Tous les acteurs de la filière viticole, du vigneron au consommateur, scrutent chaque année le ciel pour savoir si l’année va produire un grand vin ou une simple piquette. Et contrairement à une croyance bien ancrée, il ne suffit pas qu’il fasse très beau et très chaud pour que la vigne accouche d’un grand millésime. Petit voyage climatique au sein du vignoble.
Dans cette première partie, nous nous intéressons aux températures, à la lumière et à l’hygrométrie, mais nous verrons également la semaine prochaine que ces éléments climatiques redoublent d’importance lors de certaines phases clefs du développement de la vigne.
Le dramatique épisode de gel de fin avril 2016 l’a rappelé douloureusement : les conditions climatiques d’un millésime ont non seulement des conséquences sur la qualité du vin de l’année, mais aussi sur sa quantité et donc sur les revenus directs des vignerons. Cette année, un peu partout en Bourgogne, dans la vallée de la Loire, et en Champagne, pour ne parler que des régions les plus touchées, certains domaines ont parfois perdu la quasi-totalité de leur récolte avant même que l’année ait véritablement commencé…
Mais, heureusement, un phénomène de telle ampleur reste très rare. Après la période allant généralement de la mi-avril à la mi-mai, selon les régions et les cépages, quand la vigne commence à pousser et à se couvrir de feuilles, elle entre dans son véritable cycle végétatif, celui qui intéresse au plus haut point la future notation du millésime.
Ce dernier est donc influencé par les données climatiques plus ou moins favorables de l’année qui donneront plus ou moins de qualités aux raisins, idéalement un bon équilibre entre les sucres et l’acidité de la baie (maturité de la partie liquide, le jus) et une bonne maturité de la peau et des pépins (maturité des parties solides). La partie liquide (le jus de la baie) est liée à la maturité alcoolique. La partie solide est liée à ce que l’on nomme la maturité phénolique
Pour obtenir ses meilleurs résultats, la vigne a besoin de chaleur, de lumière et d’eau.
La chaleur et la lumière
C’est le soleil (et la lumière) qui joue un rôle essentiel et permet à la baie de gagner en sucre. C’est le phénomène de photosynthèse qui amène la synthèse du sucre chez la plante. C’est aussi le soleil qui permet à la peau et aux pépins d’acquérir leur maturité (dite maturité phénolique, en référence aux composés phénoliques contenu dans les parties solides). Et c’est essentiellement la température qui permet à l’acidité de baisser. En effet, la combustion de l’acide par la plante est liée à la chaleur emmagasinée.
Plus le nombre d’heures d’ensoleillement est élevé, plus le vin est riche en polyphénols, et plus les baies sont aromatiques (mais l’excès de chaleur apporte souvent de la lourdeur). La vigne doit donc cumuler suffisamment de chaleur pour que son cycle végétatif et la maturation de ses raisins se déroulent dans les meilleures conditions.
Notons que la photosynthèse est perturbée et que la vigne ne “fonctionne” plus en dessous de 10°C et au-delà de 35°C. La température moyenne pendant le cycle végétatif de la vigne varie en France de 13°C dans le vignoble d’Alsace à 18,3°C dans le vignoble de la vallée du Rhône-Sud. L’encépagement ou le choix de tel ou tel cépage (précoce ou tardif) dépendra donc du climat régional et du taux de maturité à atteindre pour obtenir tel ou tel type de vin. Les vignobles français ont ainsi été classés en plusieurs zones climatiques de maturité (frais, tempéré, chaud) pour lesquelles les cépages retenus connaissent des possibilités de maturation satisfaisante.
L’eau
La pluie n’est pas du tout l’ennemi du vin, mais cela dépend des moments où elle tombe ! La vigne a en effet besoin de 400 à 600 mm de pluie par an. La pluie joue un rôle au moment de la période floraison-véraison sur le rendement et au moment des vendanges sur la concentration en taux de sucre et sur la qualité organoleptique des vins. La maturation exige beaucoup de chaleur et peu d’eau. Il est essentiel pour la vigne de disposer de l’eau dont elle a besoin mais pas plus.
L’alimentation en eau de la vigne permet l’alimentation minérale, le développement de la plante et influe fortement sur la production et la composition de la vendange. La régularité de l’alimentation en eau tout au long du cycle végétatif permet de produire des vendanges de qualité. Si elle est faible, la photosynthèse s’effectue dans de mauvaises conditions et un manque d’eau excessif bloque la maturation des raisins et le poids des baies diminue. On appelle cela le stress hydrique. Mais à l’inverse, si l’alimentation en eau est trop importante, les vignes deviennent trop vigoureuses, les baies trop volumineuses, peu sucrées, acides et pauvres en composés phénoliques. On aura alors un millésime “dilué”.
Les conditions d’alimentation en eau du vignoble varient également selon les terroirs. Un bon terroir intervient pour réguler et assurer à la vigne une bonne alimentation en eau. Ces conditions dépendent du niveau de réserve hydrique du sol et de la roche mère sous-jacente. Sous un climat sec, il est bon d’avoir un sol et un sous-sol qui permettent la constitution d’une réserve importante d’eau. Sous un climat pluvieux, il faut des sols bien drainés. Le maillage racinaire de la vigne et son niveau d’accessibilité aux réserves d’eau joue un rôle important dans la régulation de l’alimentation en eau de la vigne. C’est pour cela aussi que la qualité de la viticulture joue un rôle essentiel dans l’impact du climat sur la qualité des raisins et donc du vin. Une vigne en bio, aux sols bien travaillés, va avoir tendance à posséder des racines allant profondément dans le sol et mieux “encaisser” ainsi une période très sèche ou très humide alors qu’une vigne non travaillée, va avoir des racines en surface et être très sensible à une sécheresse prolongée ou à des pluies incessantes.
D’une façon plus générale, le type de sol joue également un rôle important selon les millésimes.
Sur des sols d’alluvions gravelo-sableuses à texture grossière, avec peu d’argile et donc une faible rétention d’eau, les racines s’enfoncent facilement et la vigne résiste bien à la sécheresse. À l’inverse, par forte pluie, ces sols possèdent une perméabilité remarquable.
Sur des sols durs de calcaires à astéries, les racines s’étalent entre 30 et 70 cm. La roche sous-jacente constituée par un calcaire compact cède en période sèche l’eau nécessaire à la vigne par remontée capillaire. Par forte pluie, la perméabilité du calcaire permet un drainage rapide.
Dans les sols argileux, mal aérés, les racines restent localisées en surface à moins d’un mètre de profondeur, l’importante capacité de rétention d’eau permet une alimentation satisfaisante en période sèche, et par forte pluie, l’argile gonfle, s’imperméabilise et l’eau ruisselle en surface.
La capacité du sol à réguler l’alimentation en eau de la vigne aux différents stades de son cycle végétatif est un trait commun aux meilleurs crus ou terroirs.
Dans la deuxième partie de cet article (la semaine prochaine), nous nous pencherons sur les périodes clefs de l’année où ces bonnes conditions climatiques sont le plus primordiales.
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