Camin Larredya – « Camin » signifie chemin en dialecte local – est une des perles de Jurançon. Jean-Marc Grussaute, vigneron de l’année de La Rvf en 2023, a hissé son domaine au sommet de l’appellation, produisant des vins blancs secs et moelleux sur les terres magnifiques du Piémont pyrénéen, au sud-ouest de Pau. Découvrez avec nous les vins de ce domaine devenu incontournable, entretien avec la maestro à l’appui.
De la polyculture à la viticulture biodynamique
Acquis en 1900, ce domaine n’a travaillé la vigne qu’à partir de 1970. Jean Grussaute a donc commencé avec la culture de petit et de gros manseng (4 ha), qu’il apportait à la cave coopérative voisine. En 1988, après des études de viticulture et d’œnologie, son fils Jean-Marc arrive au le vignoble familial pour seconder sa mère à tout juste 20 ans : « Voilà une vingtaine d’années que ma mère et moi cultivons de concert notre colline, notre vigne. Ce site voué à la culture de la vigne et à la production de vin, Jurançon sec et moelleux, nous le regardons aussi et avant tout comme étant le cadre de notre vie, avec sa dimension sociale et culturelle, son lien à la terre béarnaise, nous l’assumons avec enthousiasme. » Cet ancien joueur de rugby de la Section Paloise décide de retirer le domaine de la coopérative pour commencer à produire ses propres vins. L’objectif ? Replanter les vignes et restructurer le chai. Les années 1990 sont marquées par des essais permanents, toujours réfléchis, maîtrisés et pensés. Le vigneron entend en effet trouver son style. A ses yeux, cultiver la vigne est un travail de longue haleine, d’expérience et d’observation. Jean-Marc Grussaute l’avoue sans peine, il ne pense pas être né avec un don pour ce métier qui lui aurait pourtant évité des mois d’essais et de rodage. Alors, il compense par du travail, de la patience et de la raison. Heureusement, bien entouré par des figures de proue régionales, l’ancien rugbyman déguste régulièrement pour affiner ses goûts et comprendre sa terre afin de le retranscrire dans son œuvre. Et puis, avec « les copains », Jean-Marc apprend beaucoup certes, mais il entreprend aussi. Ainsi, il a rapidement élaboré une cuvée négoce, « Les grains des copains », en collaboration avec deux voisins attachés à ses valeurs et à sa vision du terroir.
« Le jus doit être le reflet de son terroir, pas des produits chimiques qui le nourrissent. » Voici l’évidence qui lui est apparu à la fin des années 1990. Alors, la biodynamie s’est imposée comme étant le moyen idoine pour y parvenir. Le début des années 2000 marquent donc une mutation profonde de ses méthodes viticoles. Afin de se rapprocher du vivant, les rendements furent réduits et les sols soignés selon la méthode Hérody qui lui permit un découpage géologique minutieux. Nous l’aurons donc compris, Jean-Marc Grussaute cherche à signer des vins francs qui ont « la gueule de l’endroit ». Son premier grand millésime date de 2005 et dévoile justement un jus pur et net, la générosité du petit et du gros manseng ainsi qu’un équilibre généré par une fine amertume.
Depuis, Jean-Marc Grussaute affirme son style à travers des vinifications toujours plus précises. Le guide vert de La Revue du vin de France lui a accordé sa troisième étoile, puis l’a élu vigneron de l’année en 2023, le propulsant au sommet des blancs secs et moelleux du Jurançon. C’est donc au bout de près de 30 ans de métier, de travail, de patience, de raison, de discussions, d’entraide et de dégustations avec « les copains » que Jean-Marc a fini par se placer en tête. Loin de se considérer comme un surdoué, il se voit comme un travailleur patient à qui il aura fallu du temps et de l’abnégation pour retranscrire la couleur locale en bouteille. Toujours à se remettre en question et à vouloir progresser, Jean-Marc Grussaute s’amuse en réalisant des vins orange, vinifiés et élevés en amphore, et extrêmement peu soufrés.
Un sublime vignoble au cœur de Jurançon, cultivé (en bio) comme un jardin
Au cœur du Jurançon se niche la propriété de Jean-Marc Grussaute. Théâtre du renouveau de l’appellation, le domaine Camin Larredya dispose d’un superbe patrimoine de vignes en terrasse, au cœur d’un cirque sublime.
Le domaine recense 12,5 hectares de vignes.
Petit à petit, l’équipe s’est renforcée et, à ce jour, une dizaine de personnes s’activent dans les vignes cultivées en terrasses et en Agriculture Biologique (certifié depuis 2007). Jean-Marc Grussaute affirme que « l’équipe ne perd pas de vue la dimension familiale et humaine de notre activité, les gestes de chacun et leur sens servent la cause du terroir et sa pérennité. »
Les cépages traditionnels du Jurançon (petit et gros manseng en grande majorité, puis petit courbu, camaralet et lauzet) sont vinifiés en jurançons secs et moelleux. Réputé pour la fougue, la légère amertume de ces vins et l’acidité de son terroir, le vigneron peut se targuer d’être le premier vigneron du Sud-Ouest gratifié de 3 étoiles du Guide RVF des Meilleurs vins de France.Ses vignes, son terroir, Jean-Marc Grussaute y est fidèle. Il appréhende son travail de vigneron comme un herméneute le fait avec ses textes. Pour lui, il suffit « seulement » de transmuter son sol en vin en lui donnant des arômes, des saveurs, une couleur.
Situé en coteaux, à 300 mètres d’altitude, Camin Larredya se distingue par sa ligne de conduite stricte en matière de viticulture : culture bio sérieuse, rendements minimalistes, sélections massales, préparations biodynamiques. Jean-Marc effectue un travail méticuleux sur ses parcelles, avec un respect particulier pour les sols (argilo-siliceux sur sous-sols de poudingues altérés). Il affirme que « le respect de sa vie propre reste essentiel », et montre une sensibilité profonde à l’agriculture biologique et biodynamique, appliquant la méthode Hérody, une approche globale de la santé du sol et en consultant le calendrier lunaire.
La vigne est conduite de manière « jardinière » avec des tisanes de plantes et des doses raisonnables de bouillie bordelaise et de soufre afin de se prémunir des maladies parasitaires.
Les vendanges sont manuelles, les rendements limités à 35hl/l pour la parcelle La Part Davant et 20hl/l pour les autres parcelles. Pour les moelleux, le petit manseng (ce petit raisin à la peau épaisse qui, vendangé tardivement, se « passerille » sous l’action du Foehn) est récolté de mi à fin novembre par tries successives.
Des vinifications les plus naturelles possible
Comme dans son vignoble, le travail au chai est centré sur l’expression pure des terroirs. Les cuvées sont donc parcellaires. « Le souci du détail est une règle de vie ». Les raisins sont pressés, le moût fermente naturellement en levures indigènes, les températures sont contrôlées, et l’élevage se fait en barriques avec batonnage (jusqu’à 18 mois sur lies pour la cuvée 100% petit manseng). Des pratiques douces et patientes qui font leurs preuves.
La marque de fabrique de Camin Larredya ? Son équilibre subtil entre acidité et volume ainsi qu’une délicate amertume. L’équipe iDealwine avoue sans peine son petit faible pour la richesse et la précision de ses vins. A bon entendeur…
Et la suite ? Le vigneron a pour projet de planter du bouchet (cabernet franc), afin d’imaginer l’avenir de Jurançon avec un cépage rouge…
Plan des parcelles qui donnent leur nom aux cuvées
Les vins du domaine Camin Larredya
Les vins blancs secs :
Jurançon La Part Davant : « La Part Davant » la partie orientale. 50% Gros Manseng, 35% Petit Manseng, 15% Petit Courbu issus de sols argilo-siliceux sur sous-sols de poudingues altérés. Les raisins sont vinifiés sans égrappage, 2/3 en pressurage direct et 1/3 en macération pelliculaire de 48 à 72 heures. Fermentations en levures indigènes avant un élevage de 6 mois sur lies. Le nez livre un bouquet exotique et frais (ananas et agrumes). En bouche, l’attaque est ronde et fruitée (agrumes), avec une finale tendue et saline. Cette cuvée sera merveilleuse à l’apéritif un encore servi avec du jambon sec, un carpaccio de St. Jacques ou un fromage de chèvre.
Jurançon La Virada : « La Virada » signifie la combe. 40% Gros Manseng, 20% Petit Manseng, 20% Camaralet issus de sols argilo-siliceux. Les raisins sont vinifiés et pressurage direct, avec une fermentation en levures indigènes en futs de 225L (5% de neufs) et foudres de 1 200 à 2 500L. 8 mois sur lies avec un élevage dynamique (remise en suspension des lies) les premiers temps, puis plutôt dormant en été. Vous apprécierez sa complexité aromatique au nez, avec des aromes de pèches, agrumes (mandarine), et des notes épicées. En bouche, ample, exotique, riche mais tendue, minérale et saline. La grande cuvée du domaine.
Jurançon Costa Blanca : Le nom de cette cuvée nous pousse à regarder vers le sud, vers l’Espagne toute proche : costa blanca signifie côte blanche et désigne une parcelle de 1,2 hectares à dominante calcaire située du côté de Lasseube. Comme pour ses cousins liquoreux, le petit manseng est à l’honneur puisqu’il constitue 80% de l’assemblage, complété à parts égales par du camaralet et du lauzet, deux cépages autochtones quasi-oubliés. La robe jaune aux reflets dorés dévoile un nez de fruits exotiques mûrs (ananas juteux), de rhubarbe et d’agrumes insolites (kumquat).
Les vins blancs moelleux :
Jurançon Les Grains des Copains Costat Darrèr : « Costat Darrèr » signifie côté ouest. Cette cuvée est constituée de 1/3 de raisins de propriété et de 2/3 d’achat de raisins. 80% Petit Manseng et 20% Gros Manseng issus de sols argilo-siliceux sur sous-sols de poudingues altérés. Vinification : sans égrappage, pressurage, direct fermentation en levures indigènes. Elevage de six mois sur lies en fûts de 225 L. (5% de neufs) et foudres de 1 200 à 2 500 L. Cette cuvée à la robe jaune doré dévoile des aromes d’ananas, mangue et mandarine. En bouche, c’est un vin gourmand, rond et frais, fruité et équilibré.
CAMIN LARREDYA, CE QU’EN DISENT LES GUIDES :
Guide Vert de la RVF 3*/3 :
“Sois celui qu’il faut” : c’est ainsi qu’on éduque dans le Béarn, et c’est ce que Jean-Marc Grussaute s’est attaché à faire, lorsqu’à la mort de son père il a repris la ferme et son vignoble embryonnaire, qu’il a depuis mené au sommet. Pendant dix ans, il a construit le socle de son apprentissage, abandonné le rugby, sa passion première, et s’en est forgé une autre pour la vigne, s’essayant à toutes les techniques jusqu’à passer en bio, changeant de camp, de réseau et d’interlocuteurs. Aujourd’hui en biodynamie, il plante des massales, affine ses maturités, ses assemblages et ses élevages. Dans cette même logique il se passionne pour les grands terroirs qu’il repère sur les cartes géographiques : Clos Joliette d’abord, exploité un temps avec la bande de A Bisto de Nas ; puis Côte Blanche, sa révélation. Pour elle, il dompte la pente, sécurise la côte, plante et, en six ans à peine, apporte la preuve de l’exceptionnelle qualité de ce terroir.
Guide Bettane + Desseauve 4*/5 :
« Ce domaine s’est installé depuis quelques années comme une des références de l’appellation. (…) Les aléas climatiques des derniers millésimes n’ont rien changé à la détermination du vigneron et au style de ses vins. Belle réussite cette année encore, sur l’ensemble des vins présentés. (…) Une quatrième étoile méritée. »