Nous avons eu l’honneur d’interviewer le beau-fils d’Alain Brumont, Antoine Veiry, revenu au domaine depuis peu après des expériences dans de nombreux vignobles en France et à l’étranger. Aussi passionné que son beau-père, Antoine a à cœur de continuer à faire briller le château Montus.
La propriété d’Alain Brumont fait aujourd’hui figure d’emblème de Madiran et plus globalement du Sud-Ouest, véritable tête de proue d’une viticulture de qualité et d’une viniculture qui s’adapte au cépage roi : le tannat. La réputation de la propriété ne s’arrête pas aux frontières de l’Hexagone, les vins sont en effet exportés dans 65 pays, les amateurs du monde entier les plébiscitent. Le titre de meilleur vigneron des années 80 décerné au maître des lieux par le magazine Gault & Millau, vient auréoler un travail de longue haleine qui a non seulement propulsé le domaine, mais aussi redoré l’image de Madiran dans sa globalité, en entraînant dans son sillage d’autres vignerons inspirés.
L’interview d’Antoine Veiry
iDealwine : Pouvez-vous me parler de l’histoire du Château Montus ?
AV : Je suis la troisième génération au domaine. Alain Brumont, mon beau-père, n’a pas suivi le schéma traditionnel observé dans nos campagnes. A savoir, être aide-agricole de son père jusqu’à sa retraite avant de reprendre les rênes de l’exploitation. Il a très tôt eu beaucoup d’ambition, ayant à cœur de faire reconnaitre le tannat, de le sublimer à travers nos terroirs. Il a donc acheté des parcelles pour y replanter des vignes, puis le château Montus en 1980, qui tombait en ruine, le rénovant entièrement pour y vinifier ses cuvées. Il a également repris le Château Bouscassé quand son père est parti à la retraite, il y-a entrepris un travail colossal à la vigne comme au chai pour y faire de grands vins.
iDealwine : Quand êtes-vous revenu au domaine ? Votre beau-père vous a-t-il totalement passé la main où êtes-vous encore en phase de passation ?
AV : Je suis revenu au domaine fin 2017, au moment où Alain a ressenti le besoin de transmettre. J’ai d’abord pris la suite du chef de culture qui partait à la retraite, j’ai géré les vinifications et le travail à la cave à partir de l’année suivante. Alain est encore présent pour nous guider et nous accompagner dans les décisions importantes, mais nous sommes très alignés sur la manière dont les choses doivent évoluer. C’est très important pour moi de le consulter, sa grande expérience et sa hauteur d’analyse nous sont très précieuses. Il continue à déguster très régulièrement avec le maître de chai de Montus et moi-même et son palais demeure toujours très affuté.
iDealwine : Comment vous êtes-vous intéressé au vin ? Depuis quand savez vous que vous voulez être vigneron ?
AV : Je suis arrivé à l’âge de 10 ans sur la propriété, Alain m’a tout de suite inculqué le travail de la vigne. Issu d’une famille dont le cœur de métier est l’agriculture, j’ai un attachement très fort à la terre. Cela coulait donc de source.
iDealwine : Quelles études avait vous fait, avez-vous eu des expériences dans d’autres propriétés ?
AV : Je me suis orienté dès l’âge de 16 ans vers le lycée professionnel agricole de La Tour Blanche, j’ai ensuite fait mon BTS viti-oeno à Libourne et ma licence à Toulouse ; je n’ai en revanche pas fait de DNO, pour l’instant je ne regrette pas ce choix. J’ai toujours été attiré par le travail concret, le terrain, j’étais un peu moins concentré sur les bancs de l’école (rires). Oui, j’ai eu la chance de passer dans de nombreux domaines, chez Guigal dans la vallée du Rhône, en Bourgogne chez Joseph Drouhin, au Clos des Fées dans le Roussillon, mais également à l’étranger, en Australie et dans l’Oregon. Mon dernier apprentissage fut au Château Les Carmes Haut-Brion à Pessac-Léognan, puis je suis revenu au près d’Alain pour prendre sa succession.
iDealwine : Quels sont les sujets qui vous tiennent à cœur depuis votre arrivée au domaine ?
AV : Selon Alain, le tannat à toute sa place dans le top cinq des meilleurs cépages français, il a notamment énormément travaillé sur les élevages pour le valoriser. Depuis mon arrivée, nous avons intensifié notre travail de compréhension de nos terroirs, nous nous attachons à mieux comprendre les spécificités de chaque parcelle afin de les vinifier séparément avant de les assembler. Nous avons également effectué un travail de replantation à haute densité (8 000 pieds/hectare). Nous avons la chance à Madiran d’être naturellement dans une aire de polyculture, les vignes sont situées sur les trois collines de l’appellation qui sont séparés par des bois qui préviennent des maladies et, dans les plaines, nous retrouvons des cultures céréalières. Tout cet écosystème favorise la qualité de notre viticulture. Nous sommes évidemment très attachés à notre environnement : nous limitons au maximum les traitements et le travail du sol. Nous avons à cœur de travailler le plus proprement possible.
iDealwine : Quel type de vin cherchez-vous à faire au Château Montus ? Comment définiriez-vous les vins produits par votre propriété ?
AV : Nous sommes à contrecourant de la tendance actuelle. Alors qu’une bonne partie du vignoble oriente sa production vers des vins destinés à être bu dans leur jeunesse, à Montus et Bouscassé (NB : seconde propriété de la famille) nous composons avec le tannat qui est un cépage puissant et robuste et qui a besoin de longs élevages pour se révéler. Aujourd’hui, tous les vins de la propriété sont élevés au moins 30 mois, successivement dans des barriques puis des foudres. Notre cépage s’épanouit ainsi pleinement, se fond et dévoile tout son potentiel. Nous produisons des vins riches et étoffés, les cuvaisons sont longues, 30 à 45 jours selon les millésimes. Tout ceci fait que nos vins méritent effectivement quelques années de bouteille avant d’être dégustés par nos clients. Alain a très tôt compris que nous devions proposer des millésimes prêt à boire au moment où ils arrivaient sur le marché, nous avons un espace de stockage de 4 000m2 qui nous permet de stocker la production totale de huit millésimes.
iDealwine : Avez-vous des domaines et des vins qui vous inspirent dans votre région ou ailleurs en France et dans le Monde ?
AV : Si Alain a été très inspiré par la grande maîtrise des élevages du domaine Vega Sicilia (Espagne), moi c’est ma dernière expérience au Château les Carmes Haut-Brion qui m’inspire le plus dans mon travail. Cette propriété fournit un travail extraordinaire dans la compréhension de ses terroirs et la séparation de ses parcelles afin de les délimiter pour mieux en faire ressortir leurs nuances. Selon moi, Bordeaux a une longueur d’avance sur le reste du monde en termes de viticulture de précision.
iDealwine : Pouvez-vous nous donner un coup de cœur personnel de vos vins disponibles à la vente sur le site iDealwine ?
AV : Je vais en donner deux. D’abord, château-montus 2018, une cuvée qui me tient particulièrement à cœur car c’est mon premier millésime. Elle est également le résultat de tout le travail qui a été entrepris depuis des années dans la meilleure compréhension de nos terroirs. C’est un millésime dans l’air du temps : frais, à l’équilibre juste et qui est accessible dès maintenant. Le second ? Je dirais la-tyre 2007, une cuvée que nous réalisons avec deux à quatre hectares de nos plus belles vignes, sur des pentes très bien exposées et qui bénéficient d’une fraicheur qui se retrouve dans les vins. Ce millésime s’ouvre très bien aujourd’hui et promet de beaux moments de dégustation. Il peut cependant tenir encore des décennies dans une bonne cave.
Vignobles Alain Brumont – Châteaux Montus et Bouscassé -, ce qu’en disent les guides :
* La Revue du vin de France :
Grand rénovateur et extraordinaire promoteur de l’appellation, Alain Brumont est devenu synonyme de Madiran. C’est en 1978 que ce jeune vigneron énergique et convaincu a pris la suite de son père et relancé le domaine familial, Bouscassé. Au début des années 1980, alors que l’appellation Madiran est en plein marasme économique, il se porte acquéreur du château Montus et plante sur les meilleurs terroirs du tannat, le grand cépage local. En une génération, Alain Brumont est devenu le plus important propriétaire de l’appellation, détenant ses plus belles parcelles. Il met toute sa foi au service du vin et s’impose un cahier des charges draconien. Il propose une gamme très cohérente, notamment une cuvée parcellaire devenue célèbre (La Tyre), ainsi que toute une série de madirans accessibles dans leur jeunesse, en termes de prix et de dégustation.
* bettane+desseauve 2017 (4 * /5)
Le domaine : si les terroirs incomparables de Montus et la Tyre permettent la maturation optimale du tannat, encore faut-il savoir, par la vinification et l’élevage, porter ce potentiel au plus haut niveau. Les vins sont monumentaux, avec une force et une violence évidentes mais complètement domptés et sous contrôle, ce qui est un véritable tour de force. Les blancs du Pacherenc ont la même fougue, la même complexité, le même luxe dans leur élaboration et frapperont certainement l’imaginaire de nombreux amateurs. Bouscassé, aux installations techniques tout aussi monumentales et perfectionnées, donne un madiran de plus en plus généreux et harmonieux et des pacherencs exemplaires. L’ensemble de ces domaines constitue sans doute le sommet actuel de la viticulture du Sud-Ouest. Ne pas manquer la dernière création d’Alain Brumont, un pinot noir tout à fait étonnant, sans doute le plus réussi de ce pays en dehors de la côte d’Or.
Les vins du Château Montus :
Un assemblage de 70% de tannat et 30% de cabernet sauvignon, un vin plein et accompli, son aromatique s’articule autour des fruits noirs, les tanins sont fondus et apportent puissance et volupté à la matière.
Coup de cœur d’Antoine Veiry, ce millésime 2018 est très précis, sa palette aromatique est harmonieuse entre fruits rouges et épices en finale, le vin jouit d’un équilibre particulièrement juste et d’une fraicheur très agréable.
Château Montus – Cuvée Prestige 2002
Malgré des faibles rendements sur ce millésime, la qualité des baies fut excellente et permit de vinifier un vin des plus aboutis. Ce 100% tannat après 20 ans de garde, s’ouvre sur la puissance et l’opulence, ses tanins sont très bien fondus, il développe des arômes de fruits rouges compotés, de cacao et d’épices en finale.
Château Montus – Cuvée XL 1998
Une cuvée hors-norme, XL pour 40 en chiffres romains, c’est le nombre de mois qu’ont été élevés les vins en demi-muids. Il en ressort de très grands vins, taillés pour la garde, où le tannat prend toute son ampleur et s’exprime de la plus belle des manières dans une aromatique de cassis, d’olive noire et de pruneau d’Agen.
Château Montus – Cuvée La Tyre 2007
Second coup de cœur d’Antoine Veiry dans notre sélection, cette cuvée est issue des plus belles parcelles du vignoble. La Tyre c’est une cuvée d’exception qui allie concentration aromatique et très grande fraicheur apportée par le terroir, ce qui en fait un grand vin d’équilibre. Les tanins sont fins et élégants. Une cuvée qui s’ouvre très bien aujourd’hui mais qui pourra encore s’affiner en cave.
Château Montus – Cuvée La Tyre 2011
La cuvée haute-couture du domaine dans le joli millésime 2011. Le vin est très équilibré, sa concentration aromatique se dévoile sur des arômes de mûre, de cerise noire, le réglisse et le clou de girofle viennent parfaire le tableau en finale.
Château Montus – Pacherenc du Vic-Bilh 2014
Assemblage de petit courbu et de petit manseng, ce pacherenc du vic-bihl prouve que le sud-ouest bénéficie également de grands terroirs de blanc. Le vin s’ouvre sur une aromatique flatteuse de fruits confits, des notes toastées s’ajoutent à l’équation, l’acidité vient tendre le vin et lui apporter fraicheur et équilibre. Un grand vin blanc déjà prêt à être bu mais qui pourra également faire un long séjour en cave.