histoire des vins et des rois de France
Le Déjeuner d’huîtres – Jean-François de Troy – 1735

À quelques jours de l’Epiphanie, vous êtes sans doute affairés à organiser une dégustation de galette. D’aucuns sont même en quête de la meilleure adresse du moment ou de la recette la plus originale. Sur notre journal, nous vous proposons d’ailleurs les accords du plus traditionnel au plus audacieux pour la déguster. Cette année, l’arrivée des Rois Mages nous a inspiré un article mêlant histoire de rois et de vins…

Symbole de magnificence et véritable outil politique, comment ne pas évoquer les Rois sans parler de leur attachement à ce breuvage, surtout en Royaume de France ? Petit retour sur certains rois de France et leur lien au vin.

Philippe Auguste (1165 – 1223)

Notre modeste voyage dans le temps débute au Moyen Âge un an après la mort de Philippe Auguste. Vous savez, ce premier roi ayant porté le titre de Roi de France, grand conquérant et croisé au côté de Richard Coeur de Lion.

Poète à sa cour, Henri d’Andeli rédige en 1124 un poème baptisé La Bataille des vins. Ce texte met en scène différents vins se confrontant devant feu le roi Philippe II afin de déterminer le meilleur d’entre eux. Dans le poème, des vins de toute la France sont représentés. Le vin de Champagne par exemple, est surnommé Messire Pétards[1] en référence à son effervescence spontanée. Un prêtre anglais les goûte et les juge en chassant les mauvais tandis que les nectars les plus fins sont anoblis. Ce sont les vins blancs qui obtiennent les plus hauts rangs, car au Moyen Âge ce sont eux qui sont le plus recherchés. C’est cette couleur qui est de surcroît utilisée au moment de l’Eucharistie. En conclusion, les vins triomphant de cette joute sont notamment ceux de Tonnerre, de Chablis ou de Bordeaux. Le vin de Chypre est quant à lui nommé Pape. Les vins d’Etampes, de Rennes ou du Mans sont eux considérés comme médiocres et excommuniés.

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Philippe VI de Valois (1293 -1350)

Si les Noces de Cana ou les libations grecques sont des exemples mille fois évoqués pour justifier du lien entre vin et réjouissances, ils en existent de bien plus récents.

Remontons dans le temps en 1328, pour découvrir un Paris en liesse, la foule remplissant toutes les rues du centre-ville ensoleillé. Toute la capitale célèbre le sacre de Philippe VI de Valois. Pour fêter son avènement au trône, celui-ci exige que toutes les fontaines de la capitale servent du vin au lieu d’eau. Ce n’est donc pas moins de 60 000 litres de vin de Beaune et de Saint Pourçain que remplacent l’eau des fontaines pour le plaisir de 30 000 parisiens !

On peut d’ailleurs retrouver dans les Archives Municipales de Reims le détail des comptes de l’échansonnerie retranscrivant la facture de cette exigence bacchanale.

En revanche sur la table du banquet de la Cour, c’est bien du vin de Champagne que l’on retrouve, que l’on appelle d’ailleurs encore “vin de rivière” ou “vin de Reims” à cette époque.

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François Ier (1494 -1547)

Connaissez-vous le romorantin, ce très discret cépage ligérien qu’on ne retrouve que sous l’appellation Cour Cheverny ? Il provient en réalité de Bourgogne. C’est François Ier qui a exigé sous son règne que pas moins de 60 000 pieds de vignes de Beaune soient arrachés et plantés à Romorantin en Sologne près du Château de sa mère Louise de Savoie.

Après un fâcheux épisode de peste et la construction de Chambord, c’est finalement près du château que les pieds sont plantés en 1517. Malgré tout, les raisins prennent le nom de la ville pour laquelle ils ont fait un si long voyage. Encore aujourd’hui il est possible de consulter aux Archives nationales à Paris la facture particulièrement onéreuse de ce caprice royal !

Replantée en 2015, cette parcelle pré-phylloxérique existe encore de nos jours. D’après les analayses génétiques, le romorantin serait un ancêtre du pinot noir et du gouais blanc, ce qui en fait le frère de l’aligoté et du chardonnay.

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Louis XV (1710-1774)

À la cour de Louis XIV les vins champenois ont supplanté le succès des vins de Bourgogne qui trônaient sur les tables royales depuis Henri IV. Les vins de Champagne sont alors autant rouges, blancs, tranquilles que…effervescents. L’histoire retiendra notamment l’appréciation du Roi Soleil pour le Rosé d’Aÿ et le confidentiel rosé des Riceys qu’il appelait “vin de Dieu”. Malgré tout, sous les conseils du docteur Fagon, alors que Louis XIV est âgé de 56 ans, les vins de Bourgogne regagnent les faveurs de la Cour car jugés meilleurs pour la santé et plus digestes.

Les vins de Bordeaux quant à eux sont plutôt prisés outre manche depuis le mariage d’Aliénor d’Aquitaine et d’Henri II Plantagenêt. Les exemptions fiscales dont ils font l’objet en Angleterre expliquent qu’ils n’aient pas pendant longtemps les grâces des rois de France.

Toutefois, à partir du XVIIIe siècle, c’est grâce à un argumentaire médical qu’ils font leur entrée à la Cour de Louis XV et qu’ils obtiennent peu à peu l’immense rayonnement qu’on leur connaît aujourd’hui. Le duc de Richelieu, petit-neveu du cardinal, est propriétaire de quelques vignes à Fronsac. En effet, contrairement aux vignes bourguignonnes et champenoises, c’est l’aristocratie laïque qui est majoritairement propriétaire du patrimoine viticole dans le Bordelais. Le duc va renverser la tendance bourguignonne et champenoise des vins royaux en encourageant Louis XV à consommer des Bordeaux. Il le convainc de ses vertus médicinales. Ainsi, le Château Lafite et Château Latour font leur entrée à Versailles.

À la veille de la Révolution, Jefferson en fait même un classement où Lafite, Haut-brion, Margaux et la tour de Ségur obtiennent la mention prestigieuse “crus de première qualité” (ainsi que cinq blancs dont Yquem). Ce classement préfigure d’ailleurs le classement de 1855, mais ceci est une autre histoire…

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Alors, cette brève histoire des rois de France et de leur rapport au vin vous a-t-elle plu ?

Sources:

Gandilhon René. Henri IV et le vin. In: Bibliothèque de l’école des chartes. 1987, tome 145, livraison 2. pp. 383-406.

Benoît Musset. Le prix et la qualité: Les Vins de Champagne et de Bourgogne au XVIIIe siècle. In  Revue d’histoire moderne & contemporaine.  2013/3 n° 60-3. pp 110-136.

Eric Birlouez. Histoire du Vin en France de l’Antiquité à nos jours. Éditions Ouest-France. 2015.

Henry Albert. La Bataille des Vins. In: Bulletin de la Classe des lettres et des sciences morales et politiques, tome 2, n°1, 1991. pp. 203-248.


[1] Dans ces terres froides, la fermentation du vin s’interrompt l’hiver à cause des températures basses alors qu’elle n’est pas totalement achevée et reprend lorsque le printemps revient. Le gaz carbonique produit par les levures lors de la reprise fait pétiller les fûts. On le surnomme à cette époque  “vin fou” ou “vin diable”.

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