Prétendre au titre de Meilleur Sommelier du monde ? Il faut être bien téméraire pour se lancer dans l’aventure. Récit des épreuves de la finale.

Décrocher le titre de Meilleur sommelier du monde est un véritable parcours du combattant. Cette distinction, remise en jeu tous les trois ans (ou quatre, quand le Covid vient jouer les trouble-fête) est internationale. L’épreuve nécessite un niveau de connaissances proprement abyssal, une endurance et une ténacité à toute épreuve, des talents relationnels et bien sûr, une mémoire olfactive sans équivalent. Les candidats doivent d’abord passer par les fourches caudines de la sélection nationale avant d’arriver à la finale, organisée cette année à Paris où les candidats de 67 nationalités sont venus s’affronter pour les quarts, puis les demi-finales. Les épreuves comptent trois volets : des questions théoriques de haut niveau, la dégustation à l’aveugle et des mises en situation (service, gestion, achats…). Loin de se limiter aux connaissances du vin – un monde pourtant déjà vaste – les épreuves concernent aussi les spiritueux, l’univers de la mixologie, sans oublier désormais les boissons « no-lo », faiblement ou pas du tout alcoolisées. Un monde de savoir et de culture !

La finale se déroulait dimanche 12 février dans l’enceinte de La Défense Arena. La pelouse du stade de rugby avait laissé place à un podium transformé pour l’occasion en salle de restaurant. L’endroit porte bien son nom… C’est donc dans cette arène que pénètrent tour à tour les trois candidats finalistes, face au public (plus de 3000 personnes) dans un décor de tables réunissant, en guise de clients… une dizaine de meilleurs sommeliers du monde ou de leurs pays, des dégustateurs de haut vol, détenteurs du titre de Master of Wine… Tous les ingrédients sont réunis pour faire grimper la pression à son plus haut niveau.

Les trois candidats retenus pour la finale – ils viennent de l’apprendre, en direct, au début de l’après-midi – sont la Danoise Nina Jensen, le Letton Raimonds Tomsons et le Chinois Reeze Choi, venu de Pékin.

Des clients impitoyables

Imaginez, donc, une salle de restaurant comportant quatre tables et un bar à cocktails. Le patron a dû partir en catastrophe. Le sommelier se retrouve seul pour s’occuper des convives. Il devra tout à la fois décanter un magnum d’un grand cru de Bordeaux dont le millésime se révèle ne pas être celui initialement annoncé à la carte (château-d’issan 2016) ; servir à une autre table une bouteille de champagne Dom Pérignon 2013, goûter un vin à l’aveugle apporté par l’un des convives pour donner son avis ; juste après avoir pris la commande et servi à une autre table cocktails et champagne, sans oublier le moindre détail. Le tout, en voltigeant d’une table à l’autre pour s’assurer qu’à aucun moment les convives ne se sentent oubliés… Une redoutable épreuve que Nina Jensen et Raimonds Tomsons relèvent haut la main, chacun dans leur style, charme, sourire et compétence pour la première, précision et rapidité pour le second. Leur expérience des concours est alors perceptible, ces deux candidats ayant déjà participé aux épreuves finales de la précédente édition.

Après ce premier exercice de haute voltige vient la dégustation à l’aveugle. Quatre vins blancs. Et là, le piège. Pas un vin français dans la sélection. Les candidats n’y croient pas, proposant tout de même quelques dignes représentants des vignobles de l’Hexagone. Nous voilà partis à Sancerre, Chablis, Bordeaux… Il s’agissait en réalité de deux rieslings, un allemand et un autrichien, et de deux sémillons, l’un, sud-africain, et l’autre, argentin. Pour corser un peu l’exercice, les candidats se voient ensuite remettre de morceau de roche (et sans doute un autre d’ardoise), qu’ils doivent associer aux vins dégustés…

Pas une seconde de répit. Andreas Larsson, qui anime avec brio cette épreuve, invite le candidat à rejoindre l’une des tables où siège Anne-Sophie Pic. Ils découvrent alors directement les vins qu’ils viennent de déguster (et ainsi leurs erreurs…). Sans transition, les voilà invités à concocter les accords avec le menu de la cheffe, connue pour ses plats admirablement complexes, composés d’éléments végétaux, de textures et d’épices qui viennent ajouter une marche encore à la difficulté de l’exercice.

Retour à la dégustation à l’aveugle. Deux vins rouges que chaque candidat doit décrire et « vendre » au public présent. Il ne s’agit ni plus ni moins de l’iconique Petrus, offert à la dégustation dans deux millésimes différents (2012 et 2003). Un beau cadeau pour cette finale… mais aussi un sacré piège qu’aucun des prétendants ne réussira à débusquer.

Une épreuve conçue pour les iDealwiners

Vient ensuite une épreuve amusante pour qui connait le vin et son marché… L’exercice consistait à décrypter une liste de vins proposés à l’achat pour le sommelier, et y trouver les éventuelles erreurs. Suivez notre regard… inutile de préciser que les iDealwiners présents se sont bien amusés. Parmi les « coquilles », certains millésimes n’avaient pas été produits comme Krug Clos du Mesnil 1978, Sassicaia 1969 Vega Sicilia 2001… Le jury avait glissé une erreur dans les imprononçables noms de cuvée d’Egon Müller : qui n’a jamais fait la faute en évoquant le « Scharzhofberger Riesling Auslese » jette la première pierre à ces valeureux candidats. Certains vins n’étaient pas identifiés dans la bonne région de production, à l’instar d’Almaviva au Chili (Maipo Valley) ou le cabernet-malbec australien de Wendouree (Clare Valley), ou encore le spiritueux chinois Moutai, Kweichow WuXing qui, comme chacun sait, vient non pas du Hunan mais de la région de Guizhou. Quelques erreurs de prix s’étaient également glissées dans la carte, certaines n’ont pas échappé à Nina Jensen qui s’est montré prête à acquérir une palette de château-margaux 1983, estimé 250€ la bouteille. Les iDealwiners ont immédiatement rectifié, puisque la cote de ce très beau millésime produit à Château Margaux s’établit aujourd’hui à plus du double du prix indiqué…

Pour finir, les trois candidats, réunis sur le podium, doivent deviner les noms d’une série de vin à partir d’indices visuels. Hermitage Cathelin de Jean-Louis Chave, Opus One figurent parmi les énigmes à résoudre.

Le Letton Raimonds Tomson vainqueur de l’épreuve

Cette finale s’est jouée à un fil. Toutes nos félicitations au vainqueur, Raimonds Tomsons, qui a brillé par sa précision dans la description des vins et dans le choix périlleux des accords avec la carte d’Anne-Sophie Pic. Le candidat de la Lettonie s’impose par sa clarté, son élégance… et son humour. Bravo à la finaliste Nina Jensen qui a su charmer l’assistance de sa présence enveloppante durant les épreuves de service. Tous les deux ont fait preuve d’une remarquable maîtrise de la pression soigneusement entretenue par le jury organisateur du concours, l’ASI (association de la sommellerie internationale). Le Chinois Reeze Choi n’a pas démérité, notamment durant les sessions de dégustation à l’aveugle, mais son stress était plus perceptible. L’exercice est si difficile…

Honneur et respect à toutes celles et tous ceux qui ont tenté l’aventure, et particulièrement à Pascaline Lepeltier. La vaillante candidate pour la France a trébuché durant les ultimes épreuves de la demi-finale, terminant au rang de 4ème…. Précisons tout de même que, dans la même année, Pascaline avait ajouté à la difficulté de la préparation du concours quelques défis supplémentaires : l’ouverture de Chambers, un restaurant à New-York acclamé pour sa carte de vins nature, et la publication d’un livre formidable, l’encyclopédie Mille Vignes. Quel talent ! Bravo à celle qui, auréolée de multiples distinctions (Meilleur Ouvrier de France, mention sommellerie, Meilleure sommelière de France, Personnalité de l’année 2019 de La Revue du vin de France…), fait honneur à sa profession… et à la cause des femmes.

Un dîner de gala

La soirée s’est poursuivie par un dîner dressé sur la pelouse de La Defense Arena. Orchestré avec brio par les équipes de Potel et Chabot, ce festin, que nous avons partagé à la table du Château de Ferrand, était accompagné d’un bel aréopage de grands crus bordelais, servis en magnum dans de superbes millésimes. Venaient s’y ajouter les bulles de Dom Pérignon 2013 pour revivre la finale avec les candidats, en accompagnement d’une délicieuse raviole de homard, et le délicat château-guiraud 1990 pour accompagner un fondant poire-chocolat au dessert. Sans oublier le tout aussi fondant porto Sandeman’s, Tawny 20 ans d’âge…

 Les spiritueux n’étaient pas absents du menu. Nous avons pu découvrir des accords insolites, tels qu’un saké pour accompagner des saint-jacques crues ou.. un whisky Macallan, marié au jarret de veau rôti… Il n’était tout de même pas interdit de leur préférer un verre de château-clinet 2005…

Cheers à tous les candidats, bravo aux organisateurs de l’ASI et de l’UDSF, et vive le nouveau meilleur sommelier du monde !

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Cet article a 4 commentaires

  1. Eric R.

    Magnifique récit d’une très belle finale.
    Trois coquilles dans votre article. L’Accor Arena est à Bercy. Ici, il ne s’agissait que de La Défense Arena. Nous étions plus de 4000 spectateurs, et plus de 1000 pour le dîner de gala. BordeauX prend un x.
    L’accord saké avec le carpaccio de Saint-Jacques et radis était très intéressant, et assez naturel. Le Macallan 15 ans sur le jarret de veau confit a l’os, mais plus difficile à apprécier en parallèle des beaux Saint-Emilion Grand Cru classés servis sur ce plat.
    N’oublions pas les beaux Porto Tawny servi sur le chocolat en fin de repas.
    Bref, un dîner à l’image de ce concours : qualité et diversité.

    1. iDealwine

      Merci de votre commentaire et pour vos appréciations de cet article. Nous corrigeons les coquilles ! Bien cordialement,
      La rédaction

  2. Denis

    La plus précise des descriptions que j’ai lu sur ce concours. Manque juste les désolantes lacunes de micros qui semblent récurrentes à ce concours.

  3. J Charles G.

    Bravo pour ce compte-rendu très fidèle de ces épreuves que j’ai suivies en direct.

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