Languedoc-Roussillon des vins pour le placement Angelique de Lencquesaing iDealwine BFM Business

Chaque mois sur BFM Patrimoine, Angélique de Lencquesaing, co-fondatrice d’iDealwine, répond aux questions de Cédric Decoeur pour commenter les actualités du marché des grands crus, vus sous un angle d’investissement. Ce mois-ci, elle braque les projecteurs sur une région passionnante, le Languedoc. Interview.

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Cédric Decoeur : Angélique, vous préparez actuellement le bilan des enchères de vin 2022. Sans dévoiler de grand secret, et puisque nous en parlons sur cette antenne chaque mois, j’imagine que les prix ont littéralement explosé l’année dernière. Une occasion d’aller voir si le salut, pour les amateurs, ne se trouverait pas plutôt en dehors des régions les plus recherchées, et les plus chères… 

Oui, les analyses sont en cours, elles font d’ores et déjà état d’une envolée des prix de certains vins, qui ont tiré vers le haut les moyennes, même si les volumes échangés aux enchères sur la plateforme d’iDealwine en 2022 s’élèvent à près de 200 000 flacons. Le prix moyen de la bouteille adjugé a ainsi bondi de 40%, de 139€ à 194€.

Certaines régions, et particulièrement la Bourgogne, ont sans doute contribué à cette envolée. Aujourd’hui, pour rechercher une alternative, vous avez donc choisi de nous emmener… en Languedoc. La région suscite un intérêt relativement récent de la part des amateurs, et je parle des plus pointus d’entre eux…

Le Languedoc est pourtant l’une des plus anciennes régions productrices de vin de l’Hexagone ! La vigne y a été plantée par les Grecs au Vème siècle avant J-C. L’église a largement contribué à l’essor de sa production. Les vins de Pennautier, l’un des fleurons de la région, étaient servis à la cour des officiers du roi dès 1701. La région a subi les ravages du phylloxéra à la fin du XIXème siècle, elle s’est ensuite développée dans un modèle de production massive… et pas toujours qualitative. Une image qui lui a longtemps collé à la peau. Aujourd’hui, depuis la fin des années 1970, avec la replantation de cépages de qualité, les amateurs avertis ont compris depuis longtemps que cette région recèle des trésors.

Quand on parle de placement, on se concentre, j’imagine sur les vins les plus qualitatifs, issus des AOC ?

Les 23 AOC du Languedoc et les 9 appellations du Roussillon s’étendent sur 60 000 hectares pour une production de 1,7 M d’hectolitres. Le total, en ajoutant les IGP du Pays d’Oc et des autres zones de production frôle les 9M hl.   

Nous parlons bien de la première région productrice de vin en France ? Difficile de s’y retrouver pour l’amateur un peu néophyte…

Les AOC du Languedoc s’étendent sur 39 000 hectares. En Bourgogne, les AOC couvrent 25 000 hectares. A Bordeaux, 1er producteur de vin en AOC, ce sont 115 000 hectares de vignes qui sont exploités.

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Mais le vignoble est très étendu…

Un beau croissant de vignes qui s’étend de Nîmes, dans le Gard, au Roussillon, en passant par des secteurs magnifiques autour de Montpellier, notamment les terrasses du Larzac, Montpeyroux, Aniane, Pézenas… puis en traversant Faugères, Saint-Chinian, Minervois, Cabardès. Plus au sud, on passe par Limoux et, en revenant vers la mer, le massif des Corbières, la Clape… Réparti sur trois départements, ce vignoble d’une extraordinaire variété est soumis à des influences variées sur le plan climatique, entre Pyrénées et Massif central, entre océan Atlantique et mer Méditerranée.

Et vous y ajoutez le Roussillon…

Oui, il existe neuf AOC dans le Roussillon, réparties sur 20 000 hectares. Et là, attention, je ne veux pas semer la confusion, mais en matière de placement, dans ce type de région, l’AOC n’est pas la garantie absolue…

Pourquoi ?

Pour certains vignerons, le mode de culture, de vinification, les choix d’encépagement sont parfois source de conflit avec l’AOC. Le résultat, c’est que les vins peuvent dans certains cas être commercialisés avec la seule mention de l’IGP, voire en simple de France. De très beaux succès sont parfois à la clé, on en trouve jusqu’au sommet de nos classements.

C’est pourtant compliqué, le vigneron n’est pas connu, il travaille dans un secteur peu réputé… pas facile !

Non, effectivement. Mais le prix de la terre a longtemps offert de magnifiques terrains d’expression pour ces vignerons audacieux. Aujourd’hui, les lignes bougent, les prix s’envolent dans certains secteurs, c’est bien le signe que la reconnaissance arrive dans les terroirs les plus qualitatifs.

Venons-en au prix, effectivement. Déjà, aux enchères, on trouve des vins du Languedoc ?

Pas tous les vins du Languedoc, non. Cette région est le premier producteur de rosé, des vins à boire rapidement, donc ceux-là n’ont pas leur place aux enchères. Mais pour les grands vins de garde de la région, oui, ils trouvent leur place aux enchères.

Le Languedoc, auquel vient s’ajouter le Roussillon dans nos analyses, a ainsi représenté 4% des volumes échangés en 2022 sur la plateforme d’enchères d’iDealwine, pour une valeur de 2% de l’ensemble des adjudications. Une terre d’opportunités pour l’amateur…

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Le prix des vins est encore attractif dans cette région ?

Je vais peut-être vous étonner, mais le niveau de prix moyen des vins du Languedoc aux enchères s’est élevé l’an dernier à… 94€, nous parlons bien de la « crème de la crème »…

94€, c’est effectivement considérable…et inattendu !

SI je vous dis que ce prix a baissé par rapport à 2021 (107€) vous ne me croirez peut-être pas… Car il existe plusieurs prismes déformants. Tout d’abord, le domaine phare de cette région, celui qui a vu le prix de ses flacons s’envoler ces dernières années, c’est la Grange des Pères, créé par le talentueux – et regretté – Laurent Vaillé. Ses vins, et particulièrement les premiers millésimes produits, ont vu leurs cours s’envoler depuis une dizaine d’année. Sa disparition en 2021 confère désormais un caractère collector à ses vins. Son premier millésime, 1992, s’est ainsi échangé 7 812€ en juin dernier.

Ce flacon fait à lui seul exploser les compteurs…

Absolument. Si l’on exclue les quelque 1 000 flacons issus ce domaine, le prix moyen redescend à 46€ pour les vins du Languedoc adjugés l’an dernier sur iDealwine.

Voilà qui mérite qu’on s’y penche de plus près effectivement ! Alors, que faut-il privilégier dans cette région, les vins blancs, les rouges ?

Le vignoble est planté aux trois quarts de cépages rouges ; de fait, le palmarès des vins les plus chers (et donc les plus recherchés) fait la part belle aux vins rouges, 19 sur 20 sont rouges. Un seul blanc, donc, issu du domaine des Aurelles, magnifique propriété conduite en biodynamie.

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Quels sont les autres points distinctifs ?

Premier point, déterminant, l’altitude. Les terroirs les plus prisés se trouvent en hauteur, entre 100 et 500 mètres de hauteur. Une condition déterminante pour préserver la fraîcheur des vins.

A cet égard, les vignobles situés sur le plateau du Larzac sont les plus recherchés. Parmi les 20 domaines les plus échangés aux enchères en 2022, sept sont issus de cette ère de production et des villages de Montpeyroux, Aniane… On trouve en effet, outre la Grange des Pères, Mas Daumas Gassac, Olivier Jullien, Montcalmès ou encore la Bergerie de l’Arcade.

Deuxième point, on a évoqué le talent du vigneron. Laurent Vaillé a été un pionnier pour sa région. Aimé Guibert, fondateur du Mas Daumas Gassac aussi. Ces deux noms figurent au sommet d’un classement où l’on trouve également deux disciples,ou en tout cas deux vignerons inspirés par Laurent Vaillé, La Bergerie de l’Arcade et Maxime Renaudin. Dans le Roussillon, Hervé Bizeul, au Clos des Fées, multiplie les expériences avec succès. Dernière en date, son association avec un grand vigneron bourguignon, Jean-Yves Bizot, pour créer un pinot noir dans le Roussillon. « 100 phrases pour éventail ». Il ne s’agit pas là du poème de Claudel, mais d’une magnifique cuvée que s’arrachent les amateurs.

Troisième facteur de succès, la taille du vignoble. C’est injuste, irrationnel sur le plan économique, et parfois un peu cruel pour certains grands domaines qui travaillent admirablement, et ils sont nombreux en Languedoc, c’est une question de survie. Mais le constat est sans appel. L’un des ingrédients du succès aux enchères, c’est la rareté. Les petits domaines, les vignobles de quelques hectares à peine sont ceux que les amateurs plébiscitent à condition que le vigneron soit talentueux. C’est injuste et cruel car pour amortir les frais fixe, il faut travailler sur une taille d’exploitation minimale. C’est pour cela, par exemple, que certains grands domaines (Gérard Bertrand, Lorgeril) scindent leur production, conservent l’identité et le nom des propriétés qu’ils rachètent, ou créent au sein de leur groupe des cuvées spécifiques, fruit d’une sélection ou d’un terroir. Small is beautiful. Gérard Bertrand l’a finement perçu, avec son Clos d’Ora (148€), en Minervois la Livinière, qui figure dans le top des vins les plus chers. 

Enfin, ultime facteur de succès, la méthode de culture et de vinification. Le Languedoc, favorisé en cela par ses conditions climatiques, est dans la première région productrice de vins bio en France. C’est aussi le cas du Roussillon. On trouve des vins bio, donc, mais aussi une pratique de la biodynamie (Aurelles, Léon Barral, Clos du Rouge Gorge), et les vins naturels (Pedres Blanques).

Ce qui est passionnant dans cette région, c’est que de nouveaux talents émergent, les lignes ne sont pas figées, cette terre reste un eldorado, un lieu de tous les possibles. Car ce qui est très intéressant, ce sont les vins qui ne figurent pas encore dans les palmarès… A suivre, absolument !

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