Il y a quelques jours nous avons eu la joie de découvrir le domaine de la Tour du Bon et d’aller à la rencontre d’Agnès Hocquart-Henry, qui en a repris les rênes au début des années 1990 à la suite de sa mère. Quelques cartes postales de cet endroit magnifique, lieu d’expérimentation et de quête pour une vinificatrice inspirée et passionnante.
Le domaine de la Tour du Bon est un lieu discret, retiré sur les hauteurs de Bandol, à l’extrême-ouest de l’appellation.
Il s’étend sur un plateau calcaire de 15 hectares, dont 12 sont plantés de vignes. Agnès Henry apprécie l’équilibre de ce vignoble situé en hauteur, « mais pas trop » – il culmine à 150 mètres au-dessus de la mer – rafraîchi par les vents marins.
Les vignes sont bien assises, donc, et la vue est dégagée. L’ensemble inspire indéniablement la sérénité, à en retrait des effervescences de la côte méditerranéenne, pourtant toute proche.
On atteint le point culminant du domaine par cet escalier circulaire qui mène à l’emplacement de la tour d’un ancien fort de protection du village. Un chemin initiatique créé par les anciens propriétaires… La tour n’existe plus, mais elle a donné son nom au domaine, dont la bastide a été construite à partir des pierres extraites du sol.
La visite débute par une insertion olfactive dans le jardin d’Agnès Henry. Roses, capucines, espèces aromatiques telles qu’un beau plant de verveine citronnelle… Agnès prend soin de nos sens malmenés par des mois de confinement enfermé !
Le mourvèdre est roi, ici, un cépage tardif et capricieux, aux dires d’Agnès Henry qui aime l’associer au grenache pour son caractère kirsché, au cinsault pour lier les vins et au carignan pour apporter une touche d’éclat à ses assemblages.
Cette parcelle, surnommée la Rémoise, est l’une de celles qui entrent dans la composition de la cuvée de bandol Saint-Ferréol. Elle est plantée de vieilles vignes de mourvèdre (plantées en 1962 par la mère d’Agnès, alors aux commandes du domaine). Exposée au nord sur un sol argileux, associant calcaire, limons et marnes, elle est plus tardive.
Agnès Henry a un jour fait une rencontre déterminante avec la vigneronne Elisabetta Foradori, grande figure de la viticulture italienne, qui propose des vins passionnants produits en Toscane et dans la région des Dolomites. C’est elle qui incitera Agnès à tenter l’expérience de ces cuves en terre cuite que vous voyez ici. Pour Agnès Henry, ce contenant, nommé tinajas, répond à une forme d’évidence. « Le bois est un réchauffeur, les cuves, elles jouent un rôle de refroidisseur ». Elle apprécie cet objet simple, issu d’une terre argileuse, façonnée au colombin, à la main, et simplement cuite au feu de bois, qui n’est pas sans rappeler les contenants de l’époque antique. Un retour aux sources, donc, auquel Agnès Henry ajoute une dimension énergétique : ces tinajas sont en position verticale, l’énergie en jaillit, tandis qu’un fût ou un foudre est, lui, placé en position horizontale, endormi…
C’est donc de cette « embarcation de tinajas, soigneusement alignés » que naît la cuvée « En sol ». Un voyage en amphore, beau voyage méditerranéen d’ailleurs car les tinajas, initialement commandées par Elisabetta Foradori, passent par les Dolomites avant de rejoindre Bandol ! Ajoutez-y le cépage mourvèdre, d’origine espagnole, et le berceau méditerranéen sera bien représenté…. Agnès l’affirme : avec cette cuvée, elle a voulu se laisser porter, emporter par l’expérience qui nait du voyage, une forme de lâcher-prise…
Pour la produire, les peaux de mourvèdre macèrent durant 6 mois environ avant d’être pressées doucement, puis passées en cuves inox durant quelques mois. Quelques clarifications sont ensuite réalisées avant la mise en bouteilles.
Bien sûr, le nom de la cuvée En Sol du domaine de la Tour du Bon résonne, lui aussi, comme une évidence… Enfin, à quelques détails près, insoupçonnés, tout de même. Car « En », c’est pour « Ensoleillade », l’une des parcelles du domaine qui entre aussi, d’habitude, dans la cuvée Saint-Ferréol. D’ailleurs, lorsqu’Agnès Henry a commencé ses expériences avec cette cuvée, elle n’a pas produit de Saint-Ferréol, ni en 2016, donc, ni en 2017. Mais « En », c’est aussi, selon Agnès Henry, un appel à la méditation, à entrer à l’intérieur de soi…
Et « Sol », bien sûr, c’est le sol, et le soleil. Un vin qu’Agnès n’a pas voulu étiqueter en vin de France, pour préserver son identité sudiste. C’est donc bien sous l’IGP Méditerranée que vous le trouverez. Le 2018 propose une magnifique robe grenat clair, et un nez délicat composé d’arômes de pin, de fruits rouges associés à des notes plus exotiques de nectarine et d’épices (curry, cumin) : une vraie belle surprise ! En bouche, « En sol » dévoile une maturité très juste, et si le vin comporte 14° d’alcool, la matière est délicatement florale, tout en finesse, et la finale vibrante. Un très beau vin plein d’émotion qu’Agnès Henry conseille d’associer à des mets légers, simples, et notamment à des plats végétariens.
Vous l’aurez compris, rien n’est hasard dans la démarche d’Agnès Henry.
Le bandol rosé de la Tour du Bon offre régulièrement un nez séducteur d’agrumes et de pamplemousse, un beau jus vineux, vif mais sans aucune agressivité, délicatement floral avec ses arômes qui évoquent le jardin du domaine (roses anciennes), réhaussés d’épices douces….
Un superbe rosé de gastronomie, tout à la fois fin et charnu, bien présent et taillé pour une jolie garde. C’est d’ailleurs ce qui a inspiré à Agnès l’envie de tenter une expérience inédite, en associant deux millésimes : 2019 et 2020. Un assemblage réussi qui offre un nez toujours aussi délicat, prélude à une matière enveloppante, délicieuse…
Agnès Henry estime après 30 ans de travail au domaine de la Tour du Bon, avoir trouvé une forme de cohérence dans sa recherche. Chacune de ses cuvées est dotée d’une personnalité singulière. La cuvée Saint-Ferréol, par exemple, est pour elle un vin « mystique ». Le carignan qui entre dans l’assemblage lui confère un caractère « lumineux ». De fait, le 2018 que nous goûtons déploie une belle énergie, de la mâche, une texture qui crisse et marque des angles, une vraie personnalité en somme avec ses beaux amers forgés par les notes d’olive, de poivre et d’épices. La finale, élégante, offre un atterrissage tout en douceur, précis, fin, et une belle persistance. Un beau voyage méditatif…
Vous l’aurez compris, les vins de la Tour du Bon sont passionnants et méritent d’être découverts. Qu’il s’agisse des rosés, bien sûr, mais aussi des blancs, tout en douceur citronnée, merveilleux pour un apéritif délicat autour des produits de la mer, ou pour accompagner un poisson grillé. Quant au classique bandol rouge du domaine – le 2019 est composé à 55% de mourvèdre, 30% de grenache et 20% de cinsault – il se distingue par une belle trame tannique, présente mais sans excès, polissée et gorgée d’arômes de fruits noirs, pleine d’énergie contenue. Un vin déjà abordable, mais qui mérite quelques années de garde, tout de même.
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Bandol La Tour du Bon Agnès Henry (rouge) : Ce bandol de caractère, alliant parfaitement fruité, structure et fraîcheur est produit par l’un des domaines de référence de l’appellation.
IGP Méditerranée La Tour du Bon En Sol : Un vin aux antipodes du Bandol, une véritable fraîcheur de fruit due aux jarres de terre cuite dans lesquelles il dort pendant de longs mois.
Bandol Tour du Bon (blanc) : Voici un très joli bandol blanc d’une grande fraîcheur qui se complexifie vers des notes gourmandes et une belle onctuosité avec le temps.
Bandol Tour du Bon (rosé) : Ce rosé exhale des parfums floraux et mentholés. La bouche est fine, légèrement vineuse, aux notes fruitées salines et épicées. Parfait sur des plats exotiques légèrement relevés.