BFM | Hospices de Nuits Saint-Georges : +41,5% sur le prix des vins, décryptage

Dimanche 9 mars dernier se tenait au château du Clos de Vougeot la vente des vins des Hospices de Nuits-Saint-Georges, une réplique confidentielle de sa grande sœur de Beaune. iDealwine avait été choisi par l’établissement public des Hospices Civils de Beaune (qui chapeaute également les Hospices de Nuits), présidé par Guillaume Koch, pour organiser ces enchères exceptionnelles. La vente concernait la production du domaine viticole relié aux Hospices, issue du millésime 2024. Une récolte de superbe qualité, mais amputée par les aléas climatiques, avait donné un assortiment de 35 pièces de 228 litres, auxquelles s’ajoutait une feuillette (ou demi-pièce), qui étaient mis en vente à cette occasion. Compte tenu de la rareté des vins, les organisateurs avaient, à titre exceptionnel, ajouté au catalogue 120 magnums et 240 bouteilles issus de l’œnothèque du domaine. La vente se déroulait au cœur du vignoble, dans le cellier historique du château du Clos de Vougeot.

Les enchères sont allées bon train et les prix se sont envolés ! Un succès que l’équipe iDealwine, soudée autour de Cyrille Jomand, son président et commissaire-priseur, a largement savouré. Cette hausse de +41,5% du prix moyen des fûts adjugés mérite un éclairage, et offre l’occasion de faire le point sur le marché des vins de Bourgogne. Angélique était sur le plateau de BFM Patrimoine, pour répondre aux questions de Lorraine Goumot, dans l’émission « Tout pour investir ». Elle décrypte ces résultats.

Angélique, votre société, iDealwine avait été choisie pour organiser la vente cette année, vous avez donc vécu cet évènement de l’intérieur, mais vous avez aussi des clés d’analyse pour tirer les enseignements de cette adjudication.

Oui, iDealwine est très fier d’avoir été choisi pour organiser cette vente. Cyrille Jomand, notre Président, l’a conduit en tant que commissaire-priseur, avec Maître Alexandre Giquello, Président de Drouot. Il s’agit d’une vente atypique : petite sœur de la vente des vins des Hospices de Beaune, elle concerne aussi la mise en vente d’une production viticole issue d’un domaine appartenant à un hôpital, celui de Nuits-Saint-Georges en l’occurrence. Les quelque 12 hectares de vignes qui constituent le vignoble sont également issus de dons effectués par des patients soignés au sein de l’établissement au fil du temps. Ils s’étendent principalement sur l’appellation Nuits-Saint-Georges, et comptent de superbes parcelles sur le climat des Saint-Georges, et sur celui des Didiers, ce dernier étant exploité en monopole par le domaine des Hospices de Nuits. Ce superbe patrimoine viticole est l’écrin de vins magnifiques, produits par Jean-Marc Moron, le régisseur, et son équipe. Il compte en majeure partie des vins rouges, complétés par une parcelle de premier cru qui produit un rare nuits-saint-georges blanc.

Les vins sont vendus en barriques, c’est bien ça ?

Oui, les vins sont issus de la dernière vendange – 2024 dans le cas présent -. La récolte est en cours d’élevage, les vins sont donc vendus en fûts, ou « pièces » de 228 litres. Chaque acquéreur confie ce fût à un négociant ou domaine bourguignon. Ce dernier qui va achever le vieillissement du vin, procéder à la mise en bouteille, avant de livrer le client.

Pourtant, cette année, la vente proposait également des bouteilles et des magnums…

Oui, la vente de cette année était exceptionnelle à plusieurs titres. Le millésime 2024 a produit des vins d’une qualité superbe, mais en quantités infimes. Seules 35 pièces (+1/2 pièce, la feuillette) ont été proposées à la vente, auxquelles s’ajoute une « pièce de charité », dont le produit de vente est reversé à une œuvre. Cette année, l’œuvre choisie est « Coucou nous voilou », une association créée par Marc Salem (ancien patron de l’hôpital Necker à Paris) pour améliorer le quotidien des enfants hospitalisés. Une superbe association ! Pour revenir aux vins, il faut savoir qu’une année « classique » produit dans ce domaine plutôt 150 barriques de vin, c’est dire si la récolte était microscopique en 2024 !

Pour combler partiellement le manque à gagner de cette petite production, les Hospices de Nuits ont exceptionnellement été plonger dans leur oenothèque, pour proposer à la vente, en complément des pièces, une sélection de bouteilles et de magnums produits dans des millésimes plus anciens. Une excellente occasion de découvrir la vente avant de se lancer peut-être l’année prochaine dans l’achat d’une pièce, complète, ou partagée avec quelques amis.

Alors, que dire des résultats : ils s’inscrivent en forte baisse ?

En baisse, ou plutôt en hausse ! Tout dépend de quel point de vue vous les considérez. Avec 75,7% de baisse des volumes par rapport à 2024, le produit global de la vente (près de 860 000€ en incluant les pièces et les vins en bouteille) n’avait que peu de chance d’excéder les montants atteints les années précédentes, pour lesquelles la récolte avait été beaucoup plus abondante (2022 et 2023 tout particulièrement).

Mais LE résultat qu’il est intéressant d’analyser c’est le prix moyen atteint pour les pièces, les fûts, qui lui, s’est établi à 22 422 €, un niveau proche du record historique de 2022 (22 807 €), soit une hausse record de 41,5%.

Comment expliquer une telle hausse des prix ? Car si je me souviens bien, le marché est plutôt en baisse depuis l’année dernière … sauf peut-être en Bourgogne, précisément ?

Le prix des grands crus a effectivement reflué en 2023 et en 2024 pour la plupart des vins. En Bourgogne, le prix moyen adjugé est demeuré stable à 250€, ce qui n’a pas été le cas pour la plupart des autres vignobles, tous en baisse. La Bourgogne reste attractive, mais souvenez-vous que lors de la vente des Hospices de Beaune en novembre dernier, le prix des pièces de vin rouge avait reflué de 5%. Par comparaison, la hausse enregistrée le 9 mars est impressionnante.

Autre indicateur intéressant : celui des prix des vins adjugés sur iDealwine en 2024. Pour les bourgognes, ils sont demeurés stables l’année dernière.

Comment expliquez-vous donc cette hausse ?

Trois raisons permettent d’expliquer cette hausse inédite.

La première tient au caractère particulier de la vente. Son produit sert à financer l’activité d’un domaine viticole qui appartient à un établissement hospitalier local. Pour soutenir son fonctionnement, les acteurs locaux sont largement mobilisés et en cas de petite récolte, ils compensent souvent par des enchères plus soutenues sur chaque pièce. D’ailleurs, dans le catalogue de la vente, les prix avaient été fixés en prenant en compte cette situation particulière : les estimations basses avaient été établies sur la base d’une hausse de 10% des prix par rapport à ceux atteints en 2023. Un objectif ambitieux dans le contexte actuel, et notamment à l’issue des résultats enregistrés à Beaune en novembre 2024. Nos équipes ont mis tous nos efforts dans la bataille pour faire connaître la vente à de nouveaux acheteurs, mais il était impossible d’anticiper une telle hausse ! Les acteurs traditionnels, les grandes maisons de négoce bourguignonnes ont redoublé d’ardeur, et elles ont également bataillé avec une clientèle plus large cette année.

La deuxième raison tient à la qualité des vins. La hausse des prix vient saluer le travail remarquable effectué par le régisseur du domaine, Jean-Marc Moron – un vinificateur exceptionnel -, et ses équipes, particulièrement dans un millésime marqué par tous les maux. Le 2024 est un concentré de ce que les amoureux du pinot noir recherchent : pureté, délicatesse et texture soyeuse. Cette délicatesse est la signature de Jean-Marc Moron. Tous ceux qui ont eu l’occasion de goûter les vins en ont attesté, soit à l’occasion des dégustations organisées dans de nombreuses villes par les équipes iDealwine – à Paris, Vienne, Rome, New-York, Hong Kong et Singapour), soit à la cuverie du domaine, la veille de la vente. Les prix atteints viennent ainsi saluer la qualité du travail mené par ce vinificateur hors-pair avec ses équipes.

La troisième raison est liée à la tension qui existe actuellement sur le marché des vins de la Côte de Nuits. La demande reste soutenue, aux quatre coins de la planète, pour les pinots noirs produits dans cette région. Les vins du domaine des Hospices de Nuits sont longtemps restés sous les radars, nous avions d’ailleurs qualifié cette vente de « secret le mieux gardé de Bourgogne ». Le révéler lors de ces enchères a permis de replacer les vins au niveau qu’ils méritent, avec, pour cette année particulière, une plus-value supplémentaire liée à leur rareté.

La hausse est-elle aussi forte pour les vins blancs ?

Ils sont extrêmement rares à Nuits-Saint-Georges puisqu’ils représentent seulement 5% de la production de l’appellation.  

Une pièce de vin blanc (un premier cru les Terres Blanches) a été adjugée 27 000 €. Si l’on y ajoute le succès de la demi-pièce (une feuillette adjugée 16 000 €), la hausse du prix moyen des pièces a globalement dépassé 40%. Un grand succès, donc pour cette cuvée magnifique.

Le produit de la vente des vins en fûts a ainsi dépassé les espérances, en situant, avec 796 000 € d’adjudication, 25% au-dessus de l’estimation basse, et encore 7% de l’estimation haute définie dans le catalogue. Une pièce de nuits-saint-georges Les Saint-Georges, un premier cru qui pourrait accéder au rang de grand cru dans les années à venir, a ainsi frôlé son record historique, en étant adjugée 55 000€.

Que conclure de ces résultats ? La Bourgogne a-t-elle atteint son point haut ?

Cette vente démontre qu’il existe encore quelques pépites à découvrir … et c’est le type de mission que nous aimons mener chez iDealwine, « au service du vin, de ceux qui le font, et de ceux qui le partagent ».

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