Le 21 février l’Union des Grands Crus de Bordeaux organisait la dégustation du millésime 2014 au Carreau du Temple à Paris. L’équipe d’iDealwine s’est une nouvelle fois employée à déguster plus de 70 vins et vous faire partager ses coups de cœur et son avis sur le millésime 2014.
Souvenez-vous l’été indien 2014
C’est parfois ce qui effraie les néophytes dans l’univers du vin : avoir la mémoire des millésimes et se souvenir comment s’est déroulé l’été, période charnière dans la réussite d’un millésime. Faisons donc l’effort de nous remémorer le climat d’il y a 2 ans. En 2014, l’été fut assez catastrophique à Bordeaux avec un ensoleillement faible et de fortes précipitations. Mais de fin août jusque fin octobre, la France entière a connu un été indien exceptionnel. Deux mois secs avec des journées chaudes se sont succédé. 2014 est bel et bien un millésime miraculée, littéralement sauvé des eaux.
Cette climatologie atypique est cependant à l’origine de fortes disparités entre les crus. Concernant les rouges, 2014 a largement profité aux propriétés qui ont pu vendanger tard. On pense notamment au Médoc, et aux propriétés faisant la part belle au cabernet sauvignon. Dans certains domaines, ce cépage a profité d’une lente maturation avec des journées chaudes et des nuits froides, marque selon certains propriétaires, des millésimes élégants.
Sur la rive droite, au royaume du merlot, les résultats étaient selon nous plus contrastés. Le merlot est un cépage plus précoce que le cabernet sauvignon. Il doit être ramassé avant. Et si en 2015, celui-ci a parfois donné de bien meilleurs résultats que les cabernets (il a fait extrêmement beau, puis la pluie s’est installée en septembre), il semble que l’inverse se soit passé en 2014. Les saint-emilion dégustés étaient tous très soyeux et délicat, mais certains vins nous semblaient soit minces, soit austères (en fonction des choix d’extraction qui avait été faits). A Pomerol, nous avons cependant goûté des vins d’excellent niveau.
En blanc, les pessacs sont superbes. Ils allient à merveille un fruit mûr et une magnifique tension. Difficile de ne retenir que quelques vins tant le niveau moyen était haut. Pour finir, on pourrait presque dire de même à Sauternes. Les vins présentaient une impressionnante acidité qui les rendait très digestes. La matière, sans égaler les meilleures années, était belle et nous laisse penser qu’il s’agira d’un bon millésime classique.
Le millésime dont le marché avait besoin ?
Ce millésime succède à un 2013 marqué par des conditions climatiques particulièrement défavorables. Il fut ainsi bien accueilli lors des dégustations primeurs… Mais il risque pourtant d’être éclipsé par deux millésimes plus grands, 2015 et 2016. 2014 aura peut-être la capacité à s’ouvrir plus rapidement que les deux années qui suivent. Certains propriétaires rencontrés au Carreau du temple comparent le 2014 à 2008, un classique bordelais qui se déguste d’ores et déjà agréablement (alors que certains grands millésimes antérieurs sont toujours fermés à double tour). Les amateurs que nous sommes peuvent donc considérer 2014 comme une année sur laquelle miser, pour l’apprécier relativement rapidement.
Enfin, en termes de prix, ces derniers sont restés sages en comparaison du millésime 2015. Les prix de sortie primeurs ont augmenté de 22.8% entre les millésimes 2014 et 2015, et même de 54% en moyenne dans le cercle fermé des plus grands châteaux. Une raison supplémentaire donc de guetter les premiers 2014…
D’ici quelques semaines, nos équipes se déplaceront à Bordeaux pour la nouvelle campagne de primeurs. Compte tenu de la qualité annoncée, les prix atteindront-ils de nouveau sommets avec le 2016 ? Réponses au cours du mois de mai.
Nos coups de coeur en pessac-léognan blanc
Smith Haut Laffite
90% sauvignon blanc, 5% sauvignon gris, 5% sémillon
Le nez est déjà plein de promesses, très floral et expressif. Le boisé est maitrisé et tendra à s’intégrer parfaitement. La bouche présente une superbe matière. On est impressionné par la texture. Le vin est tendu par une superbe acidité que l’on retrouve dans les autres blancs de pessac. En finale, on apprécie la belle amertume qui vient rafaîchir le palais.
Pape Clément blanc
48% sauvignon blanc, 42% sémillon, 6% sauvignon gris
L’évolution de style se confirme millésime après millésime. Les vins concentrés, pommadés produits il y a quelques années ont laissé place à plus de finesse. Il faut dire que le château a largement innové sans ses vinifications et ses élevages. La fermentation alcoolique est en partie réalisée dans des cuves ovoïdes. Ce vin présente un superbe éclat et toujours une belle énergie.
Haut-Bergey
80% sauvignon blanc, 20% sémillon
Un des blancs dégustés avec le plus de personnalité ! Le domaine est en cours de conversion à la biodynamie mais les vins ne souffrent d’aucun défaut, au contraire. Au nez, le fruit impressionne par son intensité. On perçoit notamment la poire croquante. Cette gourmandise du fruit se retrouve en bouche. La tension du vin est superbe. On retrouve à la fois la maturité du fruit et une très belle minéralité. Selon Anne-Laure de Gramont, c’est grâce aux tries successives que l’on parvient à allier parfaitement les deux. Les blancs sont élevés dans de gros contenants (500l) mais 100% neufs pour que l’empreinte du bois ne soit jamais trop présente.
Domaine de Chevalier
75% sauvignon blanc, 25% sémillon
Un superbe blanc, moins accessible que d’autres vins dégustés dans la journée mais avec une superbe classe. Le nez est complexe, très fin avec des notes de fruits exotiques (mangue, papaye). En bouche, c’est un vin avec une superbe race qui nous donne rendez-vous dans quelques années.
Et aussi…
Nous aurions pu également citer Olivier, dans un style plus direct et vif. Les vendanges sont effectuées plus tôt pour permettre cette grande fraicheur. Ou encore Malartic Lagravière au nez très floral et délicat. Sans oublier Carbonnieux, lui aussi doté d’une jolie amertume rafraîchissante en finale.
Pessac-Léognan rouge
Les Carmes Haut-Brion
55% cabernet franc, 21% cabernet sauvignon, 20% merlot
Ce vin occupe une place à part à Pessac-Léognan. Sa proportion de cabernet franc dénote au milieu des autres vins. Elle s’explique par le terroir de sable et de graves sur un sous-sol argilo calcaire. L’élevage est lui aussi très long : 25-30 mois. Il en découle un vin atypique et très gourmand. Le nez est complexe, avec des notes de cacao et quelques notes florales. La bouche est fondante, les tanins soyeux. Un vin « moderne » qui peut en dérouter certains, mais une vraie réussite.
Haut-Bailly
65 % cabernet sauvignon, 25% merlot, 10% cabernet franc
Un peu sur la retenue, on lui devine d’immenses qualités à l’avenir grâce à son grain de tanin absolument superbe. Comparable à 2008, selon les équipes du château, il nécessitera d’être dégusté de nouveau dans quelques années.
Haut-Bergey
Egalement un coup-de-cœur en rouge! Le nez est superbe, très expressif sans être exubérant. La bouche est parfaitement bien équilibrée. Le vin présente une très belle concentration, concentration qui faisait malheureusement défaut à certains vins. L’extraction semble également très juste car les tanins ne sont en rien sévères. Superbe.
Et aussi…
Domaine de Chevalier et Pape Clément sont également réussis. On apprécie l’acidité maitrisée dans ces vins qui apportent un peu de tonus en bouche.
Saint-Emilion
Nous avons trouvé des saint-emilion hétérogènes. Certains vins se montraient très élégants comme Clos Fourtet ou Pavie Macquin mais présentait un déficit de concentration. D’autres au contraire, disposaient de cette concentration mais avaient des tanins plus sévères.
Troplong-Mondot
91% merlot, 6% cabernet sauvignon, 2% cabernet franc
Le plus beau saint-émilion dégusté. Le nez présente de superbes arômes de liqueur de fruits rouges ainsi que quelques notes agréablement toastés. La bouche allie à la perfection concentration et élégance. On retrouve la liqueur de mûre en bouche et une très belle mâche.
La Tour Figeac
70% merlot, 30% cabernet franc
Un nez de petits fruits rouges très gourmand et accessible. En bouche, le vin est souple, très agréable. On retrouve le côté acidulé des fruits rouges pressenti au nez.
Pomerol
La Conseillante
78% merlot, 22% cabernet franc.
La Conseillante est tout simplement le meilleur vin dégusté de la journée. L’illustration de ce qui fait un grand pomerol : un velouté, une texture en bouche inimitables. Le nez est très fin et d’une grande complexité. La bouche est superbe et parfaitement calibrée, concentration, texture, allonge, il a tout !
Petit Village
72% merlot, 16% cabernet franc, 12% cabernet sauvignon
2014 confirme les progrès réalisés d’année en année à Petit Village. Le vin est superbe, on retrouve les fruits rouges au nez et quelques épices. Là encore, on apprécie son moelleux et l’intensité de son fruit en bouche. Dans un registre moins concentré que La Conseillante, on apprécie son accessibilité.
Château Gazin
95% merlot, 5% cabernet franc
Le nez est frais, on perçoit quelques notes florales. La bouche est très élégante et bien équilibrée. Un vin ouvert et très plaisant à la dégustation.
Margaux
Cantenac-Brown
65% cabernet sauvignon, 35% merlot
Un superbe margaux classique qui n’est pas sans rappeler le millésime 1999 pour les équipes du domaine. Le cabernet sauvignon a parfaitement mûri et nous offre un vin droit, très élégant sans aucune raideur. On apprécie les tanins très fins, très margaux, de ce cantenac-brown à garder entre 10 et 20 ans.
Rauzan-Ségla
56% cabernet sauvignon, 42% merlot, 1% petit verdot, 1% cabernet franc
Par rapport à Cantenac-Brown, Rauzan gagne en finesse et en toucher de bouche, ce qu’il perd en concentration. Il en résulte un très beau margaux à déguster peut-être plus jeune. Là encore, on est étonné par la classe de ce vin.
Château Siran
53% merlot, 38% cabernet sauvignon, 8,5% de petit verdot
Quelle gourmandise ! La part très conséquente de merlot offre un vin complètement craquant. On retrouve d’ailleurs de beaux arômes de réglisse au nez. Le vin est assez sphérique, mais demeure malgré cet assemblage atypique très margaux. Un siran accessible, gourmand et délicieux. Une réussite.
Prieuré-Lichine
65% cabernet sauvignon, 30% merlot, 5% petit verdot
Quel toucher de bouche ! Avec ses tanins terriblement margalais, ce 2014 est une vraie réussite pour Prieuré-Lichine. Le fruit est mûr et agréable. Et cette élégance ne se fait pas au détriment d’une belle concentration.
Saint-Julien
Gruaud Larose
58% cabernet sauvignon, 29% merlot, 8% cabernet franc 5% petit verdot
Le coup de cœur absolu de Philippe Barret, ému par ce vin au point de demander au directeur technique : « vous n’avez pas changé quelque chose récemment? ».
Parce que oui, effectivement, le changement est bien là : Gruaud Larose a débuté une démarche de conversion à la biodynamie. C’est l’un des saint-julien les plus justes que nous avons dégustés. Il étonne par la précision de son fruit, et une acidité légèrement plus prononcée que chez ses voisins. Un vin ultra prometteur, annonciateur du retour au premier plan, d’un des plus grands terroirs du Médoc.
Branaire-Ducru
65% de cabernet-sauvignon, 27 % de merlot, 6% de petit-verdot et 2% de cabernet-franc.
Comme à son habitude, Branaire-Ducru ne fait jamais dans le démonstratif, dans ce 2014 est doté d’une race évidente. Tout se fait dans la nuance. La bouche est droite, et très élégante. Un très beau vin.
Lagrange
76% cabernet sauvignon, 18% merlot, 6% petit verdot
Une nouvelle fois, Lagrange nous propose un très beau saint-julien, accessible et facile à boire. Un vin facile à comprendre et très réussi. Les équipes du château ont essayé de ne pas chercher trop l’extraction. Un choix payant.
Beychevelle
51% de merlot, 39% de cabernet-sauvignon, 5% de cabernet-franc et 5% de petit-verdot
Quelle intensité au nez ! On retrouve, la mûre et de nombreux fruits noirs. C’est très gourmand et prometteur. En bouche, Beychevelle impressionne par sa concentration. Mais les tanins sont d’une très grande qualité. Le vin est élégant et cette puissance est parfaitement bien maîtrisée.
Léoville Barton
83% cabernet sauvignon, 15% merlot, 2% cabernet franc
Au nez, on retrouve quelques notes cacaotés. En 2014, Léoville Barton adopte un style plus pauillac comme il le fait parfois (les trois Léoville se trouvant près de Pauillac). Un vin d’une grande droiture, élégant et qui nous donne rendez-vous dans quelques années.
Léoville-Poyferré
60% cabernet franc, 35% merlot, 3% cabernet franc, 2% petit verdot
Au nez, on perçoit également des notes de cacao, de tabac, mais également de fruit rouge. En bouche, d’ailleurs, Poyferré se montre assez gourmand et étonne par la qualité de son fruit.
Pauillac
Grand-Puy Lacoste
82% cabernet sauvignon, 18% merlot
Un magnifique pauillac classique. Au nez, on perçoit une très belle minéralité graphite. En bouche, la matière est superbe, le vin très droit. Mais les tanins ne sont jamais imposants, ni asséchants mais déjà d’une très belle finesse. Un superbe grand-puy-lacoste à déguster dans 15 à 25 ans.
Pichon Baron
80% cabernet sauvignon, 20% merlot
Là encore, Pichon Baron nous offre un superbe vin, très prometteur et très pauillac. Il nécessitera au moins 20 ans de garde pour exprimer tout son potentiel. Mais la maturité des cabernets semble parfaite, le vin est plein, droit et les tanins très précis.
Saint-Estèphe
Phélan Ségur
64% cabernet sauvignon, 36% merlot
Un très beau Phélan, équilibré et gourmand. Le parti-pris de ne pas trop extraire est judicieux, le vin se montre très délicat, assez sphérique avec des arômes de fruits rouges.
Sauternes
Fargues
80% sémillon, 20% sauvignon
Un superbe fargues parfaitement équilibré. Le nez est superbe, dominé par les fruits exotiques, la mandarine et quelques épices. La bouche impressionne, riche, elle semble très digeste par l’acidité impressionnante du vin. Magnifique.
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Merci pour ces commentaires très intéressants. A vous lire ce millésime 2014 est bien plus exaltant que le déprimant 2013!
J’ai l’impression que les Graves blancs contiennent de moins en moins du cépage Sémillon. Cela est-il exact? N’y a-t-il pas danger que ces blancs ne tiennent pas la route?
Oui, selon nous le 2014 est prometteur, et il est abordable. 🙂
Le sémillon est le 18ème cépage blanc le plus planté au monde. Dans le monde, il est vrai qu’il est de plus en plus remplacé par d’autres cépages comme le sauvignon.
Il me semble que les Graves ne font pas exception à cette tendance de fond.
Le sauvignon donne des vins plus vifs et qui ont tendance à moins bien vieillir que les vins de sémillon. Espérons que les châteaux de Pessac vous entendent !