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Dans une émission dédiée aux sujets de gestion d’un patrimoine, le vin, en tant qu’investissement plaisir a toute sa place. Actuellement à Bordeaux, se déroule la campagne Primeurs. Est-ce un axe intéressant pour l’amateur en quête de diversification de ses placements ? Angélique de Lencquesaing, directrice générale déléguée d’iDealwine, décryptait le sujet il y a quelques jours à l’antenne de BFM Business dans l’émission « Tout pour investir ». Elle répondait aux questions d’Antoine Larigauderie.

Angélique, pourriez-vous nous expliquer en quelques mots à quoi correspond cette vente en primeur ?

Depuis près d’un demi-siècle, les grands crus Bordelais ont mis en place un système consistant à vendre le produit de leur dernière vendange (en l’occurrence, 2024), avant même que les vins soient en bouteille. La récolte est toujours en cours d’élevage.
Les amateurs peuvent acheter ces primeurs, les réserver. Ils seront livrés une fois la maturation des vins achevée, et la mise en bouteilles réalisée, ce qui peut prendre 18 à 24 mois (voire plus pour certains liquoreux) après leur commande.

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Quel est l’intérêt d’acheter en primeur ?

Il est triple :

  1. La garantie d’accéder à un vin rare, quand il est rare – nous y reviendrons – et en tout état de cause plus difficile à trouver sur le marché une fois disponible en bouteille
  2. Un circuit court entre la propriété et votre cave. Les vins vont quitter les caves du château pour être livrés dans nos entrepôts, avant d’arriver chez vous, ou dans le lieu où vous laissez vieillir vos vins
  3. L’argument clé : le prix. L’attrait principal des primeurs consiste à aider le vigneron à financer ses stocks durant la phase d’élevage des vins. En contrepartie l’amateur bénéficie d’un prix inférieur à celui du vin « livrable », une fois mis en bouteille. C’est sur cette promesse que s’est bâti le système des primeurs.

Acheter en primeur des vins qui ne sont pas achevés constitue un pari. Comment mettre toutes les chances de son côté ?  

Trois éléments peuvent contribuer à guider l’amateur :

  • Les indications concernant le millésime
  • Les appréciations des dégustateurs
  • Le prix, bien sûr

J’ajouterai que l’achat en primeur est assez particulier, car vous allez devoir attendre plusieurs années avant d’apprécier le vin. C’est un achat de patience, qui va de pair avec le plaisir de constituer une cave, de construire une collection.

Justement, sur ce dernier point, le marché est-il toujours adapté à ce mode de commercialisation ?

La patience n’est pas la vertu première d’une part croissante de consommateurs, c’est certain ! J’ajoute que de nombreux amateurs ne disposent pas de la place suffisante, ou des conditions climatiques adaptées à la conservation de vin. C’est notamment le cas des amateurs asiatiques. Il existe pour autant des parades à ce sujet, les services de stockage dédiés au vin, par exemple.  Et les amoureux de vin sont nombreux à aimer prendre le temps de construire une belle cave, la remplir progressivement de flacons qu’ils auront plaisir à venir cueillir à leur apogée.

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Revenons aux primeurs de Bordeaux. 2024 est-il un bon millésime ?

L’année qui précède la vendange est bien sûr déterminante. Après un hiver plus doux que la moyenne, le printemps humide et frais, lui a apporté son lot de maladies et de risque d‘attaques de mildiou, ou autres pourritures. Heureusement l’été a été plus favorable à la vigne, même si les vendanges se sont déroulées sous une météo capricieuse qui a joué avec les nerfs des vignerons. 2024 n’est donc pas un millésime de tout repos mais il a de nouveau offert un profil de vin qui colle mieux avec les attentes actuelles des amateurs : des jus frais, des textures délicates, des vins pratiquement prêts à boire pour certains. Ce profil de vin moins extrait, moins boisé, plus léger aussi – chacun a noté le degré alcoolique qui retombe en dessous de 14° -, toutes ces caractéristiques répondent aux attentes actuelles du marché.

Certaines appellations ou zones de production ont-elles mieux réussi que d’autres, dans ce contexte ?

Pas particulièrement cette année. Il est vrai que parfois, les conditions climatiques sont plus favorables à un vignoble, ou inversement sont cruelles pour un cépage. Cette année, les vignerons ont vécu au rythme des aléas climatiques. Ainsi les décisions prises par les responsables techniques, les choix opérés en termes de date de vendanges, les sélections opérées au niveau de la récolte – les rendements sont très bas dans certaines propriétés – sont les variables principales qui ont déterminé la réussite des vins.

Deuxième point à prendre en considération, les notes des dégustateurs. Certains vins se distinguent-ils en tant qu’étoile, ou icône du millésime ?

Il n’y a pas plus de gourou aujourd’hui. Le temps de Robert Parker est passé, et une telle polarisation sur un seul critique ne reviendra probablement pas. Cette année les consensus se sont formés autour de quelques noms, sans véritable unanimité. Les goûts et les styles appréciés par les uns ou les autres empêchent désormais cela. Tout de même, nous avons noté un intérêt particulier pour le Château Montrose à Saint-Estèphe, Château Lafite à Pauillac, Rauzan-Ségla à Margaux et les Carmes Haut-Brion à Pessac Léognan. Sur la rive droite, Cheval Blanc et Figeac à Saint-Emilion ont été salués, de même que Pavie-Macquin, et, à Pomerol, La Conseillante et Château Clinet.

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Enfin, troisième point à prendre en compte, venons-en aux sujets qui fâchent, les prix. Sont-ils attractifs pour les 2024 ?

Les baisses de cours ont été impressionnantes pour certains crus, elles sont allées jusqu’à 40% (par rapport au tarif des primeurs 2023) pour Château Pavie. Pour nombre de propriétés, cette baisse s’établit autour de 30% par rapport aux tarifs primeurs 2023 qui, eux-mêmes, s’inscrivaient en retrait de 20% par rapport aux 2022. Les Châteaux Mouton Rothschild (-22%), Lafite Rothschild (-29%) ou encore Angélus (-30%) ont montré l’exemple, de même que Figeac (-36%), Cheval Blanc (-28%), Chevalier (-30%), Gruaud Larose (-29%) ou encore Larcis Ducasse (-26%). Un vrai geste qui montre la volonté de se rapprocher du marché et des amateurs, et qui rappelle ce qui avait été fait durant la pandémie de COVID avec les Primeurs 2019.

La baisse est-elle jugée suffisante ?

Si l’on prend le cas du Château Lafite, il faut remonter à 1991 pour trouver sur le marché secondaire des enchères que suit iDealwine à la loupe des vins cotés en dessous du seuil des 400€ !

La campagne a démarré timidement, les amateurs ont compris qu’ils ont le temps d’attendre que l’ensemble des vins soient disponibles pour arrêter leur choix. Dès que l’ensemble des vins commercialisés en primeur seront accessibles à l’achat, ils pourront alors compléter leur commande. Il faut noter que le contexte est particulièrement adverse actuellement. Si les Européens demeurent une zone stratégique pour ce type d’achat, les US, traditionnellement acheteurs de primeurs, sont actuellement soumis à une incertitude concernant les conditions tarifaires auxquelles les vins entreront sur le territoire, le tout, dans un contexte de taux de change défavorable au dollar. Quant aux asiatiques, ils ne sont pas attirés par le principe des « futures », c’est culturel. Ajoutez à cela une tendance à l’immédiateté, comme nous le soulignions précédemment, les écueils sont suffisamment nombreux pour nécessiter un geste important de la part des propriétés.

Faut-il se concentrer sur les étoiles, ou des petits prix sont-ils aussi intéressants dans une perspective patrimoniale ?

Dans une perspective patrimoniale, les étoiles, bien notées et dotées de belles capacités de garde, possèdent d’indéniables atouts pour se valoriser dans le temps. J’ajoute un intérêt supplémentaire de l’achat en primeur : vous pouvez demander un conditionnement en magnum, voire en plus grand format. Rapidement, vos flacons seront plus rares, et donc susceptibles de se valoriser. Outre Château Lafite (405€), Montrose (118€), les Carmes Haut-Brion (84,50€, -20%), Rauzan Ségla à Margaux (67,20€) constituent des choix très sûrs et sur la rive droite, il en va de même de Cheval Blanc (390€), Figeac (134,40€) à Saint-Emilion, La Conseillante et Clinet à Pomerol.

Outre les étoiles du millésime 2024, vous avez également une catégorie de vins considérés comme des valeurs sûres, intéressantes à acquérir du fait de leur notoriété, mondiale. Dans cette famille de grands crus vous avez notamment Haut-Bailly, Léoville Barton, Clos Fourtet, Larcis Ducasse ou encore Phélan Ségur, Lagrange. Soulignons le rapport qualité-prix attractifs de crus tels que Gruaud Larose (50€), Brane Cantenac (50€) ou Talbot (45€) cette année.

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Château Branaire Ducru © iDealwine

Ces prix demeurent encore relativement chers…

Vous pouvez faire le choix d’acquérir de superbes vins à prix plus doux en primeurs, mais plus dans une perspective de consommation que de placement. Dans cette catégorie, les belles réussites du millésime 2024 se situent du côté des châteaux Taillefer à Pomerol (26€), Laroque (23,80€), Ferrand (29,20€), et dans le Médoc, Siran (27€), Poujeaux (20,20€) ou Chasse-Spleen (25€) et à quelques euros de plus, Branaire Ducru (37€)…

Pour conclure, on y va alors ?

Cette région qui produit des vins renommés dans le monde entier est hautement concurrencée par toutes les autres depuis quelques années. Et pourtant les vins n’y ont jamais été aussi bons, et proches des attentes des amateurs. En se montrant sélectif, ces bordeaux 2024 méritent donc l’attention, indéniablement, car ils réunissent les critères qui les rendent éligibles au placement : la qualité, la capacité de garde, la notoriété, ces trois premiers critères garantissant de bonnes conditions de revente.

Le critère complémentaire est la rareté. Même si les rendements ont été faibles en 2024 en raison des aléas climatiques, certains de ces grands crus ne sont pas rares. La rareté se construit donc par le choix du format des flacons, qui vient augmenter leur désirabilité sur le marché secondaire. Si toutes ces conditions sont réunies, oui, il est urgent de s’intéresser aux primeurs 2024 !

Cinq conseils pour bien acheter :

  1. Ne pas commander les yeux fermés. Préparez vos achats, en lisant et comparant les notes et commentaires, afin d’établir une liste des vins privilégiés
  2. Mettre en bonne place sur votre liste les vins les plus rares (petits domaines, vins difficiles à trouver, que l’on ne retrouvera pas dans toutes les foires aux vins de 2026)
  3. Placer des alertes sur les vins recherchés pour être prévenu(e) dès leur mise sur le marché
  4. Ne pas hésiter à demander une mise spéciale, notamment pour les vins issus de propriétés de grande superficie (dans le Médoc notamment) : qu’il s’agisse de magnums, ou de double-magnums, ces vins seront plus rapidement rares et difficiles à retrouver sur le marché secondaire, ce qui contribue à les valoriser.
  5. L’essentiel est de garder en tête que Bordeaux reste une marque de forte notoriété et de réputation planétaire, même si l’amateur doit aujourd’hui faire preuve d’un discernement renforcé dans ses choix patrimoniaux.

Bons achats, vous allez vous régaler avec ces 2024, et en plus, vous allez pouvoir les apprécier dès leur jeunesse !

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