êtes sûrement pas sans savoir que le soufre joue un rôle puissant de stabilisateur et d’antiseptique.
Mais, alors, pourquoi s’essayer à la réduction de sulfites ? Du point de vue du consommateur, il est courant de trouver des amateurs de vins particulièrement sensibles à sa présence qui déclencherait alors des allergies et des crises d’asthme. A long terme, et passée une dose vraiment conséquente de sulfite, cette consommation peut être toxique pour l’ensemble des consommateurs. Ne nous alarmons pas non plus… Du point de vue du vinificateur, son emploi peut conduire à une irritation des voies respiratoires et des yeux. Outils et vêtements de protection sont donc nécessaires lors de sa manipulation.
Description de l’expérience
Merlot à Bordeaux, chardonnay en Bourgogne, syrah dans la vallée du Rhône ainsi que pinot noir, meunier et chardonnay en Champagne sont autant de variétés qui ont fait l’objet de tests de réduction de soufre lors de leur vinification en effervescents, en blancs secs, en rosés et en rouges. Un programme d’envergure nationale soutenu par FranceAgriMer qui s’est articulé en trois essais respectivement baptisés « l’itinéraire de référence », « l’itinéraire 50% » ainsi que « l’itinéraire minimaliste ». Analysons-les.
- Comme son nom l’indique, l’itinéraire de référence reprend les pratiques habituelles d’utilisation du soufre.
- L’itinéraire 50%, lui, réduit logiquement de moitié la teneur finale de soufre. A cette fin, ce dernier est compensé par des alternatives de stabilisation microbiologique.
- L’itinéraire minimaliste, enfin, consiste à n’ajouter pas plus de 10g de soufre par litre de vin.
Afin d’éviter toute piqûre microbiologique des vins, ceux-ci ont été protégés de l’exposition à l’oxygène, des hausses de températures (celles des stockages peuvent osciller entre 12 et 20° donc biaisent l’expérience) mais aussi à l’aide de semences de levures et de bactéries lactiques.
Pour mener à bien cette exercice, et pour éviter l’ajout de sulfite en général, il est évidemment essentiel pour un vinificateur d’avoir une hygiène de cave irréprochable, toute saleté contenant des microbes pouvant nuire au vin.
Les résultats
L’image que nous pouvons avoir des vins naturels – à savoir, plus fruités – se vérifie dans l’ensemble de cette expérience. Notons toutefois que chaque cépage réagit différemment aux expériences. Ainsi, grâce à « l’itinéraire 50% », le chardonnay bourguignon se révèle plus fruité et le merlot, plus séducteur jeune, ne dispose pas d’un potentiel de garde exceptionnel. Afin de ne pas perdre les qualités gustatives du grenache plus sensible à l’oxydation (=contact du vin avec l’oxygène) que sa collègue la syrah, l’expérience recommande de ne pas réduire plus que de moitié le taux de sulfites. Dans la même veine, n’ajouter aucun sulfite au champagne lui confèrerait un profil oxydatif peu séduisant. Mais, comme pour les autres cépages, les demi-doses offrent des vins plus fruités et, surtout, fait surprenant, enclenchent plus rapidement la fermentation alcoolique des trois cépages phares de la région (pinot noir, chardonnay, meunier).