C’est vers le Médoc que nous nous envolons, à la découverte d’un domaine dont le vignoble s’étend sur une vaste étendue de 85 hectares, partagée entre les châteaux Branaire-Ducru à l’est et Lagrange à l’ouest. Mise en lumière sur Gruaud Larose, propriété historique, dont l’héritage remonte au 18è siècle et dont les vins classés en appellation Saint-Julien sont connus pour avoir tracé leur route jusqu’aux tables royales.
Une histoire de successions
Une histoire aussi riche est toujours parsemée de rebondissements et d’inattendus. Gruaud-Larose ne fait pas exception à la règle. Créé en 1725, ce ne sont pas moins de quatre familles qui se succèdent à la tête du château : les Gruaud-Larose, les Balguerie et Sarget, les Cordier ainsi que les Merlaut. Des successions qui marquent non seulement l’histoire du domaine mais justifient également la richesse de son artisanat. Retour dans le temps.
En effet, le domaine jouit, peu après sa fondation par l’abbé Joseph Stanislas Gruaud, d’une belle réputation. À la mort du fondateur, c’est son unique héritier, Jean-Sébasiten de Larose, qui prend les rênes de la propriété. Malheureusement, lorsque ce dernier s’éteint, deux décennies plus tard, les choses se compliquent. Face à des héritiers en incapacité de s’accorder sur l’héritage, la propriété est mise aux enchères. Entrent alors en scène les familles Balguerie et Sarget, faisant ainsi l’acquisition du nouveau nommé « Château de Gruaud-Larose ». C’est le début des péripéties pour le domaine, qui se voit rapidement partagé après de fastidieuses négociations entre les différents nouveaux propriétaires. Deux châteaux bien distincts font alors leur apparition : Gruaud-Larose Sarget d’un côté, et Gruaud-Larose Bethmann de l’autre.
Puis, vient le temps des cataclysmes qui ont ébranlé les vignobles français et européens : les vignes du château se confrontent aux crises de l’oïdium et du phylloxéra. Malgré ces épreuves, qui mettent à mal les rendements et la production, l’excellence de la propriété reste reconnue par le monde du vin, et cette dernière s’établit sans conteste au rang de Second Cru Classé dans la classification officielle des vins de Bordeaux de 1855.
Le début des années 1900 sonne une période de stabilisation pour le château, qui se remet enfin totalement des crises passées, mais qui voit aussi l’arrivée de nouveaux investissements sous l’impulsion de Désiré Cordié, négociant en vin de l’est de la France. Ce dernier se porte acquéreur du château Gruaud-Larose Sarget en 1917, puis 18 ans plus tard du château Gruaud-Larose Bethmann et réunit enfin le domaine, lui rendant sa grâce initiale, celle arborée lors de sa fondation.
Gruaud-Larose à l’ère de la modernité
Sous la houlette de Désiré Cordié et de sa descendance, notamment incarnée par son petit-fils Jean-Cordier, le domaine fait peau neuve. Une grande partie du vignoble est renouvelée, une majorité de cabernet-sauvignon est plantée, les équipements se modernisent : c’est un domaine complètement rajeuni et rénové qui s’élève à la fin du millénaire. Le château gagne davantage en notoriété, et attire des capitaux extérieurs, fournissant les ressources nécessaires pour restaurer le château, et repenser complètement son organisation pour l’adapter aux nouvelles dynamiques du marché du vin, alors en plein bouleversement.
En 1997, le dernier acteur en date se présente sur scène : la famille Merlaut. L’histoire se poursuit aujourd’hui aux côtés de Jean Merlaut, qui assure la continuité de la nouvelle politique mise en place avant le passage aux années 2000. Aujourd’hui, et plus que jamais, le domaine se fait témoin d’une excellence défendue pendant près de 200 ans, mais également d’une compréhension précise des thèmes principaux qui battent les cartes du marché actuel du vin.
Aussi, le domaine est en pleine transition vers l’Agriculture Biologique depuis son millésime 2019, et expérimente un nombre croissant de pratiques biodynamiques pour développer des façons alternatives de lutter contre certaines maladies, ou de nourrir le pied de vigne avec certains oligoéléments. Afin de favoriser le développement de la biodiversité et stimuler l’activité microbienne des sols, le domaine s’évertue également à consacrer une partie de ses hectares à l’épanouissement de nombreuses espèces végétales et animales (éco pâturage, ruches, nichoirs à chauve-souris…).
Les vinifications sont assurées par une nouvelle génération de femmes, chef de culture et maîtres de chai, qui démontrent un talent sans limites au travers de millésimes toujours plus mémorables au fil du temps. Les vins, sans renier la grandeur et la puissance passées de leur profil, se sont assagi pour laisser éclore finesse et équilibre, et permettre au terroir pétri de graves profondes d’exprimer son identité à travers plus de gourmandise dans la jeunesse. Il en résulte des vins rapidement savoureux et frais, qui gagnent en complexité grâce à un potentiel de garde dont le domaine s’est toujours fait expert.
Gruaud-Larose donne le ton : de son histoire mouvementée, le domaine tire une. Ce qui est certain, c’est que les nombreux propriétaires du château n’ont jamais perdu de vue ce qui le rend unique : des grands vins, où excellence n’est pas antonyme d’accessibilité.
Château Gruaud-Larose : ce qu’en disent les guides
Guide Vert de La Revue du vin de France – 2* sur 3
Très bien situé, le vignoble occupe un plateau de graves profondes, d’une homogénéité parfaite, dans la partie sud de la commune de Saint-Julien, où les vignes s’épanouissent remarquablement. Connu pour avoir produit dans les années 1980 et 1990 des vins puissants, montrant souvent une définition un rien animale, le cru propose des millésimes récents plus précis dans les arômes. La famille Merlaut optimise les installations techniques que le groupe Alcatel, éphémère propriétaire, avait permis d’installer. Elle a choisi également de donner aux vins de Gruaud Larose un profil plus friand et gourmand, afin de les rendre accessibles dans leur jeunesse. Les derniers millésimes montrent un progrès en ce sens, avec des vins qui ont aussi gagné en précision. La politique tarifaire défendue par Jean Merlaut fait de Gruaud une marque toujours accessible, ce dont nous nous félicitons.
Guide des vins Bettane + Dessseauve – 4* sur 5
Le vaste vignoble du château est situé sur l’un des plus somptueux et homogènes plateaux de graves profondes de tout le Médoc. Depuis 1997, il appartient à la famille Merlaut. Peu de crus médocains peuvent se vanter d’avoir un terroir aussi homogène, malgré sa surface, que Gruaud-Larose. On pourrait imaginer que 80 % des vignes produisent le grand vin mais on est ici encore plus sévère dans la sélection, ce qui se ressent surtout sur le grand vin, idéalement plein et harmonieux, et encore plus précis ces dernières années grâce à une nouvelle génération féminine de chefs de culture et maître de chai rigoureuse et inspirée. Bravo à Nicolas Sinoquet, Virginie Salette, Stéphanie Lebaron et aux équipes. Nous gardons un souvenir ému des millésimes 2020, 2021 et 2022, tous admirables de ce naturel d’expression que nous recherchons avec passion dans les plus grands vins de la Rive gauche.
