La vallée de la Loire, et l’Anjou tout particulièrement ont le vent en poupe. De nouveaux domaines font parler d’eux, passionnent les amateurs, décidés à faire bouger les lignes, réveiller la belle endormie et sortir la région de la douce torpeur dans laquelle elle se languit depuis des siècles. Mais toutes ces nouvelles figures pleines d’élan ne doivent pas faire oublier les signatures établies, domaines de références et vignobles porteurs d’une longue et belle histoire. C’est notamment le cas du domaine du Closel, implanté sur les terres du Château des Vaults, dirigé avec talent par la très énergique Evelyne de Pontbriand. Avec Evelyne, rien n’est jamais acquis, tout peut être repensé, amélioré. Récit d’une rencontre et d’une passionnante dégustation.
Evelyne de Pontbriand est une femme pétillante, pleine de finesse et d’enthousiasme, manifestement jamais là où on l’attend. La vie, d’ailleurs, lui a offert quelques surprises. De sa carrière de professeur de lettres, et de ses années à l’étranger, elle a sans doute conservé une insatiable curiosité, l’envie de décrypter ses racines, l’art et le talent de plonger dans les archives de son histoire et de son terroir pour en comprendre les évolutions.
Au détour d’une soirée calme, agrémentée de la dégustation de l’étincelante cuvée de savennières les Caillardières, elle me raconte sa magnifique terre d’Anjou, cette bande de vignes qui s’étirent langoureusement le long du fleuve, sur des coteaux de schiste bordés de jolis manoirs que l’on appelle « closeries ». A la Renaissance, les bourgeois d’Angers, las de la pollution (dé jà !), avaient demandé le droit d’édifier des maisons à la campagne. Ces résidences, qui constituaient surtout de villégiatures d’été, ont plus tard, au XIXème, été agrémentées de jardins. A cette époque, la construction de la ligne de chemin de fer Paris -Nantes a amené les bourgeois parisiens. Pas moins de 17 châteaux ont alors été édifiés, ornés de parcs paysagés de belle taille (jusqu’à 50 hectares). Au-delà de l’esthétique du lieu, c’est ainsi une formidable réserve de biodiversité qui s’est patiemment tissée le long de la Loire, jalonnée de petites vallées, ces fameuses coulées, la Roche aux Moines, le Clos du Papillon.
Voilà pour l’histoire des lieux qui nous accueillent. Puis, revenant au vin, nous évoquons les cépages, le cabernet franc, qui ne couvre qu’une part minoritaire de l’appellation (environ 15%), et surtout, du chenin, cépage roi de Savennières. Un cépage qu’Evelyne s’attèle depuis 20 ans à dompter, à apprivoiser, pour en extraire le meilleur… et maîtriser la sucrosité des vins. Et c’est là où le sujet du sucre s’invite dans la conversation.
Dans la version initiale du cahier des charges de l’AOC créée en 1952, rien n’est mentionné, aucune distinction entre vins secs et vins doux. Car produire des vins sucrés est alors une évidence. Evidence historique, car le vin prisé des amateurs, transporté par bateau sur la Loire jusqu’en Hollande, ce nectar était toujours liquoreux. Un vin produit à partir de raisins atteints par le botrytis. Une pourriture noble, fragile, capricieuse, à laquelle il fallait parfois apporter un petit coup de pouce. Le sucre de canne a pendant un temps été le précieux adjuvant des vins d’Anjou. Un produit rare, cher, et donc utilisé avec parcimonie. L’apparition du sucre issu de betterave a changé la donne, même si elle ne s’est pas nécessairement traduite par une amélioration de la qualité des vins… Aujourd’hui, la région souffre d’une moindre reconnaissance de ses vins doux, autrefois si prisés, désormais moins précieux… Le deuxième décret de l’appellation, datant de 1996, précise les différentes options. Sur ce vignoble qui couvre 300 hectares, dont 160 sont en production, les vignerons peuvent aujourd’hui le choix de produire des vins blancs demi-secs (8-18g/litre de sucre), moelleux (18-45g), doux (plus de 45g) …. ou secs (moins de 8g), sans plus avoir à demander de dérogation. Ajoutons à cela que l’appellation fixe la limite à 13° d’alcool. Ce qui tombe bien, on n’en veut pas tellement plus dans son verre.
Un domaine familial
Evelyne de Pontbriand a repris en 2001 le domaine familial de 16 hectares, implanté sur un vignoble longtemps exploité par un monastère de femmes. Si son parcours professionnel initial et sa vie de famille ne l’y prédisposaient pas, elle s’attèle à faire évoluer ce domaine qui appartient (en ligne indirecte) à sa famille depuis le XIXème siècle. Quelle énergie dans ses actions, ses projets, ses choix ! Après avoir initié la conversion au bio, c’est désormais en biodynamie que le domaine est conduit, la certification ayant été obtenue en 2015. Une visite à pas de gymnaste dans les vignes nous le démontre. Quelques exemples ? Pour développer et entretenir la biodiversité, si précieuse à la vie des sols, Evelyne a entrepris un programme d’agro-foresterie, en jalonnant ses rangs de vignes d’arbres fruitiers, pommiers et poiriers. Le sol de schiste dur n’est pas propice au tracteur ? Le travail du cheval évite le tassement de la terre et son éboulement. La biodiversité est ici favorisée par la flore, la présence de marais et de sources. Les vignes sont enherbées, Evelyne y tient car les plantes indigènes, « bioindicatrices », lui disent beaucoup de l’état du sol. Par exemple, l’apparition de camomille signe un problème de drainage. Un petit chapelet de moutons se charge de réguler la pousse de l’herbe entre les rangs de vignes.
Si les premiers ceps ont été greffés après le phylloxera sur des porte greffe américains, ils sont aujourd’hui âgés en moyenne d’une quarantaine d’années. Les vignes sont taillées en gobelet, pour favoriser leur exposition au soleil. Notons que ces dernières années, le style des vins a mué, signant une évolution vers des vendanges un peu plus précoces. Fini, le botrytis qui atteint les baies. Il n’est plus nécessaire d’ajouter un volume de soufre important, le domaine a considérablement ses dosages, les grains sont jaunes, translucides… La peau, à laquelle le domaine prête tant d’attention, est beaucoup plus fine, dans un style très différent, que l’on retrouvera d’ailleurs dans le verre.
Au chai, le travail est minutieux, les vendanges soigneusement triées sont ensuite placées dans un pressoir pneumatique qui permet une sélection des presses. Les têtes et fins de presse sont vinifiées séparément, le cœur de presse est alors l’objet de toutes les attentions pour exprimer le meilleur.
Le 2020, qui patiente encore avant sa mise en bouteilles, est goûté en cuves (2/3 de la récolte) et en fûts (1/3). Rappelons-le : l’année 2020 fut marquée par une grande sécheresse, venu bloquer la maturité des baies. La vendange sera d’autant moins abondante que l’oïdium s’est invité dans la danse en août. Un peu moins qu’en 2018, certes, mais quand même.
En cuves, ce 2020 élevé sur lies avant l’assemblage dévoile un nez très doux de pommes délicatement fermentées. En bouche l’attaque est vive, acidulée, pleine d’énergie, avec de beaux amers en fin de bouche, une finale précise, ciselée.
En fûts, le vin exprime un nez floral, élégant, fin, déployant une gamme aromatique herbacée qui apporte fraîcheur et élégance. L’attaque, tout en douceur, laisse se déployer une matière riche, une sucrosité fine. La finale, ponctuée par une douce amertume, est pleine d’élégance.
En fûts neufs (420l), le vin doté d’une robe jaune paille aux reflets verts dévoile au nez, discret, de beaux arômes de plantes médicinales, des flaveurs de fruits jaunes, des notes de céleri. En bouche, un jus acidulé se déploie, avec beaucoup de rondeur et de gourmandise. En finale l’amertume est plus marquée, amplifiée par l’empreinte du bois neuf ? elle demande à s’estomper avec le temps. Les vins sont assemblés avant filtration.
Retour sur une verticale du Clos du Papillon
Le Clos du Papillon est la grande cuvée du domaine, issu d’un terroir complexe et passionnant, à composante volcanique, reposant sur un socle argilo-schisteux.
Les vins ont été ouverts deux jours avant la dégustation. En Anjou, on ne craint pas l’oxydation, bien au contraire. Attention aux vins dégustés trop vite ! Une belle occasion de parcourir avec Evelyne de Pontbriand le chemin accompli depuis 2002, son premier millésime, et de prendre la mesure du travail exigeant mené tant à la vigne qu’au chai et, à la clé, de l’évolution de style des vins du domaine.
Savennières Clos du Papillon 2002
2002 marque donc la première vendange d’Evelyne ! Cette année-là les Pontbriand ont fait appel à une famille amie, les La Morinière (Domaine Bonneau du Martray, en Bourgogne) qui leur prêtent des barriques.
Le domaine ne dispose pas non plus d’installations enterrées pour vinifier et élever ses vins. Le terroir de schiste ne permet pas de creuser des caves, tout se passe dans des bâtiments, avec les variations de température que cela entraîne. Car le thermomètre grimpe en été à Savennières ! De ce fait, pas de temps à perdre, les élevages sont rarement longs. Aujourd’hui, les conditions ont changé, l’apport de la climatisation autorise des durées de vieillissement en barrique d’une durée supérieure.
A la dégustation :
Robe jaune or, très soutenue
Nez botrytisé, marqué par les arômes beurrés, de poire rôtie, notes de pâte de coing
La texture en bouche, veloutée, révèle des notes de fruits jaunes très mûrs, sortis du cellier. Acidité douce et sucrosité délicate. Notes de pelures de pommes, légère oxydation.
Finale douce
Savennières Clos du Papillon 2005
Une belle année classique qui a offert des rendements de 30hl par hectare
Elevage de 12 mois dans des barriques de 400 litres
A la dégustation :
Robe de couleur jaune mirabelle, évoluée
Nez discret,
En bouche, des arômes de poires bien mures, marquée par des notes évoluées
Acidité qui croit, pour s’achever sur une finale marquée par une légère amertume
Texture veloutée, riche, la bouche s’exprime tout en rondeur, avec une belle énergie en finale
Beaucoup de finesse en fin de bouche
Savennières Clos du Papillon 2007
2007, en Anjou aussi, s’est caractérisé par une météo compliquée. Les pluies abondantes de l’hiver ont été laissé place à un mois de septembre ensoleillé
Les rendements sont bas, de l’ordre de 25 hl/hectare
Les vins ont été élevés durant 26 mois, dans des barriques de 400 litres
A la dégustation :
Robe jaune d’or, très lumineuse
Nez exubérant marqué par des notes de pommes, de coings, de poire confite et des arômes frais de fenouil
En bouche l’attaque est veloutée, puissante, elle tapisse le palais.
La texture est riche, agrémentée de notes de peau de fruit blanc, on plonge dans un garde-manger rempli de poires bien mures, de mirabelles, de pêches…
La finale est saline, iodée, et la rétro-olfaction laisse transparaître des arômes truffés.
Savennières Clos du Papillon 2008
Un millésime vendangé très tard, qui a donné une petite récolte en raison des épisodes de gel.
Elevage de 18 mois dans des barriques de 400l.
A la dégustation :
Robe jaune éclatant, un bouton d’or
Au nez, les arômes de truffe prennent toute la place !
La bouche est superbe, pleine d’énergie, avec une belle acidité qui s’achève en finale sur de beaux amers.
La texture est veloutée, l’ensemble bien équilibré, très droit.
Un beau vin de gastronomie marqué par la longueur et la persistance.
Savennières Clos du Papillon 2013
Un millésime frappé par la pluie, qui a fait chuter les rendements à 20 hl/ha en dépit d’une arrière-saison ensoleillée.
Les vins ont été élevés en barriques de chêne de l’Allier.
A la dégustation :
Nez très doux, discret, marqué par d’élégantes notes florales.
Bouche acidulée, de jolies notes d’agrumes s’accompagnent d’ arômes exotiques (physalis) et d’arômes d’herbes médicinales.
La trame est fine, de la dentelle qui s’achève sur une acidité gourmande et une longueur classique.
Savennières Clos du Papillon 2014
Un beau millésime marqué par la pluie de septembre qui a accéléré les vendanges pour éviter les attaques de pourriture.
Elevage de 12 mois en barriques de chêne de l’Allier
A la dégustation :
Robe jaune éclatant, soutenu
Nez légèrement truffé, relevé par des arômes de fruits jaunes, des notes d’amande
Bouche opulente où l’on retrouve les fruits jaunes bien mûrs, sans aucune trace de sur-maturité
Texture voluptueuse, riche, tout en rondeur
Finale puissante, ample et ronde avec une belle persistance et une acidité qui laisse place, en rétro-olfaction, à de belles notes d’amertume.
Un bel équilibre dans la puissance
Savennières Clos du Papillon 2015
Un millésime marqué par les attaques du moucheron drosophile suzuki, un insecte ravageur qui choisit les fruits bien mûrs pour s’installer, planter ses œufs. Les larves qui se développent liquéfient la chair, ne laissant plus qu’un liquide acide….
Ces attaques ont contraint les équipes à vendanger tôt, autour du 21 septembre, en plusieurs passages afin de limiter les dégâts
A la dégustation :
Robe jaune paille, assez pâle
Bouche marquée par une belle acidité, des notes citronnées, exotiques, un bel ensemble de fruits jaunes, de coing, de fleurs, relevés par une élégante amertume (notes de fenouil, d’herbes médicinales)
La trame est tendue, droite, précise, la fin de bouche ample et exubérante
Savennières Clos du Papillon 2016
Le mildiou a fait chuter les rendements à 14 hl/ha
Le domaine développe l’agro foresterie, une solution intéressante pour irriguer. La présence d’arbres permet de faire remonter l’eau des nappes phréatiques, il la partage ensuite avec ses voisins.
Les vins, rares (3600 bouteilles produites !) ont été élevés 12 mois en barriques de chêne de l’Allier, puis 4 mois en cuve.
A la dégustation :
Robe jaune paille
Très joli nez, gourmand, acidulé, très frais plein de vivacité.
En bouche, l’attaque s’effectue tout en finesse, la matière est exubérante, gorgée d’arômes de zestes d’agrumes, avec des pointes exotiques.
La fraîcheur est soutenue par de beaux amers, la trame est veloutée, la matière allie puissance et finesse, la finale est précise, élégante.
L’ensemble est long, persistant.
Savennières Clos du Papillon 2018
Une année marquée par la précocité, un printemps humide et un été caniculaire. Les vins ont été élevés 14 mois en barriques de chêne de l’Allier, puis 2 mois en cuve.
A la dégustation :
Robe jaune paille, très claire
Nez très fin, discret
La texture est charnue, enveloppante, dotée d’une belle acidité, la finale est puissante, beurrée, elle tapisse le palais et s’achève sur des notes d’herbes médicinales (chartreuse) qui apporte nt beaucoup de fraîcheur.
Aucune aspérité pour cet ensemble velouté, très long, persistant. Un vin solaire, envoûtant !
Savennières Clos du Papillon 2019
Un millésime élevé à 100% en fûts
A la dégustation :
Robe jaune paille très lumineuse
Nez acidulé, agrumes présents, l’ensemble est vif
Belle aromatique végétale, qui apporte une fraîcheur remarquable
Bouche vibrante, dotée d’une énergie remarquable, attaque intense qui dévoile une texture soyeuse
Finale marquée par une signature élégante, végétale (plantes « Angélique » – si j’ose- , fenouil) avec de beaux amers.
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