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Le déclassement des Hauts de Pontet (second vin de Pontet-Canet) : du rôle parfois navrant des AOC

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C’est un événement, dans le Bordelais. Le second vin du Château Pontet-Canet, les Hauts de Pontet, vient de se voir retirer son appellation Pauillac. Le vin sera donc reversé dans la catégorie bas de gamme des vins de France, héritière de ce que l’on appelait les vins de table jusqu’en 2009.

C’est Qualisud, l’organisme indépendant en charge des contrôles de l’AOC Pauillac, qui a donc décidé de déclasser ce vin qui ne correspondait pas à ce que doit être un vin de Pauillac selon le jury, composé de cinq personnes volontaires, bénévoles, et représentant les différentes professions de la filière agricole. Chaque vin étant analysé en détail et dégusté à l’aveugle, on ne peut remettre en cause l’impartialité des jurés.  On pourrait bien sûr penser que cette déclassification sanctionne la stratégie marketing assumée qu’adoptent de nombreux grands châteaux en faisant des seconds vins, voire parfois des troisièmes vins. Pourtant, « Les Hauts de Pontet » est un vin à la qualité certaine (le 2010 a été noté 17/20 par Jancis Robinson et 90/100 par la moyenne de la critique internationale et le 2009 a même atteint 91/100). Difficile donc de l’imaginer déclassé en « vin de France. » Si le vin n’a pas été reversé dans l’AOC Bordeaux à cause du cahier des charges de Qualisud qui ne prévoit pas de « plan B » en cas de refus de l’AOC Pauillac, ce sont les motivations mêmes de ce rejet assez radical qui peuvent faire débat.

Le rôle d’un organisme comme Qualisud est en effet de s’assurer, dans le cas qui nous intéresse aujourd’hui, qu’un vin respecte un cahier des charges bien établi et un certain nombre de critères  techniques (par exemple, la densité de plantation doit être d’au moins 7 000 pieds par hectares, la vigne doit être taillée tous les ans avant le stade des premières feuilles étalées, les rendements sont limités à 57 hl/ha…) et gustatifs (la fermentation malolactique est obligatoire, l’acidité volatile est strictement limitée). On peut tout d’abord s’interroger sur la pertinence de ces critères. Pas de traces ici de « qualité » du vin. Certes ce paramètre est inévitablement subjectif, mais peut tout de même être mesuré (par exemple avec un jury composé d’un certain nombre de personnes compétentes, diversifiées, neutres, et dégustant à l’aveugle). De même, rien n’est dit sur les méthodes des vignerons à proprement parler. Il est ainsi parfaitement autorisé de vendanger à la machine, d’utiliser pesticides, herbicides, fongicides, et autres produits chimiques dangereux pour l’environnement et le terroir (et certains grands noms ne s’en privent pas), de mettre des copeaux de bois dans le vin pour simuler l’élevage en barriques au goût, de chaptaliser ou de rajouter des enzymes, des levures chimiques et plus ou moins tout ce que l’on veut dans son vin sans être exclu de l’appellation. Le pire est sans doute que ces règles ne seront pas, dans la situation actuelle, questionnées, quand bien même un vin serait un pur concentré chimique, pourvu qu’il corresponde au cliché (par ailleurs d’immense qualité gustative) de Pauillac.

Ce n’est un secret pour personne, le vignoble d’Alfred Tesseron, tenu de main de maître par Jean-Michel Comme, est un des plus novateurs du Bordelais. Chantre du biologique et du biodynamique depuis des années, le vin de Pontet-Canet est en quelque sorte un ovni sur le territoire girondin. Cette différence (que beaucoup de consommateurs apprécient) se retrouve bien entendu au goût. Et ce vin n’a vraisemblablement pas été exclu parce qu’il était mauvais, mais bien parce qu’il ne collait pas au stéréotype, à la « typicité historique » des Pauillac. En poussant le raisonnement de Qualisud jusqu’au bout, il est n’est donc pas possible de posséder un grand terroir tout en faisant évoluer son vin, même en bien, si rien n’est prévu sur le papier qui dicte ce qui doit être fait. Il est au contraire souhaitable de bien respecter les règles et de produire ce qui est prévu, point barre. Le cas échéant, cette attitude sera même récompensée par un jury qui appliquera implacablement ce qui est écrit sur le maître papier. Sinon, il n’y aura pas de dérogation ou de cas particulier.

La lettre dépasse l’esprit et fige le vin. Triste vision de la viticulture, art vivant par excellence… Nous croyons chez iDealwine que le métier de vigneron est un métier de création, d’innovation, de passion, et qu’il est capital que nos vignobles français puissent compter sur différentes visions, différentes philosophies, et évoluer dans le temps. Dans le cas contraire, il ne servirait plus à rien de déguster chaque vin, chaque millésime. Nous nous contenterions simplement d’acheter un livre décrivant ce qu’est immanquablement chaque vin selon sa provenance.

Les AOC servent à protéger les producteurs d’une concurrence déloyale ou malhonnête. Elles garantissent également aux consommateurs la qualité et la provenance des produits. L’intention est donc louable et les AOC doivent bien entendu être maintenues. Leur fonctionnement, en revanche, doit sans doute être repensé. Le vigneron de la propriété, Jean-Michel Comme, affirme d’ailleurs que paradoxalement, le millésime 2012 des Hauts de Pontet est selon lui le meilleur millésime jamais produit pour ce vin. Le fonctionnement de l’AOC Pauillac prévoyait d’ailleurs la possibilité de représenter son vin une seconde fois pour pouvoir être agréé, mais le vigneron n’a pas souhaité le faire. D’ailleurs, les négociants ont maintenu leurs commandes. C’est sans doute rassurant, dans la mesure où le consommateur reste le seul juge incontestable et peut s’affranchir lorsque le vin le mérite des affres d’une nomenklatura à la mentalité d’un autre âge. Il est en revanche beaucoup plus inquiétant de ne pouvoir que déplorer le caractère mécanique, figé, bureaucratique et autoritaire d’institutions pourtant supposées compétentes.

Ce constat pose inévitablement la question du but, de la vision des AOC en France, et Pauillac en est un exemple édifiant, puisque certains des meilleurs vins au monde sont produits sur cette appellation.

On commence, dans les sciences organisationnelles, à parler de bureaucratie lorsque les moyens, c’est-à-dire les procédures et les codes, prennent le dessus sur les objectifs… Dans ce cas précis, les codes et usages ont eu raison des objectifs premiers d’une AOC. Mais ne devrait-on pas par conséquent rappeler ou même redéfinir ces objectifs ? Les AOC doivent-elles évoluer en même temps que les goûts et les tendances ? Doivent-elles être re-réparties pour que, dans le cas du Bordelais, il n’y ait pas que la géographie qui soit prise en compte, mais aussi les types de vin ? Doivent-elles assurer l’uniformité des vins pour qu’en lisant l’appellation, le consommateur puisse savoir précisément ce qu’il aura dans sa bouteille, ou bien encourager la diversité tout en garantissant la qualité afin que nos vignerons continuent d’innover et de nous surprendre ?

Autant de questions pour lesquelles nous espérons sincèrement qu’une réflexion profonde sera menée pour le bien de tous, producteurs, négociants, consommateurs, et surtout pour celui du vin lui-même.

Retrouvez les vins du Château Pontet-Canet

Cotes Pontet Canet
Château Pontet-Canet 2010            201 €
Château Pontet-Canet 2009            192 €
Château Pontet-Canet 2008              79 €
Château Pontet-Canet 2007             48 €
Château Pontet-Canet 2006              78 €
Château Pontet-Canet 2005            108 €
Château Pontet-Canet 2004              61 €
Château Pontet-Canet 2003              77 €
Château Pontet-Canet 2002              47 €
Château Pontet-Canet 2001              70 €
Château Pontet-Canet 2000              89 €
Château Pontet-Canet 1990              60 €
Château Pontet-Canet 1982              67 €

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