La semaine dernière, le mardi 9 et le mercredi 10 mars, une fière petite équipe d’iDealwiners composée de Cyrille Jomand (Président Directeur Général), Raphaël de Fonscolombe (Responsable Commercial) et Constance Foussard (Chargée de Communication et de Contenu, et accessoirement votre fidèle rédactrice), explorait la vallée du Rhône septentrionale afin de visiter des domaines avec qui elle travaille de longue date. D’Ampuis à Cornas en passant par Saint-Joseph, les dégustations se sont rythmées dans une ambiance passionnante.
Mardi, 9h00 : Maison Guigal (Ampuis)
Ne faisant visiblement jamais les choses à moitié, iDealwine entame son périple avec cette maison emblématique et est personnellement accueillie par Philippe et Eve Guigal. Là, des informations précieuses fusent. La maison ? Elle ne concentre pas moins de 75 hectares de vignes en Rhône Nord situées sur des coteaux mythiques et autres parcelles qualitative. On l’aura compris, la qualité est largement privilégiée à la quantité. Une dizaine de personnes, dont quatre membres de la famille Guigal, œuvrent dans les locaux savamment robotisés depuis 19 ans maintenant. Une visite de leurs caves, les plus vieilles de Côte-Rôtie puisque construites au 18ème siècle, nous dévoile une production de bouteille avoisinant les 12 000 cols par heure. Ahurissant.
Ambitieuse, la maison Guigal l’est. Depuis 20 ans, celle-ci rêvait de signer des vins méridionaux… Chose faite depuis l’acquisition du château Nalys (Châteauneuf-du-Pape) en 2017, une pépite de 77 hectares, voisine de Château Rayas et réputée pour ses crus blancs. Grâce à son statut de négociant-éleveur, la maison Guigal a noué un partenariat avec 850 producteurs triés sur le volet. Là, les vignes sont en conversion bio, quand celles du Rhône Nord sont certifiées HVE 3.
Cette visite fut donc l’occasion de déguster le fruit de son « jeune » travail : Saint Pierre de Nalys 2019, un blanc qui s’apprécie pour son style résolument moderne, frais et vibrant grâce à la majorité de clairette qui le compose ainsi que château-de-nalys 2019 (blanc) plus complexe, persistant et s’achevant sur des amers nobles. La clé d’un tel secret ? La présence de vieilles vignes de roussanne et de grenache ainsi que d’autres petits trésors comme la clairette et le bourboulenc.
La dégustation se poursuit, les découvertes s’enchainent, l’émerveillement s’accroît. Condrieu La Doriane 2019, hermitage blanc Ex Voto 2017, saint-joseph Vignes de l’Hospices 2018 et côte-rôtie du château d’Ampuis ne font qu’introduire trois grandes stars répondant au doux noms de LA-LA-LA. Vous l’avez deviné, il s’agit bien sûr des fameuses côtes-rôties La Mouline 2017, La Turque 2016 et La Landonne 2014. Un mot, juste un seul ? Produite à hauteur de 5 000 bouteilles annuelles, La Mouline provient d’un seul hectare de la Côte Blonde et est la cuvée du trio qui contient le plus de viognier (11%). Après 40 mois d’élevage, celle-ci s’avère être le vin « le plus bourguignon » grâce à sa finesse, son élégance et son soyeux. La Turque, elle, est composée de syrah et de 7% de viognier complantés sur un peu moins d’un hectare sur le haut d’une petite colline orientée est-ouest très ensoleillée. Les 4 800 bouteilles signées tous les ans sont recherchées pour leur profil légèrement plus profond, sauvage et leur texture tout aussi, voire plus, soyeuse. Enfin, La Landonne est une pure syrah issue de la Côte Brune. Les vignes ont été plantées à la naissance de Philippe Guigal, ce qui explique son attachement à cette cuvée hors norme élevée pendant 40 mois. Courant sur deux hectares, le cépage a été vinifié en vendanges entières et se révèle, in fine, être « le cru le plus bordelais ».
Bien sûr, une telle dégustation ne pouvait s’achever sans le mythique hermitage Ex Voto 2012, une pure syrah dont la structure, le sérieux et la noblesse méritent d’être savourée.
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Mardi, 14h00 : Vignobles Levet (Ampuis, Côte-Rôtie)
Deux salles, deux ambiances… et pourtant quelques mètres seulement séparent ces deux entités. Après avoir découvert la magnificence d’une maison influente, il nous faut découvrir le travail plus confidentiel d’Agnès Levet qui, depuis 2004, poursuit le travail initié par son père Bernard. Une transition douce qui se traduit par une quête accrue de finesse et d’élégance. Pour cela, elle cultive avec soin, et à la main, les 4,5 hectares dont elle dispose sur la Côte Brune et la Côte Blonde plantées de petite serine, une variété de syrah aux petits grains offrant des vins plus denses. Parallèlement à cela, et depuis 2019, la vigneronne signe un condrieu qui, comme nous avons pu le constater en le goûtant, dévoile un fort tempérament et un joli potentiel de garde. Issu d’une vigne trentenaire, il a été vinifié en cuve pour un tiers et en tonneaux pour les deux tiers restants.
Bien sûr attachée au vieux millésimes, notre petite équipe souhaite savoir si elle possède quelques vieux trésors. Mais, comme nous nous y attendions, la production est restreinte. Pourtant, malgré son succès croissant, Agnès Levet reste humble, ne souhaite pas se disperser et se focalise sur la qualité.
Sur ces mots, celle-ci nous conduit dans sa cave en terre battue. L’humidité ambiante ? Elle est due à la nappe phréatique qui se situe 4 à 5 mètres seulement sous nos pieds. Là, Agnès Levet nous explique que les vins sont élevés en demi-muids (35 mm d’épaisseur de bois) utilisés entre sept et huit ans. Les élevages sont longs et la proportion de bois neuf oscille entre 15 et 20%. Un seul soutirage est effectué pour signer des vins à la belle structure tannique qui réclament du temps pour s’affiner. Les foudres, eux, sont réservés aux cuvées parcellaires. Dans la cuverie, Agnès Levet nous avoue mieux maîtriser les températures dans des cuves inox que le béton.
Place à la dégustation. Après le condrieu, nous nous délectons de ses côte-rôtie. Améthyste 2018 est un assemblage joliment épicé de toutes les parcelles. Maestria 2018 est un assemblage de vignes provenant de La Landonne. Elégante et ample, elle est soutenue par des tanins à la fois fins et puissants. Enfin, La Péroline, notre coup de cœur incontesté, provient du lieu-dit schisteux Chavaroche. Ici, c’est clairement la minéralité qui domine dans ce vin racé, énergique et structuré par des tanins bien affirmés.
Mardi, 16h00 : Domaine Auguste Clape (Cornas)
En cette journée magnifique, les rayons de soleil allumaient la flamme des milliers de pissenlits qui couraient dans les vignes donnant aux collines des allures de montagnes d’or. Malgré cette lumière, nous suivons Olivier Clape au sous-sol. Et là, dans les profondeurs de cette cave où les vins hibernent religieusement, le temps semblent s’être figé. Un temps que nous allions très vite remonter…
Avant toute chose, si les vins du domaine sont particulièrement recherchés, c’est parce qu’ils ne sont produits que sur une petite surface d’à peine neuf hectares. Sont signés alors de jolis crus classés en appellations Cornas bien sûr, Saint-Péray, Côtes-du-Rhône et Vin de France. La vingtaine de parcelles du domaine est vinifiée très sérieusement en fonction de l’âge des vignes qui, pour la plupart d’entre elles sont âgées entre 40 et 80 ans. Le bois neuf n’a pas sa place dans le processus et les foudres qui entrent au domaine tous les quatre ou cinq ans sont déjà usagés. Les vendanges entières sont aussi de mise.
Ainsi commence la valse d’Olivier Clape qui, équipé de sa grande pipette, se hisse sur son échelle pour cueillir au cœur des foudres ses précieux nectars. Pas à pas, le vigneron nous guide dans l’art des assemblages dévoilant des vins issus de différentes parcelles qui entrent dans ses cornas. Ainsi, Reynard, un terroir solaire car exposé vers le sud, dévoile de jolis tanins accrocheurs. Sabarotte, elle aussi exposée au sud, est riche en granit affleurant. La bouche est plus serrée que ce que le nez fruité laissait présager. En d’autres termes, voici un beau squelette, avec de la rondeur en moins. Les vins défilent et, même si le cépage est le même, les variations sont toutes plus complexes et différentes les unes que les autres.
C’est au tour du millésime 2019 de nous livrer ses secret puis au 2018, un millésime qui révèle de beaux équilibres. Si le mildiou s’est installé timidement à cause d’un printemps humide, il a rapidement été balayé par le Mistral asséchant et par un mois de juin chaud. Grand coup de cœur pour le cornas de cette année qui s’exprime avec sérieux et noblesse avec des touches de graphites, des tanins nombreux mais très fins, une finale finement fruitée ainsi qu’une belle acidité. Suivent ensuite de superbes 2011 qui nous ont confirmés que la garde était la meilleure alliée de ces vins. Le cornas nous a littéralement envoûtés par ses notes sauvages (musc, cuir, fourrure), sa texture douce et le sérieux de ses arômes quand Renaissance- une cuvée créée en 1997 et qui doit son nom à Auguste Clape qui, revenu au domaine familial, a choisi de vinifier de jeunes vignes qu’il avait planté sept ou huit ans auparavant- nous a tout autant séduit par ses tanins polis mais toujours perceptibles et son profil évolué.
L’heure tourne, il nous faut déjà repartir pour honorer notre dernier rendez-vous de la journée. « Dites bonjour au p’tit Gonon » nous lance M. Clape Père. Nous filons donc en direction de Mauves.
Mardi 18h00 : Domaine Gonon (Mauves, Saint-Joseph)
Le soir tombe, nous descendons dans les caves faiblement éclairées. Ici, l’idée n’est pas de contempler le vin, mais de le rencontrer olfactivement et tactilement. Si la luminosité est basse, Jean Gonon nous éclaire par son optimisme, son rire franc, sa simplicité et, surtout, par son humilité. Du (très) bon vin, ses parents, son frère et lui l’ont fait par instinct… par hasard, presque. A contrecourant de leur confrères, ils ont opté pour des méthodes de vinifications résolument modernes comme la vinification en vendanges entières et l’absence de fûts neufs. Pourtant, s’il n’a pas fait d’études mais agit avec l’expérience, le vigneron nous abreuve de connaissances sur l’histoire de l’appellation Saint-Joseph qui, de 100 hectares lors de sa création en 1956, atteint aujourd’hui les 1 500 hectares. Nous comprenons donc mieux les crus que nous goûtons. Quand le vin des Oliviers provient d’un terroir d’argile rouge, il se dévoile dans un registre très fruité, soyeux, souple et mûr, « un peu gentillet » ; alors que celui de Saint-Jean de Musol riche en gneiss, des sols plus maigres et plus pauvres, ils se dessinent à travers une certaine austérité, une belle structure et un aspect quelques peu graphite.
Ici aussi nous goûtons les 2020 à même le fût. Une expérience inédite qui nous permet de déceler les typicités des terroirs et du millésime qui, après 2003, fût l’un des plus précoces ces dernières années. S’ensuivent ensuite des 2019, des saint-joseph rouges 2018 et 2016 ainsi que Les Oliviers (dont le premier millésime est né en 1954) blanc 2016 et… 2011.
Il nous faut remonter à la surface redécouvrir les vignes et remarquer que la lune a succédé au soleil. Ce fut une belle première journée qui marqua nos mémoires et nos gencives. Un repos bien mérité nous attendait avant de démarrer une nouvelle journée.
Suite au prochain épisode 😉