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Angélique de Lencquesaing analyse la campagne Primeurs 2023 sur BFM Business

Tous les vins du millésime 2023 sont désormais disponibles à la vente. Comment les choisir ? Notre analyse, par Angélique de Lencquesaing.

Chaque mois, Angélique de Lencquesaing répond aux questions de Lorraine Goumot dans l’émission « Tout pour investir », sur BFM Business. Ces derniers jours, elle était interviewée sur le sujet des Primeurs 2023, dont la campagne se poursuit, l’ensemble des vins étant aujourd’hui disponibles à la vente. Retour sur un mode d’achat bien particulier : quels vins choisir dans un contexte marqué par une forte baisse des prix ? Analyse.

Lorraine Goumot : Faisons un point sur la campagne Primeurs à Bordeaux, où en sommes-nous actuellement ? Nous allons étudier ce sujet assez particulier, propre aux grands crus bordelais, que cette vente en primeur. De quoi parle-t-on exactement ?

La vente en primeur est propre aux grands crus bordelais, effectivement. Elle consiste à commercialiser des vins qui sont encore en cours d’élevage, qui seront livrés au client une fois mis en bouteille, d’ici un à deux ans. Actuellement, ce sont les vins de la vendange 2023, qui font l’objet de cette campagne primeur

Ce mode de vente assez unique s’accompagne d’un temps fort, qui consiste pour les professionnels à déguster, noter et hiérarchiser ces vins en primeurs. Ce temps fort se déroule début avril. La vente à proprement parler a débuté dès la fin avril, et les propriétés dévoilent, une à une, le prix de vente de leurs vins. Tous les vins sont désormais disponibles à la vente.

Une question béotienne : ça intéresse qui, d’acheter des vins un ou deux ans avant de les recevoir ? Pour devoir encore les conserver en cave plusieurs années avant de pouvoir les ouvrir ?

C’est sur ce point que tout le système des primeurs repose. Et il est nécessaire que tout le monde s’y retrouve. Les propriétés, qui financent ainsi leur stock de vin durant l’élevage et jusqu’à la mise en bouteille, d’une part. Et les amateurs, qui achètent les vins à un tarif plus attractif que celui qui sera proposé deux ans plus tard, une fois le vin disponible sur le marché.

Et c’est sans doute là que le bât blesse. Certaines années, les amateurs ont eu le sentiment de n’avoir pas bénéficié de ces prix attractifs. Les raisons sont diverses, en tout cas, en 2023, les propriétés ont bien entendu le message. La situation économique, l’état de la demande, le contexte géopolitique, tous ces facteurs se conjuguent pour exiger une modération tarifaire.

Alors justement, quelles sont les principales tendances, en termes de prix ? Le mois dernier, au début de la campagne, vous évoquiez une forte baisse par rapport aux tarifs des 2022…

La campagne de commercialisation a débuté avec des annonces fortes, sensées donner le ton. Nous avions évoqué Lafite Rothschild (-32%), Léoville Las Cases (-40%), Mouton Rothschild (-38%). D’autres ont suivi, parmi les plus renommés, à l’instar de Figeac, Haut-Brion, Cos d’Estournel ou encore La Conseillante. D’autres propriétés comme Cheval Blanc – l’un des grands vins du millésime – ont limité la baisse (-18%). D’autres sont restés stables par rapport aux prix de leurs 2022. En moyenne, celle-ci s’établit à -15% par rapport aux prix des vins de 2022.

Pour l’amateur, cette baisse de prix est-elle suffisamment attractive ?

Dans le contexte économique actuel, la sensibilité au prix est exacerbée. Surtout si on a affaire à un millésime de qualité classique. 2022 était hors normes, assez exceptionnel en termes de qualité, 2023 revient à une forme de classicisme.

Angélique de Lencquesaing analyse la campagne Primeurs 2023 sur BFM Business

Pour autant, le prix n’est pas la seule variable de choix. La seule comparaison avec les prix de 2022 n’est pas suffisante pour justifier, ou pas, de l’intérêt à acheter les vins. Le choix des vins de 2023 doit s’effectuer en fonction des critères suivants, et dans cet ordre :

  1. La qualité des vins, avant tout : il est important de se concentrer sur les réussites du millésime, à savoir, les vins les mieux notés, et ceux qui ont fait l’objet d’un consensus entre les différents dégustateurs
  2. La rareté des vins, une rareté qui peut se « travailler » en demandant un conditionnement en format généreux (magnum, double-magnum, impériale), c’est d’ailleurs là l’un des intérêts de la campagne primeur, cette possibilité de choisir des formats qui seront difficiles à retrouver plus tard sur le marché
  3. Le prix, qui peut être comparé à celui des 2022, mais aussi, à ceux de beaux millésimes plus anciens comme 2019.
LAngélique de Lencquesaing au micro de Lorraine Goumot sur BFM Business

Acheter pour consommer, ou acheter pour investir, on n’achète pas nécessairement les mêmes vins ?

Dans une année comme 2023, il est nécessaire de bien clarifier ses objectifs. De nombreuses propriétés ont produits des vins relativement accessibles, qui seront prêts à boire prochainement, à des prix attractifs en plus, ce qui ne gâche rien. En revanche, ce ne sont peut-être pas des vins qui se valoriseront de façon exponentielle, il faut l’avoir en tête.

D’autres vins, ce qui ont fait ce consensus auprès des dégustateurs, acquièrent un statut que l’on peut qualifier de patrimonial. Non seulement ils sont délicieux, mais ils ont de bonnes perspectives de valorisation.

Garder cette typologie de vin en tête est intéressante, et bien faire la distinction entre les vins précieux pour effectuer les bons choix.

Mais tout de même, j’y reviens, les vins prêts à boire, on en trouve beaucoup, énormément même, tout particulièrement à Bordeaux. Donc les alternatives sont nombreuses…

Oui, les alternatives existent, à Bordeaux et dans d’autres régions.

Sur iDealwine, Bordeaux est la première région échangée dans les ventes aux enchères, en volume (36%), où pratiquement les trois-quarts des vins adjugés sont issus de millésimes antérieurs à 2010.

D’où l’importance de bien affiner ses choix. Avant le début de la campagne primeurs, on a beaucoup entendu un appel à revenir aux tarifs pratiqués lors de la campagne de vente des 2019, qui est intervenue en pleine pandémie, en situation de crise. Une conjoncture peu favorable, qui nécessitait une réaction forte. Un peu à l’image de ce que nous constatons aujourd’hui

Cette année, de nombreuses propriétés ont pratiqué des tarifs assez proches de ceux des 2019. Et si l’on regarde à quel prix ils s’échangent sur le marché secondaire des enchères qu’iDealwine suit de près, certains 2019 ont déjà enregistré des plus-values supérieures à 20%, par rapport au prix de vente en primeur. C’est notamment le cas des Châteaux Lafite Rothschild (+34%), Talbot, Clos Fourtet, Malescot Saint-Exupéry, ou encore Gloria. Léoville Barton ou La Lagune enregistrent de jolies performances également.

Après, si vous recherchez des vins qui seront délicieux à consommer dans quelques années, mais sans trop attendre, les châteaux Meyney, Siran, Langoa Barton, ou encore Ferrand sont d’excellents candidats. Pour les châteaux Laroque ou Grand Corbin Despagne, un peu de patience fera des merveilles,

Tous les vins du millésime 2023 sont désormais disponibles à la vente. Comment les choisir ? Notre analyse, par Angélique de Lencquesaing.
Angélique de Lencquesaing au micro de Lorraine Goumot sur BFM Business

Quand les taux d’intérêt remontent, une performance de +20% en 4 ans, c’est mieux que le livret A, mais ce n’est pas exceptionnel…

Si l’on considère les performances de la bourse en ce moment, dans un climat hautement incertain, les grands crus de Bordeaux constituent une valeur refuge, c’est indéniable.
De toute façon, en raison des frais à prendre en compte (stockage, revente), le placement en vin n’est pas à envisager sur un horizon aussi court.

 D’ailleurs, nombre de vins produits en 2019 ne sont pas encore apparus sur le marché secondaire, il n’est pas possible de mesurer leur performance. Celle-ci s’évalue sur une durée plus longue, 8 à 10 ans. C’est un horizon qu’il faut avoir en tête lorsque l’on achète en primeur, et plus généralement, dans le cadre d’un placement vin.

Pour finir, dans un millésime, il y a toujours des icônes, des vins qui sortent du lot, qu’il faut acheter quoiqu’il arrive ? Ou pas cette année ?

Oui, c’est le cas des vins qui ont suscité non seulement un beau consensus de notes de la part des dégustateurs chevronnés, mais qui ont, chez certains, suscité une note maximale ou qui s’en approchent. Le fameux 100/100 octroyé par Robert Parker en son temps est toujours une consécration, lorsqu’elle est octroyée par ses successeurs – à savoir l’équipe qui a repris le Wine Advocate -, ou encore James Suckling, les équipes françaises de la RVF, Bettane Desseauve, du Figaro ou du Point…

Chez iDealwine, nous avons identifié une trentaine de vins incontournables, dont une bonne proportion est issue de Saint-Emilion (outre Cheval Blanc, Figeac, Canon, Troplong Mondot, Pavie Macquin, …) et de Pomerol (La Conseillante, l’Evangile). A Pessac Léognan, cinq propriétés se distinguent, de Haut-Brion aux Carmes Haut-Brion, en passant par Smith Haut Lafitte, Haut-Bailly, et Domaine de Chevalier. Dans le Médoc, les appellations Pauillac et Margaux sont à égalité avec quatre représentants chacune (Giscours et Rauzan Ségla ont été deux coups de cœur de notre équipe). Tout au nord de la région, à Saint-Estèphe, Cos d’Estournel s’impose, incontournable. Et n’oublions pas les blancs secs (Olivier, Domaine de Chevalier) et les sauternes, particulièrement réussi en 2023, à l’instar de Château Suduiraut, ou Lafaurie Peyraguey, ou encore Guiraud…

Les propositions sont nombreuses, et les marques citées ici disposent d’une notoriété planétaire, un argument clé pour une éventuelle revente d’ici quelques années.

Voir les vins disponibles en Primeur sur iDealwine

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