
Il y a quelques jours, Angélique de Lencquesaing participait à l’émission « Tout pour investir » sur BFM, animée par Lorraine Goumot, aux côtés de François-Xavier Sœur (fondateur de Terrae Patrimoine). Un échange consacré au match qui oppose les vins de Bordeaux et ceux de Bourgogne, dans le cœur – et la cave – des amateurs.
Lorraine Goumot : « Quelles régions privilégier pour constituer un patrimoine vin de qualité, susceptible de se valoriser dans le temps ? Les ventes aux enchères de vin qu’iDealwine suit à la loupe depuis plus de 20 ans, apportent des informations précieuses sur l’état de la demande, et fournissent d’ailleurs quelques clés sur les choix à opérer. Pourtant elles ne représentent qu’une infime part des ventes globales de vin. Pourquoi sont-elles si pertinentes sur le plan patrimonial ? »
Angélique de Lencquesaing : « Trois raisons à cela :
- La typologie des vins proposés :
Les enchères sur iDealwine couvrent un éventail de vins et de régions vaste et exhaustif. Pas moins de 16 vignobles sont représentés dans les ventes, offrant un choix vaste à l’amateur. On notera que les vins rouges, réputés pour leur capacité de garde, et donc de bons candidats au placement-vin, représentent une part majoritaire des échanges (70% en 2024).
Enfin, les ventes aux enchères se situent sur un segment haut de gamme, et c’est un atout sur le plan patrimonial. Non pas par volonté d’exclure des vins plus courants, mais important à considérer car outre le prix d’achat, l’amateur va devoir prendre en compte des frais fixes pour la conservation de ses bouteilles. Un prix moyen plus élevé limite leur montant.
- Le profil des clients
Les ventes aux enchères connaissent certes un succès croissant, auquel iDealwine a contribué en les rendant accessibles au plus grand nombre, notamment par le biais du digital. Il n’en reste pas moins que la grande majorité des enchérisseurs sont des connaisseurs, à l’avant-garde des tendances. Leurs coups de cœur, leurs enchères qui s’envolent sur des vins inconnus du grand public sont autant de signes avant-coureurs du succès à venir d’un domaine. Ces phénomènes pourraient sembler irrationnels, et donc inaptes à dessiner une tendance. Mais sur iDealwine, pas moins de 60 pays sont représentés parmi les acheteurs. La couverture mondiale du site et le volume des vins vendus (plus de 260 000 cols en 2024) permettent de dessiner des tendances fiables sur le marché.
- Par leur organisation
Dans une vente aux enchères, la formation du prix résulte non pas de l’affichage d’un prix de vente (comme c’est le cas dans un système de distribution traditionnel) mais de la confrontation de l’offre et de la demande. C’est donc un prix objectif, qui en sort. Suivre son évolution dans le temps fournit de précieuses indications sur l’état du marché. »

Lorraine Goumot : « La répartition des vins dans les ventes aux enchères ne reflète donc pas les volumes produits dans les différentes régions viticoles françaises. Pourquoi ? »
Angélique de Lencquesaing : « A nouveau, trois raisons à cela :
- Un critère de qualité, tout d’abord
Compte tenu de la manutention nécessaire pour proposer à la vente une bouteille de vin (inventaire, transport jusqu’à notre Lab’ d’expertise, authentification, descriptif du flacon et du vin, insertion au catalogue, …), le seuil minimum s’établit à 15-20€. Il peut grimper très haut… jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’euros pour une bouteille.
- La capacité de garde des vins
Celle-ci va dicter leur éligibilité au marché secondaire. C’est pour cela que les vins rouges sont majoritaires, et que les vins rosés sont très rares dans les ventes. Certaines régions sont réputées pour les grands vins de garde, Bordeaux, la vallée du Rhône par exemple. Enfin, en Champagne, ce sont les cuvées millésimées qui sont les plus présentes dans les catalogues d’enchères, car non seulement l’âge des vins est traçable, mais ce sont aussi les cuvées les plus qualitatives produites par les maisons.
- Un critère déterminant : la rareté
Plus un vin est rare, plus il est recherché. Plus les amateurs vont vouloir obtenir – à tout prix, parfois – un flacon un peu unique, celui d’un vigneron disparu, ou issu d’un domaine qui a été vendu. La rareté se construit aussi par le millésime. Les grandes années de production sont aussi très recherchées, et leur rareté ne cesse de croître au fur et à mesure que les années passent. »

Lorraine Goumot : « Ces dernières années, vous semblez le confirmer, la région de Bordeaux voit sa part diminuer au profit d’autres régions, et particulièrement de la Bourgogne. A quoi attribuez-vous ce phénomène ? »
Angélique de Lencquesaing : « Avant toute chose, précisons que le monde entier continue à boire des vins de Bordeaux. Il s’agit de la première région représentée, en termes de volumes adjugés, dans les ventes aux enchères. Toutefois, les vins de Bordeaux, par leurs qualités intrinsèques vont à contre-courant de certaines tendances actuelles :
- On recherche des vins digestes, à boire jeunes, rapidement ? Les vins de Bordeaux demandent de la patience et se révèlent pleinement après quelques années de garde
- On recherche des vins légers, des « vins de copains » à boire dans des occasions informelles, apéritifs autour de tapas ? Les vins de Bordeaux sont les compagnons parfaits pour accompagner un beau repas, une belle viande rouge, ces fameux repas familiaux ou amicaux du dimanche qui se font plus rares.
- Les vins de Bordeaux sont-ils handicapés par une image vieillissante ? C’est en tous cas la perception de certains néophytes, qui voient dans un bordeaux « le vin des parents »…
- Trop chers, les bordeaux ? Le prix ne devrait plus être un sujet, car aux enchères, leur prix moyen est deux fois moins cher que celui des vins de Bourgogne. Ces dernières années, certains sommeliers, qui sont d’importants prescripteurs, se sont enorgueillis d’avoir retiré Bordeaux de leur carte. Ça a fait du mal. »
Lorraine Goumot : « Il y a quelques mois, nous avons évoqué sur ce plateau la vente aux enchères des Hospices de Beaune, avec des niveaux de prix qui se sont stabilisés en dépit de volumes réduits par rapport aux autres années. La région a-t-elle atteint un plafond, en termes de prix ? »
Angélique de Lencquesaing : « Lors de la vente de Beaune, les résultats esquissent une tendance. En 2024, le prix d’un tonneau de vin rouge (une « pièce » bourguignonne de 228L) a enregistré une baisse de 5%. Les blancs, eux, ont progressé de 8%, portés par le succès et les prix records de plusieurs grands crus, extrêmement rares dans cette vente. S’agissant des enchères sur iDealwine, les travaux d’analyse et de décryptage des enchères 2024 sont en cours mais effectivement, on note que le prix moyen adjugé est demeuré stable pour les vins de Bourgogne. Et d’une manière générale dans les enchères, toutes régions confondues, il s’est inscrit en très léger retrait. La Bourgogne continue à attirer les appétits des grands amateurs, mais effectivement à des niveaux de prix qui s’assagissent pour les signatures iconiques, et qui se stabilisent pour l’ensemble du marché. »
Lorraine Goumot : « Si les prix plafonnent en Bourgogne, comme vous semblez l’indiquer, plus généralement aux enchères, la région bordelaise peut-elle constituer une opportunité, et ce faisant, retrouver une position forte dans l’esprit des amateurs ? Et dans leurs choix ? »
Angélique de Lencquesaing : « C’est une évidence pour les amateurs. Ceux qui recherchent de grands vins de garde savent pertinemment que les grands crus bordelais sont inégalés sur ce plan. D’ailleurs dans les ventes aux enchères, les millésimes matures de Bordeaux sont sur-représentés. D’une manière générale, un tiers des vins adjugés aux enchères (32%) sont âgés de plus de 20 ans. Pour les bordeaux, cette proportion passe à plus de la moitié (56%). C’est bien le signe qu’ils rencontrent un réel succès une fois qu’ils atteignent leur apogée. Le sujet aujourd’hui, c’est d’avoir la patience, et la place de les laisser vieillir, pour les apprécier dans leur maturité, ou choisir de les revendre quand ils sont prêts à boire. »
Lorraine Goumot : « Quels sont les atouts de Bordeaux, sur le plan patrimonial ? »
Angélique de Lencquesaing : « Les voici :
- L’art de l’assemblage qui confère aux vins une capacité de garde, une longévité proverbiale.
- Des marques de renommée mondiale.
- Les volumes produits, qui nourrissent un marché secondaire avec des niveaux de prix bien établis.
- Le prix, redevenu extraordinairement attractif au regard des envolées enregistrées dans d’autres régions.
Voilà sans doute ce qui forge le succès, dans les ventes aux enchères, des grands crus de Bordeaux dans les années matures. »
Retrouvez l’interview intégrale dans l’émission Tout pour investir sur BFM
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