
Poussez la curiosité un peu plus loin, à la découverte du vignoble savoyard. Dans son écrin de verdure montagnarde s’éveille une pépite : le domaine de l’Aitonnement. De son parterre de vignes, Maxime Dancoine ne peut qu’admirer le massif de la Lauzière et son grand Arc, la chaine des Belledonnes ainsi que la Combe de Savoie. Il n’a qu’une obsession : rendre aux variétés d’antan leurs lettres de noblesse, soulignant ainsi un travail séculaire, malheureusement, tombé dans l’oubli.
La Maurienne, un vignoble escarpé délaissé
Celui qui doit son nom au vignoble de l’Aiton, que le marcheur trouvera à l’ouest du massif de la Maurienne, a connu son âge d’or au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Les vignes y couraient alors sur 200 hectares, témoins d’une culture ancrée depuis plusieurs siècles déjà. 200 hectares aujourd’hui morcelés, les vignerons professionnels ainsi que la culture vivrière se raréfiant, les contraintes techniques effrayant. Il faut être effectivement suffisamment amoureux de sa terre pour oser dompter ces terrains escarpés et accidentés à la main.
Soleil, vent et sol pauvre : trio d’or pour ce terroir montagnard
Fou, Maxime Dancoine, l’était-il en reprenant 1,5 hectare de vignes et en créant la propriété fin 2015 ? Comment ne pas l’être, ou du moins le devenir, devant un tel terroir ? Une lumière constante inonde les parcelles idéalement exposées vers le sud, du matin au soir. Le vent apporte son grain de sel, assainissant les vignes par son souffle tandis que des sources d’eau descendent des montagnes pour étancher leur soif. Les ceps plongent leurs racines dans des sols pauvres dont l’épaisseur varie en fonction de l’inclinaison de la pente (qui peut atteindre les 70%), puisant la quintessence du calcaire gris, des cailloux, des marnes grises et de schistes qui y logent. Maxime Dancoine aime effectivement à croire « qu’il ne faut pas forcer les choses » et qu’il faut accepter les opportunités qui se présentent. Ce lillois d’origine qui a fait ses classes à Beaune puis en Nouvelle-Zélande cherchait à l’origine une région pour produire des vins à caractère septentrionaux. Celle-ci fut, comme pour un autre camarade de BTS, une révélation…

La biodynamie au service de vieux cépages
C’est donc en ce royaume lumineux, venteux, pentu et drainant que la mondeuse noire, la jacquère blanche et l’altesse puisent leurs lettres de noblesse. Des variétés typiques très vite rejointes de variétés ancestrales telles que le joubertin noir, le blanc de maurienne, les mondeuses grise et blanche ainsi que le persan, la douce noire et l’étraire de la d’Hui. Les vignes et la biodiversité y ont toujours été respectées et la culture biologique a été enclenchée en 2013. Forçant « l’attention avant l’action », la biodynamie s’est imposée comme une évidence, respectant la santé de celui qui la soigne à celui qui savoure son jus. Qu’on se le dise, la tâche est colossale : Maxime Dancoine a effectivement la particularité de tout faire à la main, crampons aux pieds.
Le vigneron vient d’achever son cycle de plantation (en 2023), favorisant 14 000 pieds par hectare pour les vieilles vignes et 11 000 pieds par hectare pour les plus jeunes. Alors, certes, avec trois hectares la surface semble petite mais cette haute densité de plantation double le temps de travail. Toutefois, rien ne semble arrêter le passionné qui a aujourd’hui « un projet un peu fou », celui de complanter 3000 mètres carré de vignes avec sept cépages régionaux (le gringet en hommage à Belluard, la mondeuse blanche et grise, la jacquère, la mollette et la petite arvine) qui feront, une fois vinifiés, l’objet d’un élevage de sept ans sur lattes, sans dégorgement.
Des vinifications tout en douceur
Au domaine, l’Homme souffre pour engendrer un vin avec douceur, dans le secret bien gardé d’une cave, maîtresse d’humilité. La récolte à juste maturité est, comme le dit Maxime Dancoine, un « moment convivial qui marque la fin d’une année de dur labeur ». Elle ne se fait pas non plus sans peine : les pentes sont si marquées que des luges aident au transport des caisses. Ces vendanges, donc, précèdent une vinification douce qui, suivant le calendrier lunaire, se définit par des transferts du vin limités et précédés d’un inertage au gaz neutre qui évite l’utilisation du soufre. Un usage également restreint lors de la mise en bouteille et alors remplacé par de l’azote, uniquement sur les bouteilles de 75 cl. Les filtrations ne sont pas systématiques et, afin d’éviter le goût de bouchon et de maîtriser l’évolution du vin, sont employés des bouchons synthétiques réalisés à partir de polyéthylène issu de canne à sucre. Plein de bon sens, Maxime Dancoine sait également faire face aux années compliquées : des levures bio sélectionnées avec minutie peuvent enclencher les fermentations en cas de défaut sanitaire et si la mondeuse noire, star du domaine, n’est pas assez mûre, elle peut être chaptalisée.
Que retient Maxime Dancoine en moins d’une décennie de travail ?
Les journées sont denses, se suivent et ne se ressemblent pas. Mise en bouteille qui nécessite un nettoyage et une filtration, fauchage, envoi d’échantillons, traitements, bulletin phytosanitaire… Une succession d’actions qui rythme une simple journée de travail. Ajoutez à cela ses prestations de conseils en viticulture et en œnologie et vous obtiendrez un vigneron accompli qui a, de surcroît, dû faire face au millésime 2021.
2021 ? Une année qui l’a conforté dans l’idée qu’il pouvait travailler en bio mais qu’il lui fallait du personnel… et une certaine dose de caractère pour accepter de retourner encore et toujours à la vigne pour la traiter. Une année qui lui a également fait comprendre combien il était louable de vouloir remettre de vieilles variétés au goût du jour mais qu’il est nécessaire de posséder une base de cépages résistants (comme la mondeuse) afin de ne pas se retrouver démuni en cas d’imprévu. Une année qui lui a permis de produire 40 hectolitres sur les 80 qu’il imaginait à la base. Une année sévère mais qui, in fine, a aussi mis en lumière l’entraide existant entre les vignerons de la région.
Alors, en guise de mot de fin, nous ne pouvons que vous recommander chaudement ce domaine géré avec passion par un vigneron autodidacte qui, sur les 200 hectares que comptait autrefois la Maurienne, n’en recense plus que cinq, plantés de 32 variétés différentes. Chapeau bas.
Domaine de l’Aitonnement, ce qu’en disent les guides
Guide Vert 2023 de la Revue du vin de France
Maxime Dancoine, œnologue trentenaire, ne cultive qu’un tout petit vignoble, localisé à Aiton, à l’extrémité occidentale du massif de la Maurienne. La production qui en est issue commence néanmoins à attirer l’attention des amateurs. Très soignée, d’inspiration biodynamique et labellisée bio depuis 2017, elle s’inscrit dans la diversité et l’ambition qui caractérisent le renouveau générationnel de la viticulture savoyarde. Cette démarche prend tout son sens à la lumière des nouvelles plantations qui privilégient des cépages endémiques comme le joubertin ou le blanc de Maurienne. Il faut aussi suivre de près – de très près – le jeune négoce que Maxime Dancoine a créé avec Guillaume Lavie, vigneron dans le Bugey (Les Vins de Lavie) : Des Vins d’Envie.
Les vins : déjà très expressifs, les deux blancs 2021 sont remarquables. Big Bang, assemblage d’altesse (55%) et de jacquère (45%) dont les jus fermentent ensemble en demi-muids, offre un fruit scintillant, avec ce côté chlorophyllien (menthe pouliot, ronce…) récurrent dans le millésime. C’est un vin alerte, très vif, chargé en gaz, qui capture à merveille l’esprit montagnard. Vesta, chignin-bergeron issu d’une parcelle en fermage, conserve l’attrait pulpeux du cépage, avec de fines suggestions lactiques, tout en affichant un degré d’alcool réduit, une fraîcheur inhabituelle. Du négoce Des Vins d’Envie, nous avons goûté un rouge réunissant mondeuse et différents cépages « sudistes ».
Retrouvez les vins du domaine de l’Aitonnement en vente sur iDealwine
Chignon-Bergeron Vesta de l’Aitonnement
Appelé localement Bergeron, c’est en fait de la roussane, cépage emblématique de la Vallée du Rhône septentrionale qui est ici à l’œuvre. Sur ces terres savoyardes, elle a planté ses racines sur des éboulis argilo-calcaires, sur un terroir qui bénéficie d’un ensoleillement tout au long de la journée lui permettant d’atteindre une maturité optimale. Cultivées en bio et biodynamie, vendangées à la main, les baies sont vinifiées sans soufre de la façon la plus naturelle possible. Elles produisent alors un vin doré, aux légers reflets ambrés, dont le nez charme d’emblée avec ses notes de chèvrefeuille, de tilleul, d’abricot relevées d’épices. Passé une attaque franche, la bouche se fait ronde et charnue, d’un équilibre parfait entre tension et générosité. Une finale acidulée et persistante vient clore ce très joli vin. Il sera parfait en accompagnement d’une blanquette de veau aux champignons ou d’une truite aux amandes. A déguster dès maintenant ou à faire évoluer jusqu’à cinq ans en cave pour un profil un peu plus évolué.
IGP Vin des Allobroges Big Bang de l’Aitonnement
Pourtant originaire de Lille, ville plutôt connue pour la bière de sa région, Maxime Dancoine a choisi de se lancer dans le vin et de devenir vigneron. C’est en 2016 qu’il acquiert ce domaine qu’il baptise « de l’Aitonnement » et qu’il entretient avec soin, selon des principes biodynamiques.
Cette cuvée, Big Bang, est un assemblage à parts égales de jacquère et d’altesse qui proviennent de jeunes vignes (une dizaine d’années environ) de jacquère et de parcelles au sol relativement profond pour l’altesse. Vendangées à la main, les grappes sont sévèrement triées avant la vinification. Après la fermentation, les jus sont assemblés et effectuent ensemble une fermentation malolactique. Le soufre est ajouté de façon homéopathique lors de la mise en bouteille et à raison de 43 mg par litre. Le vin est élevé en fûts bourguignons (228 litres) et en demi-muids de 400 litres. Quelques batonnages légers sont appliqués afin de remettre les lies en suspension et d’offrir de la chair au vin. Ainsi, la dégustation nous dévoile un breuvage doté d’une jolie robe doré de laquelle s’échappe un bouquet aromatique intense marqué par des notes de fruits blancs et de fleurs blanches ainsi qu’un léger aspect lacté offert par la vinification. Nous vous recommandons d’ouvrir ce vin une heure avant son service à l’apéritif ou accompagné de mets simples comme des pâtes au parmesan et au citron.
IGP Vin des Allobroges Genesis de l’Aitonnement
La jacquère, cépage phare du vignoble savoyard, est souvent mal comprise. Pourtant, cultivée avec soin et vinifiée avec attention, elle donne des vins délicats, aux subtiles notes florales et à la bouche tendue par une acidité ciselée. Maxime Dancoine l’a bien compris et bichonne avec amour ses vieux ceps de 80 ans, qu’il cultive selon des méthodes bio. Les baies vendangées à la main sont pressées et mise au froid avant la fermentation en jarre de grès. La fermentation malolactique se poursuit en fûts de chêne de 228 litres, sans bâtonnage mais avec ouillage régulier. Le vin est élevé sept mois durant, puis mis en bouteille après une légère filtration.
Il en découle un vin dense, presque rond, mais possédant toujours cette tension acide typique du cépage, et des notes délicates de fleurs blanches, de citron et de craie. Une cuvée qui s’appréciera dans sa jeunesse avec des mets régionaux comme une tarte au reblochon.
IGP Vin des Allobroges Dark Side de l’Aitonnement
La mondeuse noire est certainement un cépage obscur, dans le sens que ce cousin de la syrah n’est pas très connu en dehors de sa Savoie natale. Pourtant, il a tout pour plaire, des épices, des notes de fruits noirs et de violette, une belle charpente et un vrai potentiel de garde. Maxime Dancoine le met ici en lumière, dans une cuvée issue de vignes âgées entre 10 à 80 ans plantées sur des sols de calcaire schisteux.
Les baies vendangées à la main fermentent en cuves puis les moûts sont transférés en demi-muids de 500 litres pour sept mois d’élevage, sans bâtonnage. De très faibles doses de soufre sont utilisées à l’embouteillage, en faisant un vin vivant, qui bénéficiera d’un peu d’aération avant la dégustation. Se dégagent alors du verre des notes de prune, de mûre, de poivre et de réglisse. La bouche se montre intense, gourmande bien structurée par des tanins polis. Une note poivrée ponctue la finale. A déguster dans les deux ou trois ans qui suivent son millésime.