Le nom de cette propriété fait rêver… Il y a quelques jours, Angélique de Lencquesaing évoquait lors d’une interview sur BFM Business, au sein de l’émission « Tout pour investir », un cru historique et emblématique du vignoble bordelais : le Château Lafite Rothschild. Dans un contexte où les cartes sont largement rebattues, quelle place occupe encore ce premier cru classé de Pauillac dans le cœur des amateurs, et dans leurs choix patrimoniaux de gestion de cave ? Quelques éléments d’analyse avec Angélique qui répondait aux questions de Lorraine Goumot.
Pourquoi le Château Lafite Rothschild occupe-t-il une place à part dans le vignoble de Bordeaux ?
Sa renommée est ancienne. La présence de la vigne y est attestée depuis… 1234. Au XVIIème siècle, le vignoble est restructuré par le Marquis de Ségur, surnommé le Prince de la vigne car il est également propriétaire des vignes de Latour et de Calon. Lafite produit des vins qui sont appréciés jusqu’à la Cour de Versailles. Vendu à la Révolution, le domaine connaîtra des heures sombres sans pour autant que sa qualité ne s’altère. C’est ce qui lui vaudra d’être distingué au plus haut rang du Classement de 1855 des crus du Médoc et des Graves, effectué à la demande de Napoléon III en vue de l’Exposition Universelle de Paris, qui s’est tenue la même année. James de Rothschild en fait l’acquisition en 1868, et ses descendants en sont restés propriétaires jusqu’à aujourd’hui, si l’on excepte la parenthèse de la Seconde Guerre mondiale durant laquelle, déchue de sa nationalité, la famille fut expulsée de Lafite, la propriété étant restée occupée jusqu’en 1945.
La famille a repris les rênes après la Seconde guerre mondiale ?
Oui, avec un immense succès. Le Baron Eric de Rothschild a porté haut les couleurs de la propriété jusqu’en 2018. Les vins font l’objet d’une sélection sévère, à la vigne puis lors des vinifications dans le chai construit par Ricardo Bofill en 1987. Une installation spectaculaire et très en avance sur son époque, qui a permis de produire d’immenses millésimes. Aujourd’hui, la propriété entame une nouvelle phase de restructuration de ses installations, qui lui permettra d’affiner encore et de parfaire la qualité de sa production.
Le succès de château Lafite est planétaire, comment cela s’explique-t-il ?
Les équipes de Lafite ont de longue date sillonné le monde entier pour faire connaître leur vin. C’est particulièrement vrai de l’Asie, et surtout de la Chine, où le nom de Lafite – facile à prononcer en chinois, un atout ! – est devenu culte. Au point de susciter un engouement qui n’a cessé de croître au début des années 2000, et particulièrement à partir de 2009, lorsque Hong Kong a supprimé les taxes à l’importation sur les vins. A partir de cette date, Château Lafite a accédé à un statut un peu particulier, iconique, représentant la quintessence du luxe et de l’art de vivre à la française, et les prix se sont envolés.
La crise des subprimes en 2008 n’a-elle eu aucun effet sur les prix de Lafite ?
Après un bref « trou d’air » observé en 2009, les prix ont repris leur trajectoire ascendante jusqu’au début des années 2010. Les acheteurs étaient prêts à payer le prix fort pour acquérir un flacon orné de l’étiquette de Lafite, ou de celle de son second vin, les Carruades de Lafite. Le premier a atteint des sommets. Le millésime 2000 s’est révélé, comme pour nombre de propriétés du Médoc, une superbe réussite à Lafite. Sa cote iDealwine dans les ventes aux enchères a culminé à plus de 1700€ dans le courant de l’année 2011. Le second vin, Les Carruades, prélude au grand vin, dont l’étiquette possède de nombreuses similitudes avec celle de son aîné, a lui aussi connu un parcours fulgurant dans les ventes.
Vendu en dessous de 40€ en 2003 dans les ventes aux enchères, ce second vin (issu de vignes plus jeunes) a dépassé le seuil des 300€ sur iDealwine à l’orée de l’année 2011 !
Comment s’explique le réajustement des cours à partir de 2011 ? La crise monétaire de l’été 2011 a-t-elle eu un impact ?
C’est surtout le changement de politique en Chine (la fin de la politique des « cadeaux »), décrétée par le Président Xi Jin Ping, qui a eu un effet assez immédiat, et net sur la demande asiatique pour les vins de Château Lafite. L’impact est réel dans l’évolution de la cote iDealwine observée sur le grand vin de Lafite, et sur son second vin, à partir de 2011.
Et aujourd’hui, Château Lafite occupe-t-il une place particulière sur le marché des enchères ?
Oui, indéniablement, une place qui doit beaucoup au dynamisme insufflé par Saskia de Rothschild. La fille d’Eric de Rothschild, née en 1987 – l’année du nouveau chai ! – est déterminée à donner une nouvelle image aux vins de Lafite. Sans pour autant en diluer l’ADN : le remarquable Almanach, fruit d’un travail d’archives exceptionnel auquel Saski s’est attelée à son arrivée, en apporte un vibrant témoignage. Le dynamisme commercial des équipes, couplé à un ancrage familial qui demeure fort, entretient la désirabilité de la marque sur l’ensemble des marchés.
Aux enchères, Lafite est la 4ème propriété bordelaise la plus échangée. Plus de 1 000 flacons (équivalent 75cl) ont été adjugés en 2023 sur la plateforme d’iDealwine, pour un prix moyen de 558€, le plus élevé derrière Petrus (beaucoup plus rare aux enchères avec seulement 380 flacons échangés l’an dernier).
Ce vin conserve son statut d’icône, de valeur sûre dans une cave. Son image et son prestige sont demeurés intacts en dépit des évolutions de cours importantes que l’on a pu observer. Dans le contexte de désaffection auquel certains grands crus bordelais ont été confrontés depuis plusieurs années, cette situation n’a rien d’anecdotique. Château Lafite conserve pleinement sa position de valeur sûre et prestigieuse dans la cave d’un amateur de grands crus.
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