Chaque mois, Angélique de Lencquesaing participe à l’émission 100% Patrimoine, sur BFM Business. A nouvelle année, nouvelle cave. Découvrons ses conseils pour bien la démarrer.
Stéphane Pedrazzi : Le début de l’année marque aussi l’heure des bilans. Parlons maintenant de vin, les grands crus représentant désormais un actif patrimonial à part entière. Angélique de Lencquesaing, au travers de ce que vous observez sur la plateforme d’iDealwine, vous avez constaté un appétit croissant pour les grands crus tout au long de l’année 2021.
Angélique de Lencquesaing : L’heure des bilans, l’heure des résolutions aussi ! Pour se constituer une belle cave patrimoniale, il est précieux de se retourner sur les résultats de l’année qui vient de s’achever afin d’analyser les tendances, voire où se situent les records et identifier ce sur quoi se focalise la demande. En matière de vin, il est vrai que l’année a été record à plusieurs titres.
S.P. : Records de ventes, records de prix, ou les deux ?
A. de L. : Les deux effectivement. Sur la plateforme d’iDealwine pas moins de 48 ventes aux enchères se sont succédé, dont 9 consacrées à des collections privées. A ces ventes de vin il faut ajouter les spiritueux, soit 6 ventes tout au long de l’année sur la plateforme de Fine Spirits Auction.
Des records de vente ont été enregistré un peu partout au cours du dernier trimestre 2021. Un peu partout en France, un peu partout dans le monde. Si l’on se concentre sur l’Hexagone, citons le résultat inédit de la vente des Hospices de Beaune. Au cours de cet évènement qui se déroule traditionnellement le 3ème dimanche de novembre, la pièce caritative, un fût de 288 litres de Corton Renardes, a atteint 800k€. Inédit. Dans les enchères organisées sur le site iDealwine, au cours de la même semaine, un jéroboam d’échézeaux 2006 du domaine Bizot, l’équivalent de 4 bouteilles s’est envolé à 41 752€.
Jusqu’aux derniers jours de l’année 2021, les records se sont ainsi succédé.
S.P. : La fièvre acheteuse s’est emparée du marché des grands crus ?
A. de L. : En ce qui concerne nos ventes aux enchères, nous avons enregistré une progression de 8,5% en volume – nombre de flacons échangés –. En valeur cette hausse s’établit à +19,5%. L’effet prix est donc significatif. D’autant que le phénomène s’est accentué au fil des mois.
Vous avez évoqué en préambule la dimension patrimoniale du vin. Ce qui a est apparu de manière frappante au cours de l’année, et avec une acuité plus forte encore en fin d’exercice, c’est que le vin est devenu un actif à part entière.
Certains crus, certaines signatures focalisent l’attention des acheteurs. Sur ces vins, la hausse a été foudroyante au cours du dernier trimestre.
S.P. : Vous voulez dire que ce phénomène ne touche pas indistinctement toutes les catégories de vin ?
A. de L. : La Bourgogne est au cœur de toutes les convoitises. Sur iDealwine, le palmarès des vins les plus chers adjugés en 2021 est sans appel. Cette année, cette région occupe 41 places de notre TOP50 des lots les plus chers (contre 36 l’an dernier)
Mieux encore, 49 places du TOP50 des flacons adjugés (contre 39 l’an dernier) sont occupées par des flacons de Bourgogne.
S.P. : La bouteille la plus chère de l’année 2021 est donc un grand cru de Bourgogne ?
A. de L. : Oui, il s’agit d’un musigny du domaine Leroy, dans le millésime 2006, adjugé 28 244€ TTC. Quand je vous parle d’accélération du phénomène aussi, à titre d’exemple, en 2020, un musigny 2001 du même domaine, vin le plus cher également de l’année, avait atteint 17 499€. Soit une hausse de prix de 61% en un an.
S.P. : Bordeaux s’efface dans vos classements ?
A. de L. : Pas complètement tout de même ! Les vins de cette région occupent 10 places du TOP50 des lots les plus chers. Car les grands crus de cette région, proposés en caisse bois d’origine, d’un seul cru (Cheval Blanc, Petrus, ou Mouton Rothschild) ou en caisses panachées, à l’instar de cette caisse dite Carré d’As, comportant 16 bouteilles de Petrus, Margaux, Latour et Haut-Brion 2000 – 4 bouteilles de chaque vin – adjugée 27 016€.
En revanche, c’est vrai, il ne reste pas de Bordeaux dans le TOP 50 des flacons adjugés au plus haut.
S.P. : Si l’on place du point de vue patrimonial, Bordeaux redevient donc attractif ?
A. de L. : Par comparaison avec l’envolée du prix des grands crus de Bourgogne, oui, il est intéressant de considérer les grands crus bordelais dans une perspective patrimoniale, car ils bénéficient d’un double avantage.
- D’une part, ce sont des vins de longue garde, construits pour durer. Ce qui permet d’envisager sereinement un achat patrimonial. Les vins restent longtemps à leur apogée, ce qui, en termes de valorisation, se révèle précieux.
- D’autre part les marques bénéficient d’une renommée mondiale. L’assise d’acheteurs est – encore -large, la liquidité sur le marché secondaire est donc assurée.
S.P. : Vous dites « encore », ce qui signifie que cela pourrait ne pas durer ?
A. de L. : La région de Bordeaux, très réputée auprès des amateurs bien établis, d’un certain âge, doit continuer à se renouveler pour séduire un public plus jeune. Sinon, effectivement, les nouveaux amateurs construiront leur cave sans nécessairement passer par la case Bordeaux, comme ce fut traditionnellement le cas pendant des décennies.
C’est en réalité la conséquence du fait que l’on trouve des grands vins dans toutes les régions désormais.
S.P. : Donc, à vous entendre, pour l’amateur en quête de constitution d’un « patrimoine » vin, vers quelles régions faut-il se tourner en priorité ?
A. de L. : Il n’y précisément aucune priorité en matière de choix. Et c’est ce qui a profondément changé depuis que nous suivons ce marché. Il y a 20 ans, le choix était simple, presque binaire. Bordeaux en numéro 1 dans votre cave, suivi de la Bourgogne, de quelques vins de la vallée du Rhône, sans oublier les bulles de Champagne.
Aujourd’hui, la palette est infiniment plus variée, il est surtout important de se concentrer sur les qualités d’un vigneron, d’une signature, d’un domaine. Dans chaque région se niche une tête de file, qui tire vers le haut l’ensemble de son appellation. Il est important de suivre les recommandations des guides et des dégustateurs professionnels pour aller rechercher, si possible avant que les vins soient introuvables, les flacons d’un domaine prometteur.
S.P. : Mais ces vins de domaines produisant dans des appellations plus discrètes, se revendent-ils en cas de nécessité patrimoniale ?
A. de L. : Ce qui est intéressant aussi, c’est que sur le marché secondaire, la pré-éminence des grandes régions reste certes significative – les ¾ des vins adjugés sont issus de Bordeaux, Bourgogne et vallée du Rhône. Mais vous trouvez ensuite toutes les autres régions, jusqu’au sommet des classements.
Ce n’est pas du tout un hasard si le seul flacon non bourguignon du TOP50 est un vin du Languedoc, le premier millésime du regretté Laurent Vaillé. Le 1992 de son domaine de la Grange des Pères s’est vendu 8 350€ en décembre 2021.
S.P. : Si vous avez quelques recommandations à nous faire pour débuter l’année, que diriez-vous ?
A. de L. : J’exprimerais 3 recommandations principales :
- Faire l’inventaire de ce que vous aimez. Car il est absolument nécessaire d’acheter les vins que vous rêvez de boire un jour. Même si vous constituez votre cave dans un objectif patrimonial. C’est ce qui vous incitera à aller chercher le meilleur pour votre cave.
- Selon les régions choisies, analysez les millésimes, et choisissez des millésimes de garde. Vous savez quand vous achetez, vous ne connaissez pas la date à laquelle vous revendrez vos vins. Optez pour le moyen terme, 8 à 10 ans de garde.
- Renseignez-vous, lisez les guides, les revues, les blogs – celui d’iDealwine par exemple, et aussi notre Baromètre annuel qui sera prochainement publié : il dresse l’inventaire des valeurs sures, et des domaines à suivre. L’investissement dans le vin est tout sauf un placement de néophyte.
En suivant ces trois préceptes, si le rendement n’est pas au rendez-vous, vous aurez la consolation d’ouvrir la bouteille et d’y trouver, très certainement, d’autres raisons de vous féliciter de vos achats !
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