
Voilà près de cinq siècles que le premier grand cru classé ne cesse de briller par son esprit d’innovation et de progrès. Un travail ardu qui lui a valu une double classification, distinction unique dans le vignoble bordelais. Château Haut-Brion, c’est tout simplement un destin et des vins incomparables que nous ne résistons pas à vous conter.
Naissance et édification d’une légende
On entend régulièrement parler de la vieille et influente famille Pontac à Bordeaux. Le château Haut-Brion a ainsi vu le jour au début du XVIème siècle sous l’impulsion de Jean de Pontac, faisant de la propriété l’une des doyennes de la sphère vinicole bordelaise. A sa suite, son descendant Arnaud de Pontac travaille tant et si bien qu’il hisse le domaine au sommet grâce à l’établissement de procédés de vinification novateurs et qualitatifs. Ses vins sont désormais ouillés et bénéficient d’un élevage prolongé, leurs permettant de se bonifier avec le temps. Ce nouveau style de vin est très vite apprécié par les anglais qui l’importent et le baptisent « New French Claret ».
Ils en étaient friands ? Ils en furent servis grâce à ce même Arnaud de Pontac qui, dès 1660, envoie son fils à Londres pour ouvrir le tout premier restaurant de la ville « Pontack’s head ». C’est ici que se réunissaient les lumières contemporaines, autour des mets fins inspirés de la gastronomie française. Des écrits de ces hommes de lettre témoignent de leur dégustation des vins de Haut-Brion promus sur place. Cette réputation extra-hexagonale n’en est qu’à ces prémices…
Au tour du troisième président des Etats-Unis, Thomas Jefferson, de bâtir la renommée de Haut-Brion en recommandant à son beau-frère vivant en Virginie « d’investir dans un lot de vin ». Un conseil de grande valeur : cet amateur connaisseur plaçait en effet ces vins au même niveau que ceux des châteaux Latour, Margaux et Lafite. Aurait-il présagé qu’un classement des vins de la Gironde serait établi en 1855, plaçant ces noms au sommet ?
« Ma diplomatie se fait à travers mes casseroles et ma cuisine ! » Voici la philosophie du diplomate M. Talleyrand qui, avec l’aide de son talentueux cuisinier Marie-Antoine Carême, a participé au succès international du vin de Haut-Brion en le servant aux princes, souverains et dirigeants du monde entier qu’il recevait.
1836 signe un changement de main : le banquier parisien Joseph-Eugène Larrieu achète la propriété et entreprend de grands projets d’agrandissement et d’amélioration. Ses efforts sont récompensés et salués dix-neuf ans plus tard : le château est sacré Premier Grand Cru Classé du classement des vins de la Gironde réalisé par le Syndicat des Courtiers en vin de Bordeaux, à la demande de la Chambre de Commerce, à l’occasion de l’Exposition Universelle de Paris.
De l’eau a coulé sous les ponts et, peu de temps avant la Seconde Guerre mondiale, Clarence Dillon, un banquier américain francophile, fait de ce domaine sa propriété avant d’être succédé par des membres de sa famille qui ont préservé son esprit d’ambition et d’innovation amélioratrice. Grâce à cette mentalité qui anime chacun des propriétaires depuis le 16ème siècle, le château fait encore parler de lui en 1959 en étant positionné au sein du classement consacré aux vins de Graves. Haut-Brion est ainsi le seul château bordelais à obtenir une double classification !
En 1983, la famille acquière le château La Mission Haut-Brion et, en 2007, le second vin de Haut-Brion, connu sous le nom « Château Bahans Haut-Brion » est rebaptisé « Le Clarence de Haut-Brion » en l’honneur de Clarence Dillon, arrière-grand-père de l’actuel propriétaire Robert du Luxembourg.
Château Haut-Brion : que valait le millésime 1521 ?
Comme évoqué, le vin du « Haut Brion » était déjà considéré comme l’un des grands crus les plus anciens, puisqu’il est mentionné dans le livre du cave du roi Charles II d’Angleterre, en 1660. Cette note était jusqu’à présent la plus ancienne des références à ce vin. Pourtant, en 2014, le Château Haut-Brion, et sa société mère, Domaine Clarence Dillon, ont souhaité montrer que leur vin était mentionné dans des références encore plus anciennes. Plutôt que de se lancer eux-mêmes dans une longue et fastidieuse enquête, les propriétaires ont souhaité mettre à contribution tous les passionnés de vin de France (et de Navarre, bien entendu) et les mettre au défi de trouver une mention écrite plus ancienne de leur vin.

Et deux notes ont été retrouvées, datées respectivement de 1526 et 1521, soit 139 ans avant la première mention connue jusqu’à aujourd’hui du Haut-Brion ! La première est un acte de vente de vin passé devant notaire royal. La bordelaise Esclarmonde de Lagarde y vend « deux tonneaux de vin clairet ou rouge du cru du Haulbrion en Graves » à Pierre Gassies et Pierre Mulle, deux marchands supposés. Le premier fait surprenant que l’on remarquera est bien entendu l’incertitude déclarée sur la couleur du vin objet de la transaction. C’est en réalité parfaitement normal, puisqu’à l’époque, la couleur dépend entre autres de la qualité du millésime : une mauvaise année, le vin sera clairet ; une bonne année, il arborera la robe rouge souhaitée. La vente étant signée le 1er septembre 1526, donc avant les vendanges, la couleur du vin n’est pas encore totalement connue. De plus, l’acte porte sur le « cru » du Haulbion. Ainsi, point de note sur le propriétaire ou les vignes. On a bien, déjà, une désignation claire : le terroir y est déjà parfaitement associé à un vin, et la simple mention du « cru » suffit à définir ce dernier.
La seconde, trouvée par l’historien bordelais Laurent Chavier, déclaré vainqueur du Challenge, est encore plus ancienne. Découverte aux Archives départementales de la Gironde, elle concerne une vente de rente perpétuelle en vin entre Jean de Monque, seigneur et écuyer de Monque, et Guilhem de Mailhois, un marchand bourgeois et sergent de Bordeaux. Pour 400 francs bordelais – ce qui équivaut en parité de pouvoir d’achat à plus de 50 000 € aujourd’hui -, le premier s’engage à livrer chaque année « quatre pipes de vin […] du lieu appelé Aubrion », soit 8 barriques de 1 800 litres, au second, selon l’acte que voici :
« Quatre pipes de vin, seront du cru des vignes appartenant audit de Monque du lieu appelé Aubrion, appartenant audit vendeur. Lesquelles sont sises derrière son bourdieu assis audit lieu appelé du Brion, en la paroisse Saint-Martin de Pessac, ensemble des vignes de Pins Bouquet, de la Gravette et de Cantegrit, le tout appartenant audit seigneur de Monque, assis en Graves de Bordeaux et si cas était que ne vint aucuns fruits de raisins qui fussent pour satisfaire lesdites quatre pipes de vin de rente, bon, pur et net et marchand, le dit vendeur sera tenu lui en bailler d’autres aussi bon provenu du cru desdites vignes dessus déclarées .» (Fait amusant, l’acheteur était déjà très prévoyant !)
Toujours est-il, ce concours aura été très enrichissant pour l’histoire du vignoble du Haut-Brion et des vins de Bordeaux en général, et que ce genre d’initiative de « crowdsourcing » prouve une nouvelle fois son efficacité… et sa convivialité !
La clé d’un tel succès
Des vins rouges reconnaissables entre tous grâce à ses arômes empyreumatiques prononcés et ses tanins soyeux. Des vins blancs plus rares et recherchés pour leur profil atypique incarné par une onctuosité et une suavité offertes par le sémillon, et de belles notes fruitées et fraîches qu’apporte le sauvignon mûr.
A leur origine, une culture raisonnée des baies sur les 48 hectares du domaine au terroir précoce de graves, d’argile et de sable. Ici, merlot, cabernet-sauvignon, cabernet-franc, petit verdot, sauvignon blanc et gris, ainsi que sémillon murissent sur le domaine totalement enclavé dans la ville de Pessac, elle-même accolée à Bordeaux.
Un succès toujours d’actualité
Même au fil des siècles, sa prospérité ne faiblit pas. Bien au contraire ! En 2017, nous avons recensé des records d’adjudication, plaçant le 1989- noté 100/100 par Robert Parker – parmi les lots les plus chers de l’année. Ses meilleurs millésimes ne cessent d’ailleurs de s’apprécier et d’attiser les convoitises.
Les vins du Château Haut-Brion actuellement en vente sur iDealwine
- Château Haut Brion 1er Grand Cru Classé : des vendanges sélectives, des rendements limités et un élevage long et soigné (22 mois en fûts neufs) contribuent à produire un vin magnifique. Plus précoce que les autres grands crus, Haut Brion développe des notes veloutées de cassis mûr et de minéral d’une finesse légendaire. Dans les grands millésimes, il est parfaitement capable de vieillir pendant plusieurs dizaines d’années.
- Château Clarence (Bahans) de Haut-Brion Second Vin : une deuxième expression du terroir de ce magnifique château, des notes de fruits rouges, de terreau et de bois. En bouche, ce vin est ample et d’une finesse indescriptible. Il pourra se conserver pour révéler encore plus toute la subtilité de son bouquet aromatique.
- Château Haut Brion blanc : une cuvée aussi exceptionnelle que secrète. Les arômes de tilleul et de verveine se dévoilent dans un nez envoûtant. La vivacité et la profondeur en bouche marquent ainsi une expérience mémorable.
Château Haut-Brion, ce qu’en pensent les guides
Premier cru classé, seul château hors Médoc à avoir été rattaché au classement de 1855, Haut-Brion a la particularité d’être totalement enclavé dans la ville de Pessac, la plus proche banlieue de Bordeaux. Son terroir, comme celui de La Mission Haut-Brion, de Pape-Clément ou des Carmes Haut-Brion, est certainement le plus précoce de l’appellation et les raisins, à parts quasi égales de merlot et de cabernet-sauvignon, mûrissent ici parfaitement, donnant un vin ample et riche qui déploie au vieillissement des notes fumées inimitables.
RVF, 4 étoiles sur 4
Ce cru magistral, enchâssé dans la ville, brille toujours par sa générosité de texture, liée à une bonne proportion de merlot (40% ou souvent plus) et à la haute maturité d’un raisin qui mûrit précocement dans ce microclimat urbain. S’y ajoutent des notes fumées originales, nées du terroir et de certains clones de vignes propres au château, plus ou moins marquées d’un millésime sur l’autre.
B+D, 5 étoiles sur 5
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