botrytis

 

A tous ceux qui, comme Marianne, se posent la question de savoir comment les vins doux, liquoreux ou bien moelleux sont devenus sucrés, Philippe Barret répond…

 

 

Tout d’abord, Philippe, on emploie souvent pour désigner les vins blancs sucrés, les termes « moelleux » et « liquoreux ». Quelle est la différence ?

La différence est toute simple. Elle vient de la quantité de sucres résiduels contenus dans le vin. Un vin est « moelleux » lorsqu’il contient entre 10 et 45 grammes de sucre par litre. Les vins qui contiennent plus de 45 g/l sont dits, eux, « liquoreux ». Les liquoreux sont donc plus sucrés que les moelleux. Par exemple, en Alsace, une « vendange tardive » sera le plus souvent un vin moelleux alors qu’une « sélection de grains nobles » sera toujours un vin liquoreux.

Qu’est-ce qui fait, alors qu’un moelleux ou un liquoreux est sucré ?

Rappelons que l’élaboration du vin est fondée sur la transformation (par fermentation) du sucre contenu dans les raisins en alcool. Dans les vins secs, la quasi-totalité du sucre du raisin devient de l’alcool. C’est pour cela qu’on parle de vin « sec ». Il ne contient presque plus de sucre. A l’inverse, certains finissent avec une bonne quantité de sucres résiduels parce que tout ce sucre contenu dans le raisin ne s’est pas transformé.

Donc les vins liquoreux sont moins alcoolisés ?

Pas forcément. Au départ, les raisins destinés la production du vin ont tous un certain potentiel alcoolique. Pour produire des vins « classiques » (rouges, blancs secs, etc.), les raisins ont généralement un potentiel alcoolique de 12 à 14°. Pour produire des moelleux et liquoreux, les raisins utilisés ont un potentiel d’alcool qui monte parfois jusqu’à 22°, voire plus. Si tout le sucre de ces raisins se transformait en alcool, on obtiendrait des vins à 22°. Mais à un moment, la fermentation s’arrête naturellement. Elle peut s’arrêter alors que le vin est à 8, 10, 12, 13°… Pour prendre un exemple concret, sachant qu’un degré d’alcool correspond à 17g de sucre transformés, un liquoreux produit à partir de raisins affichant 20° de potentiel et qui a fini de fermenter à 12° contiendra 8×17 g soit 136 grammes de sucres résiduels.  Le vin obtenu n’est donc pas nécessairement moins (ou plus) alcoolisé qu’un vin blanc classique.

Comment obtient-on un potentiel alcoolique élevé dans les raisins ?

Grâce à la concentration en sucre elle-même obtenue par deux phénomènes naturels :

–      la pourriture noble, dite botrytis : elle flétrit les raisins et leur fait perdre de l’eau. Le sucre se concentre alors à l’intérieur des baies.

–      le passerillage, qui dessèche les raisins, soit sur pied pour des raisons climatiques (par exemple avec un effet de fœhn) soit après récolte, les grappes étant posées sur de la paille dans un endroit ventilé.

–      La plupart des appellations, sauf les vendanges tardives et les sélections de grains nobles en Alsace, autorisent par ailleurs la chaptalisation (ajout de sucre) pour produire des vins moelleux ou liquoreux. La chaptalisation est d’ailleurs parfaitement autorisée (mais encadrée et limitée) dans la production de vins secs, rouges ou blancs, de la plupart des AOC françaises afin de corriger légèrement une insuffisance de maturité lors de certains millésimes. Mais l’autoriser pour la production de vins moelleux ou liquoreux est tout de même un peu paradoxal et totalement trompeur pour le consommateur ! Quand il achète un Sauternes il aimerait tout de même être certain que son moelleux soit naturel et pas lié à un ajout de sucre ! Pourquoi pas accepter aussi qu’il suffit d’ajouter du sucre dans un vin sec à sa mise en bouteille pour le transformer par magie en vin liquoreux !

N’y a-t-il pas un risque que le vin continue sa fermentation une fois dans la bouteille puisque tous les sucres n’ont pas été transformés en alcool ?

Non, et pour éviter ce phénomène on rajoute du souffre dans le vin. Tous les vins moelleux et liquoreux contiennent obligatoirement plus de soufre qu’un vin blanc sec pour neutraliser les levures qui pourraient avoir envie de se réveiller… Après, tout est une question de savoir-faire : les meilleurs vignerons ne matraquent pas leurs liquoreux en soufre et ils ne connaissent aucun problème pour autant.

Que dire des autres vins sucrés qui ne sont pas obtenus par botrytis ou passerillage ?

Il s’agit essentiellement des vins doux naturels (Rivesaltes, Banyuls, Maury…) qui sont presque toujours produits à partir de grenache, qui est un cépage au fort potentiel alcoolique fort. Ces vins sont d’abord soumis à une fermentation normale. Puis on la stoppe volontairement en ajoutant de l’alcool ce qui empêche les levures de travailler, et donc le sucre de se transformer entièrement en alcool. On appelle cela le mutage. Ces vins, qui sont essentiellement des vins rouges, contiennent donc une assez forte proportion de sucres résiduels.

 

En savoir plus sur le botrytis

En savoir plus sur la vinification

A lire également :

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La vinification des vins liquoreux de Sauternes

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Cet article a 2 commentaires

  1. Even de Luce

    « Je fis, adolescente, la rencontre d’un prince enflammé, impérieux, traître comme tous les grands séducteurs : le jurançon. » (Colette)

  2. Even de Luce

    « Je fis, adolescente, la rencontre d’un prince enflammé, impérieux, traître comme tous les grands séducteurs : le jurançon. » (Colette)

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