
L’admiration des Japonais pour le patrimoine viticole français ne date pas d’hier. Depuis l’essor économique du Japon à partir des années 1970, ses habitants raffolent de produits étrangers de luxe, symboles de raffinement et d’élégance. Et c’est là que la magie du vin français opère. Fruit d’un travail traditionnel, discipliné et méticuleux, la culture japonaise s’assimile parfaitement à ce nectar. Beaucoup de passionnés japonais décident ainsi de tout quitter pour se former à la viticulture et créer ou reprendre un domaine viticole dans notre pays du vin. Zoom sur des vignerons qui savent mêler les cultures pour offrir des flacons d’une précision folle et aussi rares que recherchés.
Ce top10 n’est pas représentatif d’un véritable classement mais plutôt d’une liste de vignerons japonais guidée par leur désirabilité (liée aux enchères) et leur réputation.
Ce qui rassemble tous ces vignerons, c’est avant tout leur capacité à apporter une nouvelle approche à chaque terroir français tout en respectant les traditions historiques de viticulture et vinification de ces régions. Beaucoup ont dû apprendre le français sur place pour s’intégrer dans le paysage viticole, signe d’une humilité et d’un engagement qui se retrouvent aussi dans leur vin et qui inspirent le respect.
10. Un premier aperçu avec Koji et Jae Hwa en Bourgogne.
Après la création de leur maison de négoce, Maison Lou Dumont, Koji et Jae Hwa décident d’acquérir eux-mêmes 6 hectares de vignes pour former leur domaine depuis 2012. Leur mosaïque de parcelles, de l’appellation Marsannay à Gevrey-Chambertin, est traitée selon des pratiques biologiques et biodynamiques, ce qui leur a permis d’obtenir la certification « Agriculture Biologique » en 2016. Là-bas, le cheval et les charrues remplacent les outils de désherbage mécanique, les tisanes et concoctions à base de plantes se substituent aux pesticides. Soulignons dès maintenant que les vignerons d’origine japonaise sont friands de vin nature, pour eux marque de pureté et de bon goût. On se retrouve alors avec des vins élégants, d’une grande richesse mais presque introuvables.
9. Au-delà du saké, c’est en Côte de Nuits que se développe le Domaine Kuheiji
Se rendant compte que saké et vin se retrouvent dans l’expression d’un terroir et dans le soin porté à l’élaboration de ces deux boissons, Hirotaka Ito, supervisé par Kuno Kuheiji, se lance dans l’aventure bourguignonne en 2017 avec la création de ce domaine. La vision japonaise se reflète à nouveau dans la philosophie de l’exploitation : discipline dans la taille des vignes, recherche d’un rendement plus faible pour favoriser la qualité, conversion en agriculture biologique… Tout est fait pour faire ressortir le meilleur du terroir et de ce qu’il produit. Selon le vigneron, le vin préserve la mémoire de la terre, et on ne pourrait pas dire mieux pour décrire ses vins. Du gevrey-chambertin au chassagne-montrachet, chaque cuvée trouve son équilibre pour conter de la façon la plus fidèle son sol. Le domaine mise avant tout sur le moment ressenti lors de la dégustation, un moment d’introspection et de partage. Les vins sont fins et élégants, avec une longueur en bouche déconcertante.
8. Cap sur Bordeaux avec Osamu Uchida
Voilà encore un bel alliage de cultures : guide touristique dans des domaines dans un premier temps, Osamu Uchida a décidé de suivre sa voie et de faire du vin nature à Bordeaux. Un véritable défi ? Oui c’est sûr, mais il arrive finalement à acquérir un petit lopin de terre à Cussac en 2015 jusqu’à obtenir 3 hectares aujourd’hui, cultivés en biodynamie. Osamu Uchida se démarque surtout par l’agroforesterie qu’il pratique au sein de ses vignes pour promouvoir un bon environnement pour celles-ci. Au sein de son exploitation, il sublime le cabernet sauvignon mais également le merlot, carménère, sauvignon blanc et gris. Le style recherché de certaines cuvées ne suit pas réellement celui de sa région : les tanins ne sont pas tant marqués et le cabernet s’exprime tout en minéralité et longueur voluptueuse. Une référence pour découvrir autrement le Médoc.
7. Une histoire touchante avec Rié et Hirofumi Shoji (Pedres Blanques) dans le Roussillon
Ces vignerons méritent vraiment leur place dans ce top : priés de quitter leur propriété par la préfecture pour manque de revenus, Rié et Hirofumi Shoji se sont battus pour continuer à faire ce qu’ils savent le mieux produire : du vin. Et non pas que du vin, mais du vin nature. Avec leurs quelques hectares de vignes en appellation Collioure, le grenache est mis à nu dans leurs cuvées, la viticulture se faisant majoritairement à la main et sans pesticides, la vinification elle en grappes entières. Cela nous mène à des vins gourmands, d’une grande buvabilité, porté sur le fruit frais, d’une précision et d’une finesse à couper le souffle. Leur petite production (moins de 10 000 bouteilles) entraîne une ruée dès qu’un flacon est en vente : un de leurs vins de France a été adjugé 200€ en 2024. Une pépite sudiste.
6. Mai et Kenji Hodgson et leur petite production en Loire
Encore des adeptes du vin nature, voici maintenant Mai et Kenji Hodgson, localisés en Loire dans le sud d’Angers. Après avoir découvert le vin au Canada, ils arrivent en France en 2009 où ils commencent à travailler chez des grands vignerons locaux, comme Mark Angeli. Ce dernier leur aide même à s’acheter leurs propres vignes à partir de 2010. Aujourd’hui, ils donnent vie à des vins de France à partir de plusieurs parcelles, les Rouliers et les Aussigouins pour ne citer qu’elles. Le grolleau, le cabernet franc ainsi que le chenin sont à l’honneur dans ces véritables jus de fruits. La vinification est très peu interventionniste, c’est le vin qui se crée tout seul naturellement. On se retrouve ainsi avec des vins très toniques, plein de fraîcheur. A découvrir !
5. La star d’Alsace, Jintaro Yura
Une véritable étoile montante ! Jintaro Yura fait beaucoup parler de lui, et on comprend pourquoi. Arrivé en Alsace en 2012, il a d’abord eu diverses expériences dans le milieu viticole en Bourgogne, Nouvelle-Zélande et au Japon. Il tombe alors amoureux du terroir et de toute la diversité que propose l’Alsace. Jintaro Yura décide donc de travailler pour des grands domaines bio, comme Josmeyer qui lui a tout enseigné de la biodynamie, avant de faire ses propres vins en 2020 avec le soutien du Domaine Gross. Depuis, il continue de produire des vins d’une grande sagesse, sans certification mais en suivant les pratiques biologiques et biodynamiques. Il retire beaucoup d’enseignement de sa culture japonaise pour pouvoir expérimenter et apporter son approche sans être forcément lié aux traditions. Ses noms de cuvée sont tout particulièrement oniriques (L’abeille et le papillon, Le silence et la résonance, La partie et le tout) et nous transportent tout comme ses vins, amples et harmonieux.
4. Le renouveau des Jardins de la Martinière avec Kaya Tsutsui en Loire
En 2018, l’entreprise familiale Nichifutsu Shoji, connue pour ses nombreuses acquisitions de marques françaises portées sur la gastronomie, reprennent le domaine des Jardins de la Martinière pour y produire des vins naturels. C’est Kaya Tsutsui, œnologue et neveu du dirigeant, qui est maintenant à la tête de la propriété. Inspiré et conseillé par le brillant Hirotake Ooka (La Grande Colline), il supervise toutes les étapes de son vin, de la vigne à l’élevage. Précis et vifs, ses vins sont aujourd’hui très recherchés et réservés uniquement aux chanceux ! Certains diraient mêmes qu’ils y retrouvent l’umami, le goût savoureux parfaitement équilibré, terme nous venant du Japon.
3. Entre onirisme et rareté, le domaine Chanterêves de Bourgogne par Tomoko Kuriyama
Avec leur corton-charlemagne adjugé à 338€ aux enchères en 2024, ce domaine s’intègre progressivement dans les plus grands de la Bourgogne ! Guillaume Bot et Tomoko Kuriyama œuvrent tous les deux à se servir de leurs expériences passées, l’un chez Simon Bize et l’autre chez Peter Jakob Kühn en Allemagne, pour en sortir des vins hors du commun. Le domaine Chanterêves, situé à Savigny Lès Beaune, se distingue surtout par ses vins alliant tradition bourguignonne et modernité tournée vers le naturel. Les vignes sont cultivées et traitées respectueusement et les vignerons n’interviennent que très peu lors de la vinification. Toute la finesse des terroirs sont retransmis dans les vins, qualifiés de précis et délicats. Ses vins sont destinés aux passionnés et amateurs de Bourgogne qui veulent bousculer leurs codes avec des vins nature qui font rêver.
2. Une référence du Jura, le domaine des Miroirs par Kenjiro Kagami.
Bien que très célèbre, il vous faut être un très grand amateur pour connaître ce domaine confidentiel qui fait des envieux. Nommé après son propriétaire (miroir se traduisant par « kagami » en japonais), le domaine des Miroirs rayonne surtout à l’étranger : 80% des bouteilles sont exportées. Pourtant, c’est bien sur un terroir français que s’épanouissent les raisins de ces vins. Kenjiro Kagami s’installe dans le Jura en 2010 et décide d’y investir tout son amour pour la nature et pour le vin. Menées en culture biologique, les vignes de chadonnay, savagnin ou encore trousseau donnent des vins naturels, raffinés et avec du caractère. L’élevage a lieu en fûts et durent jusqu’à 5 ans pour laisser le temps au vin. La bouteille de Mizuiro Les Saugettes 2016 a d’ailleurs été adjugé à 1200€ en 2024, ce qui lui donne le titre bien mérité de 8ème vin nature le plus cher de l’année. Une dégustation que tous les chanceux ne peuvent oublier.
1. Kei Shiogai, Bourgogne.
Nous voilà face au monument de ce classement, un nom que nous retrouvons souvent aux enchères, un nom prisé par beaucoup d’amateurs : Kei Shiogai. En 2014, il quitte le Japon pour aller apprendre le français dans une famille avant de créer son domaine. Force d’âme et détermination sont peu de mots pour décrire son parcours : il finit par acheter des vignes sur des terroirs prestigieux comme Pommard et Gevrey-Chambertin. Il pratique une viticulture minutieuse et tournée vers la qualité des raisins, ainsi qu’une vinification qui prône le temps long sans intervention. Ses vins présentent une très belle intensité aromatique avec des tanins présents mais délicats comme de la soie. Comment définir les vins de Kei Shiogai sans parler de rareté ? Lors des enchères de 2024, son charmes-chambertin 2021 a été adjugé à 1438€, soit le 6ème vin nature le plus cher de l’année. Son pommard Poisot 2020 a également fait fureur, adjugé à 826€. Bref, c’est un vigneron qui n’a pas fini de nous surprendre.
Mention spéciale : nous ne pouvions pas ne pas mentionner la talentueuse Mito Inoué en Auvergne, qui produit des vins d’une extrême rareté (600 bouteilles) ! De plus, comment oublier Hirotake Ooka du domaine de la Grande Colline dans la vallée du Rhône, reconnu pour sa grande finesse dans l’élaboration de vins nature, mais qui a décidé de revendre son domaine pour repartir au Japon en 2017.
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Bel article à savourer ! Le Japon et les japonais sont des sources d’inspiration et leur contribution au patrimoine viticole français est magnifique. J’ai quelques autres noms en tête et l’envie de creuser ce sujet au-delà des vignerons japonais à d’autres nationalités pour en faire des soirées de dégustation. Si l’idée intéresse chez Idealwine ou un autre amateur, je suis joignable dans le fichier client depuis 25 ans. Salutations à toute l’équipe de Colombes.
Passionnant, d’autant qu’actuellement des vignes sont plantées au japon