Mineral

Minéral est un mot qui s’est généralisé récemment dans le vocabulaire de la dégustation. Et il est tellement employé qu’il est difficile de comprendre exactement à quelle vérité du vin il correspond. Esquissons quand même quelques pistes de réflexion…

Quand un dégustateur évoque des arômes floraux ou un goût fruité, tout le monde comprend à peu près à quoi il fait allusion, même si chacun, avec son référentiel propre, pourra sentir de la pivoine là ou d’autres imaginent la rose ou être frappé par des arômes de groseille là ou ses voisins seront frappés par des notes de framboise. Mais le floral reste floral et le fruit demeure fruité ! Par contre, pour le minéral, c’est beaucoup plus compliqué…

A force d’être employé à tort et à travers, la signification de ce mot s’est en effet quelque peu délitée pour devenir aujourd’hui une façon d’exprimer d’une façon pseudo savante que vin minéral égale bon vin. Par manque d’expérience ou par une lacune d’analyse, c’est pratique de dire “minéral” quand on ne sait pas trop quoi dire pour justifier qu’on trouve un vin très bon. Paradoxalement, ce n’est pas faux du tout !

Même si cela est difficile et dépend, comme toutes les sensations ressenties par un dégustateur en goûtant un vin, de ses propres références dans l’univers des odeurs et des arômes, on peut tenter de définir ce qu’un consensus admet comme élément de minéralité et de dire aussi clairement ce que la minéralité n’est pas !

Pour une majorité des dégustateurs avertis, minéralité suggère d’abord une famille d’arômes évoquant des éléments de sol : odeurs de calcaire, de silex,  de terre, de schiste, de graphite, de caillou mouillé, de caillou chauffé au soleil, etc.

En bouche ensuite, elle semble liée pour commencer à une perception tactile assez difficile à décrire, et qui tient pour les dégustateurs les plus attentifs à une sensation de “vibration” ou de “dynamisme”. Et, en fin de bouche, la minéralité est clairement liée à une perception gustative un peu saline qui provoque dans la foulée un retour de salive. “Minéral” et “‘salivant” sont en général totalement liés.

Par contre, il ne faut pas confondre minéralité et acidité, ce qui est une erreur fréquente des dégustateurs peu avertis (et même de certains beaucoup plus expérimentés). C’est d’ailleurs probablement pourquoi une majorité d’entre eux parle plus souvent de minéralité sur des vins blancs que sur des vins rouges, ce qui est une erreur. Une belle acidité bien intégrée à la matière du vin participe probablement à cette fameuse sensation de “vibration” ou de “dynamisme” du vin en bouche, mais elle ne la résume que très partiellement. La minéralité est une sensation qui est nourrie par bien d’autres éléments. Enfin, sur certains vins blancs, la minéralité est souvent confondue avec des arômes soufrés un peu marqués et qui, combinés à une acidité un peu élevée, peut effectivement induire en erreur.

Enfin, il faut savoir que le goût d’un fruit, une pomme comme du raisin, est directement influencé par la nature du sol dont il est issu. Mais il faut pour cela poser tout de suite un préalable : cela n’est vraiment sensible que si le raisin est produit et vinifié le plus naturellement possible. Il n’y a pas besoin d’être un expert en agronomie pour comprendre qu’un vin produit à partir de raisins poussant sur un sol étouffé par la chimie et vinifié en ajoutant des quantités impressionnantes de produits œnologiques (autorisés) ne pourra pas refléter le sol qui l’a vu naître. Parler de minéralité sur des vins dont le terroir a été masqué ou “filtré” par diverses pratiques excessives à la vigne ou en cave est donc un non-sens absolu ! Par contre, quand un vin est produit à peu près “proprement”, il est vraiment intéressant de s’efforcer de ressentir les différences entre, par exemple, un vin produit sur des sols très calcaires et un autre issu de sols de marnes ou d’argiles. Pour ne prendre qu’un exemple, amusez vous à déguster en parallèle un vin de Vouvray, comme la cuvée Les Argiles de François Chidaine qui indique la nature de son sol dans son nom, et un vin de Saumur, comme la cuvée “Insolite” du domaine des Roches Neuves de Thierry Germain, un vin produit sur un sol très calcaire de tuffeau. Les deux sont des vins très minéraux mais avec une texture en bouche qui ne sera pas du tout sur le même registre, aérienne et cristalline sur le Saumur, plus large et plus “lourde” sur le Vouvray, à l’image des sols dont ces deux vins proviennent.

Pour finir avec cette notion de minéralité qui ouvre depuis quelque temps dans les milieux de la dégustation des débats passionnés jamais refermés, disons que, plus que toutes les autres sensations olfactives et gustatives, celle-ci est particulièrement subjective. Mais d’une manière ou d’une autre, la “vraie” minéralité est effectivement le reflet d’un bon, voire d’un grand vin. Un vin qui n’aurait à proposer que le fruit, que l’acidité ou que la richesse de sa matière, sans la profondeur d’une minéralité qui le relie à un sol, peut probablement arriver à être un bon vin, mais jamais il ne sera grand…

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Cet article a 4 commentaires

  1. kouacou

    Je voudrais savoir quand dit on qu’un vin n’est pas bon? Et aussi avoir un lexique du bien avec explication

    1. iDealwine

      Difficile de vous répondre… Car la perception d’un vin « bon » ou « pas bon » comporte une part importante de subjectivité !
      En tout cas iDealwine vous propose un lexique du vin que vous retrouverez ici. Et bien sûr, dans le Blog iDealwine, de nombreux articles sont à lire dans la rubrique « Apprendre », Philippe Barret, grand spécialiste de la dégustation, y décrypte régulièrement les mots du vin.
      La rédaction

  2. Cours d oenologie Paris

    Un grand merci pour ce cours de dégustation de vin. Minérale rime avec la terre et l’eau. C’est deux éléments produisent la vie.

  3. David Cobbold

    Je pense aussi que ce terme très vague de « minéral » pour décrire un vin arrive lorsque le vin en question n’exprime que peu ou pas de saveurs fruités, et que cela se combine avec une acidité perceptible. L’exemple type serait un Chablis (la plupart des Chablis en tout cas). Après, lier cette notion de minéralité à la nature des sols ignore la capacité des racines à absorber les molécules qui en proviennent : molécules généralement trop gros pour passer dans le racines dans les quelques cas ou la nature de la roche en sous-sol serait (un peu) soluble dans l’eau. Il s’agit donc d’un mot « projectif » qui évoque un lien imaginaire. La sensation de « vibration » évoqué dans votre article est plus intéressante comme piste que le terme ombrelle de « minéral ».

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