
Comment résumer le millésime 2024 ? Il s’agit, encore une fois, d’une année qui a été éprouvante pour les vignerons (gel, humidité et pluie, développement du mildiou…), particulièrement aux moments clés du cycle de la vigne. Un millésime de vigneron, dont la variation de qualité est due aux décisions des domaines et châteaux, dans leurs observations, leur choix de dates de vendanges, leur tri des raisins… Le résultat ? Vous l’attendez tous, et le voici, détaillé dans cet article. Des blancs secs et liquoreux de très bonne facture, véritable réussite ; des rouges différents des grands bordeaux des plus grands millésimes (souvent très solaires et puissants) mais pourtant au cœur des attentes des consommateurs d’aujourd’hui, puisqu’ils sont à la fois frais, fruités et accessibles jeunes. En bref, cher lecteur, 2024 mérite que chaque amateur s’y penche avec attention, et se tourne vers les vins qui correspondent à ses goûts et attentes, aucun doute qu’il y trouvera son compte.
iDealwine présent à la campagne des Primeurs 2024
Comme tous les ans, iDealwine s’est rendu sur place, et a déployé un important dispositif pour se faire un avis sur le millésime. Six membres de l’équipe étaient ainsi présents lors de la semaine de campagne du 14 avril 2025, en dehors de dégustations préalables sur certains crus et châteaux. En tout, ils ont pu déguster plus de 110 vins à travers les différents vignobles, pour vous confier leurs ressentis et leurs coups de cœur.
L’équipe iDealwine agréablement surprise face à une presse peu élogieuse
Des surprises. C’est le mot qui est revenu aux lèvres de nos dégustateurs envoyés sur place. La presse était peu élogieuse sur la qualité des vins et de ce millésime 2024, surtout sur les rouges. Ainsi, notre équipe de 6 dégustateurs a été délicieusement surprise de trouver des vins gourmands, fruités, très agréables alors même qu’ils n’ont pas terminé leur élevage. L’Institut des Sciences de la Vigne et du Vin de l’Université de Bordeaux a eu la même réaction que nous : « Il apparaîtrait surprenant, dans un contexte où les amateurs semblent apprécier les vins rouges fruités, frais, et rapidement accessibles, de bouder a priori les Bordeaux 2024 sur le prétexte qu’ils ne correspondent pas aux canons des plus grands millésimes ». Un cabinet de courtage va même plus loin : « 2024, et si c’était une chance pour Bordeaux ? ». Nous avons analysé depuis quelques années, tout comme le marché global, une tendance de consommation vers des vins moins alcooleux, pour lesquels la structure et les tanins puissants laissent place à plus de fruit et de fraîcheur, des vins plus digestes et accessibles jeunes. La plupart des amateurs se tournent aussi davantage vers des vins blancs, issus de régions fraîches. Sans demander aux grands crus rouges de Bordeaux de se mettre au vert ou de se délocaliser dans un autre vignoble, le millésime 2024 répond donc EXACTEMENT aux tendances du marché et au désiderata « Drink Bordeaux Young », et est une véritable opportunité pour séduire ceux qui se sont éloignés de Bordeaux ou les plus jeunes qui doivent découvrir la région girondine. Que ceux qui cherchent un bordeaux plus « classique », à n’ouvrir qu’après plusieurs années de garde s’abstiennent, quoique… les résultats dans le verre sont hétérogènes, certains vins sont plutôt dans ce type de profil. A noter également que les vins présentent une belle acidité, gage d’une véritable capacité de garde. La comparaison avec 2002 et 2004 a été parfois faite, des vins qui se sont finalement bien gardés dans le temps.
Météo du millésime 2024 à Bordeaux : une année compliquée
Un hiver pluvieux et doux
Commençons par le commencement. L’hiver du millésime 2024 a été caractérisé par de fortes précipitations, tant en quantité qu’en régularité. En octobre, celles-ci empêchent même parfois les vignerons de travailler dans leurs vignes, tant ces dernières sont inondées. Excepté entre le 6 et le 14 janvier, toute la saison aura également été particulièrement douce côté températures.
Un printemps entre gel et développement du mildiou
Dans ces conditions, le débourrement, réveil végétatif de la vigne, n’advient finalement pas si tôt que cela, puisqu’il a lieu autour de début avril. Le début du mois se montre ensoleillé, ce qui en accélère le cycle, avant que brutalement la température ne chute, laissant place aux redoutées gelées printanières. Dans certains secteurs, les dégâts sont bien présents. Autre mauvaise nouvelle : dès la troisième semaine du mois d’avril, les premiers symptômes de mildiou sont observés, la maladie se propage encore au cours du mois de mai. La floraison a lieu tardivement, dans des conditions humides : le cumul des pluies d’octobre à mai est largement supérieur à la moyenne, 1 095mm contre 750 mm normalement.
Un été synonyme d’espoir
En début d’été, le temps s’améliore légèrement, même si les orages fréquents encouragent le développement du mildiou. Fin juillet, bonne nouvelle : un climat sec et chaud s’installe au moment de la véraison. Fin août, les bonnes nouvelles reviennent : la pression mildiou redescend, le beau temps est de retour. Toutefois, le mois de septembre s’ouvre, pluvieux et frais.
Un automne qui impose aux vignerons d’être attentifs et réactifs
Les premiers coups de sécateur sont donnés pour les blancs secs début septembre, alors que les raisins ont gardé leur aromatique et leur acidité (grâce à la faible contrainte hydrique), puis autour du 20 septembre pour les merlots, alors que la météo est encore assez variable. Même si certaines parcelles voient apparaître la pourriture grise, les vignerons ont souvent été observateurs et réactifs pour envoyer leurs équipes à la vigne, et ont drastiquement trié les raisins. C’est cela qui a conditionné la réussite du millésime dans certains domaines et châteaux. La deuxième partie des vendanges, avec les cabernets, a été le théâtre d’une météo plus clémente. Côté liquoreux, septembre et octobre ont alterné les périodes humides et sèches, propices au développement du fameux champignon botrytis cinerea. L’acidité, la pureté et l’aromatique étaient bien présentes au moment de leur récolte, en trois tries.
Plus que jamais, une année de vignerons…
« Un millésime de vignerons » : c’est une expression qui est souvent employée… Et pourtant, c’est la première fois que notre équipe la comprend aussi bien, à travers les échanges qu’elle a pu avoir avec les châteaux. En raison de la météo, l’année a été un challenge, une véritable aventure, un défi incroyable et un combat hors-norme de tous les instants pour parvenir à un tel résultat. Plus que jamais, le travail du vigneron a été incarné, et nombre des équipes que nous avons rencontré nous ont fait part que rien ne serait jamais comme avant, tant elles ont gagné en cohésion. « On est sortis plus forts de ce millésime » témoignait le Château Canon, « l’équipe ne sera jamais plus la même » chez Cheval Blanc. Chez Ferrand, l’équipe a compté 28 passages dans vignes et est très fière d’avoir pu maintenir leur label bio, là où nombre d’autres châteaux ont dû l’abandonner. Nous saluons ce travail et ces équipes, qui peuvent être heureuses du résultat dans le verre… Bluffant suite à une telle année.
Des réussites dues à une équation économique ou au génie des vignerons
On a donc compris que les résultats sont assez hétérogènes, non pas selon les appellations, mais plutôt selon les domaines. A quoi certains châteaux doivent-ils la réussite de leur vin ? Deux réponses : la première est sans doute plutôt économique. Certains châteaux ont bénéficié d’investissements colossaux au cours des dernières années, qui leur ont permis d’acquérir des technologies de pointe et des chais très performants, gage de la réussite de ce millésime. Ainsi, chez les très grands (qui appartiennent pour la plupart à des groupes de luxe), il n’y a pas d’hétérogénéité : tous ont réussis ce 2024, grâce à un dispositif étendu des équipes en vignes, à une réactivité sans faille, à des méthodes de tri très développées (tri en vigne, tri optique, bain densimétrique…) et autres outils (travail parcellaire, chambres froides). Chez Cheval Blanc, par exemple, les équipes ont décidé de prolonger le murissement des raisins pour obtenir de belles maturités quitte à avoir un certain nombre de baies pourries qu’ils ont donc sacrifiées. Ainsi, nous pouvons assurer que plusieurs millésimes auparavant, une telle année n’aurait pas été une si belle réussite. « Sans les moyens techniques d’aujourd’hui, nous n’aurions pas pu faire aussi bien », témoignait Laurent Cogombles (château Bouscaut) lors d’une dégustation de l’UGCB. A quoi certains châteaux doivent-ils la réussite de leur vin ? La deuxième réponse est celle du génie : sans avoir autant d’outils de travail et d’équipes à disposition, nombre de châteaux ont réussi leur millésime grâce à leurs talents et à leur débrouillardise. Et encore davantage, nous en saluons leurs efforts colossaux.
Quelques pistes qui expliquent par ailleurs les réussites
Quelques précisions à apporter pour mieux comprendre certaines réussites. D’une part, les sols drainants et plus poreux (argilo-calcaire notamment) ont été capables d’absorber l’eau de pluie plus facilement que les autres. D’autre part, les cabernets (notamment francs) ont été particulièrement réussis, davantage que les merlots par exemple. Et enfin, au delà d’un tri drastique, nous avons pu saisir que la réussite de certains vins est sans doute due à un élevage plus court ou moins « bois neuf » que pour d’autres millésimes (quoique, certains ont opéré le contraire et sont tout de même de grands vins).
La qualité des vins : une réussite en blanc, de bonnes surprises en rouge
Les blancs, secs et liquoreux, ont été de très belles réussites en 2024 : à la fois équilibrés et frais, à la belle acidité (en raison du millésime pluvieux), aromatiques et complexes. Vous ne pouvez passer à côté. A noter que les vignerons de Sauternes et Barsac sont habitués à trier les raisins, un tel millésime ne les a donc pas plus handicapé que ça.
Du côté des rouges, le résultat a finalement été une très belle surprise, et a nécessité un travail de titan : si certains millésimes pluvieux du passé n’ont pas donné de bons vins, ce n’est absolument pas le cas de 2024, au profil frais et fruité, au degré d’alcool plus faible, accessible jeune (et c’est ce qu’attendent aujourd’hui les amateurs). Les vins présentent une douceur, un côté souvent infusé mais léger. Nous saluons le travail de nombre de propriétés (date de vendanges, tri, assemblage) qui s’est avéré payant, et peuvent être fières de présenter des vins qui raviront assurément le palais de passionnés, dans chacune des appellations.
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Source : Le millésime 2024 à Bordeaux (Geny, Guittard, Lavigne, Marchal)
Incroyable… Même dans les pires météos des pires années vous arrivez à trouver des qualités tellement excitantes (frais, fruités, accessibles jeunes..) Les prix des GCC 2024 ont plutôt intérêt à baisser de manière très sensible sinon ce sera un autre millésime qui restera dans les chais.
Bonjour,
Nous pensons que 2024 est en effet un millésime plus accessible dans sa jeunesse que d’autres millésimes de Bordeaux qu’il faut savoir attendre. Il est également important de préciser que les connaissances et les avancées technologiques dans le monde viticole se sont grandement améliorées en quelques décennies. Il est donc difficile de parler de « mauvais millésime », même quand la météo est capricieuse. La dégustation des primeurs l’a d’ailleurs démontré cette semaine !
Merci de votre intérêt pour notre journal,
Cordialement,
La rédaction