Vous n’avez pas pu manquer l’info : la première semaine d’avril se tenait comme chaque année la semaine des Primeurs à Bordeaux. Cette dernière est l’occasion pour les professionnels du monde du vin de venir déguster le nouveau millésime – encore en cours d’élaboration -. Voici nos plus gros coups de cœur.
Le millésime 2018 à Bordeaux
Commençons par la météorologie puisque le climat a posé des difficultés multiples. L’année a commencé par un hiver doux et pluvieux, entraînant un débourrement tardif, puis le printemps a également été marqué par une succession inédite de journées pluvieuses, et cette humidité constante a engendré une forte pression du mildiou en même temps qu’elle a permis aux sols de constituer de bonnes réserves en eaux – salutaires pour la suite. Le temps a été maussade pendant la floraison et enfin, l’été est arrivé, avec un temps sec et ensoleillé jusqu’aux vendanges, suscitant une contrainte hydrique efficace durant la maturation et jusqu’à la récolte. Ces conditions ont permis d’atteindre de bonnes maturités et également de d’ouvrir grande fenêtre pour la période de vendanges, offrant de nombreuses possibilités de choix pour les vignerons. Pour résumer, le climat a été difficile pendant toute la première partie de l’année, mais la saison s’est remarquablement achevée, dans des conditions quasi-idéales.
Du fait de ces contraintes climatiques, le millésime 2018 peut être qualifié de « millésime de vigneron », dans la mesure où c’est essentiellement leurs choix de dates de vendange et de vinification qui vont faire la différence. D’une manière générale les propriétés disposant de sols argilo calcaires plus que des sables bénéficient d’un avantage.
Ce millésime offre un profil classique, dans un style souvent riche et solaire, même si les meilleurs domaines ont réussi à conserver de la fraîcheur et un bon équilibre. On découvre de belles maturités de fruits – présents avec plus de pureté et d’éclat chez les domaines bio et biodynamiques -, un niveau d’alcool et surtout de tanins élevé, des matières amples, denses, pulpeuses.
Dans l’ensemble, ce fût un millésime très agréable à déguster dès cette campagne primeur, ce qui présage d’un beau millésime, à l’image du 2015. Comme c’est le cas depuis quelques années, 2018 vient confirmer l’évolution très claire des styles bordelais vers plus de buvabilité, de gourmandise, des vins en général plus charmeurs dès la jeunesse et plus digestes.
Nos dégustations rive droite
Saint-Emilion
Nous avons participé à la dégustation des grands crus classés de Saint-Emilion, au Clos des Jacobins. Dans l’ensemble, le niveau était joli, bien qu’hétérogène. Avec un hiver doux et pluvieux, puis un temps sec et ensoleillé en août, la météo s’est montrée favorable, malgré une grosse pression du mildiou. Dans l’ensemble, les vins présentaient de belles densités, des tanins nombreux et puissants mais assez fins. Les vins sont équilibrés, dans un style relativement puissant et chaleureux, solaire, même si le niveau est varié ; avec certains vins aux tanins parfois trop durs et/ou manquant de fraîcheur. A l’inverse, certaine propriété comme Figeac ou Cheval Blanc signent en 2018 un millésime grandiose.
Focus sur Château Figeac : une star du millésime
Château Figeac a lui aussi connu les caractéristiques du 2018, mais si les pluies ont été nombreuses durant le premier semestre, la propriété a été épargnée par les épisodes orageux qui ont violemment atteint certains vignobles de l’appellation. Précoce, la floraison a été suivie d’un été flamboyant, heureusement compensé par la fraîcheur des nuits. Après des vendanges avancées d’une dizaine de jours par rapport à la normale, le 2018 a été vinifié dans des chais spécialement aménagés durant la période des travaux – pharaoniques – actuellement en cours à Figeac.
Elevé à 100% en barriques neuves le 2018 de Château Figeac livre une trame précise, d’une finesse absolue. En bouche le vin se déploie tout en finesse et en élégance, avec un bouquet d’arômes concentrés mais aérien, marqué par de délicates touches de graphite et un fruit cueilli à sa juste maturité. La texture est charnue, veloutée. L’équilibre est parfait entre acidité, vivacité et puissance ; entre la finesse des tanins et la structure, impressionnante en bouche. On note d’ailleurs que ce vin merveilleusement expressif monte progressivement en puissance jusqu’à la finale, précise, pleine de fraîcheur. Splendide.
Nos coups de cœur parmi les vins dégustés :
- Château Chauvin
Nez aux arômes de fruits noirs, bouche puissante, dense, crémeuse et profonde.
- Château Pressac
Nez gourmand, fruits mûrs. Bouche dense, puissante, concentrée
- Château Grand Corbin Despagne
Arômes de fruits des bois et de sous-bois. Bouche droite et équilibrée, jolie matière, de la fraîcheur
- Rol Valentin
Une très belle surprise à St Emilion. Un vin tout en suavité, sur la pureté et la maturité du fruit (myrtille, cassis), des tanins très fins, un équilibre remarquable
- Les Grandes Murailles
Propriété jumelle de Clos Fourtet – une très grande finesse, texture moelleuse et élégante
- Château Fonplégade
Un vin produit en biodynamie (certifié depuis deux ans), élevé à 50% en fûts neufs, une proportion que la propriétaire réduit d’année en année. Texture caressante et arômes délicatement gourmands d’un fruit cueilli à sa juste maturité. Beaucoup de finesse.
- Château Larcis Ducasse
Nez délicat. En bouche, les notes minérales, légèrement métalliques en attaque laissent la place à une matière puissante, marquée par un fruit bien mûr. L’ensemble est doté d’une belle structure tannique, équilibrée.
Autres coups de cœur : Pavie-Macquin, La Gaffelière, Clos Fourtet , Lucia, Sanctus, La Tour Figeac.
Focus sur le château Cheval Blanc : un niveau exceptionnel
Au château Cheval Blanc, le millésime 2018 s’est caractérisé comme partout par une énorme pression du mildiou, très virulent sur les 39 hectares et 52 parcelles de la propriété. Les vendanges se sont étalées entre le 10 septembre et le 11 octobre.
- Cheval Blanc (merlot 54%, cabernet franc 40%, cabernet sauvignon 6%)
Un vin très séduisant, racé, voluptueux et onctueux. Inoubliable. Nez précis et complexe, sur la fraîcheur du fruit (framboise, mûre, cerise), jolie maturité, notes de violette. Matière ultra veloutée (tanins nombreux mais d’une extrême finesse), onctueuse, aérienne et dense à la fois, profonde, précise, séveuse, équilibre plus que parfait, superbe longueur en bouche. Un vin déjà délicieux à boire maintenant et qui semble avoir tout ce qu’il faut pour faire une très belle garde.
- Petit Cheval (70% merlot, 30% cabernet franc)
Nez fruité (cerise), notes de cacao. Bouche ample, élégante et profonde, suave, onctueuse, beaux tanins et de la gourmandise. Là aussi, un grand vin.
- Quinault L’Enclos (merlot 71,5%, cabernet franc 14,5%, cabernet sauvignon (14%)
Nez gourmand, dominé par les fruits rouges et noirs, notes florales. Bouche ample, droite et puissante, riche, mais avec toujours beaucoup de douceur. Belle longueur, sapide.
Pomerol
Il est difficile de livrer des impressions générales sur l’appellation car nous n’avons pas eu le temps de procéder (pour l’instant) à une dégustation approfondie des vins. Quelques coups de cœur tout de même :
Focus sur le Château La Conseillante
A un hiver pluvieux a succédé un printemps étonnamment chaud… et bien sûr humide, ce que le terroir de merlot n’apprécie pas particulièrement. A La Conseillante, comme ailleurs, le millésime 2018 a nécessité une attention redoublée de la part des équipes. Déjà, l’été chaud et luxuriant annonçait un millésime flamboyant. A quelques jours des vendanges le vent d’est assèche les baies, permettant aux raisins de gagner en concentration. Et c’est cette concentration, impressionnante, que l’on retrouve dans ce vibrant 2018 de La Conseillante, un 2018 pour lequel il a fallu mener les extractions avec délicatesse tant le vin étant dense, puissant. A la dégustation, on retrouve cette fougue, cette puissance maîtrisée, le vin impressionne à ce stade. On a envie de le laisser en paix, pour l’instant, de l’attendre… Car il va falloir lui laisser du temps pour s’assagir !
Beaucoup de souplesse, de douceur dans l’attaque. Les tannins sont fins, déjà fondus, la texture souple et le fruité bien vif, l’ensemble est doté d’une belle acidité.
Sur ce terroir sableux les conditions météorologiques n’ont pas été tendres. Le 2018 a été vinifié en conservant quelques rafles pour apporter de la fraîcheur à l’ensemble. Le vin offre une jolie acidité, de la gourmandise et une fin de bouche tout en finesse, pleine de fraîcheur.
- Château Bel-Air
Un vin doté d’une structure puissante soutenue par des tannins bien présents. En bouche l’attaque est vive, l’ensemble gourmand, tout en conservant une agréable fraîcheur.
Autres coups de cœur : Clos Vieux Taillefer, Château Saint-Pierre de Corbian
Appellations satellites de Saint-Emilion
- Château Canon-Pécresse (Canon-Fronsac)
En dépit d’une météo capricieuse, le sous-sol à dominante calcaire de Canon Pécresse a bien résisté aux pluies incessantes du printemps. Par ailleurs, ce terroir bien ventilé a permis de limiter l’impact du mildiou.
Le vin déploie une belle matière, beaucoup de finesse et de fraîcheur. Les tannins élégants, qui structurent le vin sans l’écraser. L’ensemble se caractérise par un bel équilibre, il s’en émane une sorte de force tranquille. Une belle réussite dans le millésime.
- Château Clarisse (Puisseguin Saint-Emilion)
Un vin d’une belle intensité, texture très dense, trame serrée. Élégant.
- Domaine de l’A (Castillon-Côtes-de-Bordeaux)
(75% M |25% CF)
Nez gourmand, deployant des arômes très fins de fruits bien mûrs. En bouche la texture est dense, élégante, on note une belle maturité, des tannins bien présents qui structurent l’ensemble et offrent une finale longue, délicatement épicée.