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Château Gazin, Pomerol
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Château Lafon-Rochet

L’équipe d’iDealwine a fait une incursion éclair à Bordeaux lors de la semaine des dégustations primeurs, histoire de prendre le pouls du millésime 2013. Premières impressions, et quelques coups de cœur.

Pour ceux qui ne sont pas familiers des « primeurs », il faut savoir que ce type de dégustation, très spécifique aux grands crus de Bordeaux, se déroule chaque année au printemps. On y déguste les vins de la vendange précédente, quelques mois à peine après le début de leur élevage en barrique. Ils ne sont donc pas terminés et ces échantillons puissants et tanniques sont prélevés directement des futs. C’est un exercice difficile où l’art consiste à évaluer le potentiel de chaque vin plutôt que de le juger pour ses caractéristiques actuelles. Négociants, courtiers, importateurs et la presse défilent pendant quelques jours pour gouter, critiquer et échanger sur le millésime. Comme chaque année, iDealwine était évidemment présent à ce rendez-vous incontournable. Nous vous livrons nos impressions du millésime.

Des conditions difficiles

Même un grand vigneron avec un terroir de qualité ne peut produire de vin exceptionnel dans une année aussi difficile. A chaque étape, les pires conditions ont pu être observées : un hiver et début de printemps froids ont retardé le bourgeonnement et la fleur. Un printemps pluvieux a entrainé de la coulure notamment sur le merlot en Médoc. Malgré un été ensoleillé qui a permis de rattraper une partie du retard de maturité, le mois de septembre a été très humide, faisant apparaitre le pire ennemi du vigneron, le botrytis. Une partie des vendanges s’est déroulée sous la pluie, entrainant des risques de dilution et achevant certains espoirs de produire un grand millésime. Avant même la fin des vendanges, 2013 était donc déjà à moitié condamné. Avec un peu de recul et en ayant dégusté quelques primeurs, faut-il être si sévère et catégorique?

2013, un vrai challenge

Si la presse n’a pas été tendre avec ce millésime, il semble que les critiques se soient assouplies, après les premières dégustations et que tout ne soit finalement pas aussi noir que prévu.

En effet, les meilleurs producteurs ont su relever les nombreux défis qui leurs étaient infligés, jouant habilement avec ce que la nature avait à leur offrir. Nos entretiens avec les producteurs semblent dégager trois étapes clés de la réussite du millésime : tout d’abord une sélection drastique tant à la vigne qu’à la réception sur de tables de tris, mettant de côté tout raisin ne remplissant des critères sanitaires ou de maturité strictes. En conséquence, les rendements ont chuté à des niveaux historiquement bas, entre 25 et 30 hectos/ha, comparés aux traditionnels 45 hectos. Au chai, la gestion de l’extraction par les remontages en cuve a été cruciale. C’est une véritable épreuve d’équilibriste pour donner suffisamment de structure et de corps tout en n’écrasant pas ce millésime léger. Enfin troisième étape clé cette année a été l’élevage. Le maitre de chai a dû adapter le choix du niveau de chauffe et du pourcentage de barriques neuves afin de ne pas trop marquer le vins par des arômes de bois ni d’apporter des tannins que le millésime ne saurait digérer.

Le millésime 2013 restera donc pour de nombreux producteurs une grande épreuve, relevée par ceux qui ont su respecter les caractéristiques de leur terroir et de ce climat.

Un millésime fin et disparate

Nous avons commencé notre marathon de dégustation par les vins de Saint-Estèphe et Pauillac, rassemblés dans les chais du Château Lafon Rochet. Toujours très instructeur de pouvoir comparer les vins côte-à-côte. Le résultat est assez hétérogène, mais toujours très léger et fin malgré quelques vins un peu vert ou trop extraits. Nous sommes globalement positivement surpris par quelques belles réussites, notamment à Pauillac : Lynch-Bages dévoile un caractère mentholé et des tannins serrés. Pichon Lalande produit un millésime historique avec 100% de cabernet sauvignon, abandonnant le merlot, cépage traditionnellement clé du vignoble ayant souffert de la coulure, et le cabernet franc, n’ayant pas atteint la maturité espérée. Un vin très fin, chocolaté et fruité. Enfin, nous sommes séduits par Grand Puy Lacoste, au nez charmeur avec d’élégantes notes de kirsch.

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Patrick Maroteaux, propriétaire du Château Branaire Ducru)

Nous quittons Saint-Estèphe sous une belle lumière de printemps et redescendons le Médoc par la mythique « route des Châteaux » passant devant Cos d’Estournel et ses pagodes ; Lafite et son parc romantique, les deux Pichon et arrivons à Saint Julien en longeant le clos de Léoville Las Cases. Nous arrivons au Château Lagrange. La salle est peu remplie, ce qui nous permet de passer plus de temps avec les producteurs et de recueillir leurs impressions du millésime et de la campagne. Nous discutons longuement avec Patrick Maroteaux.

Le propriétaire de Branaire-Ducru nous fait part de l’effort de communication et des nombreux voyages qu’il mène avec l’union des grands crus pour promouvoir ses vins à l’étranger. Sur le millésime; il nous explique l’extrême sélection que ses équipes ont dû opérer. Son vin est fruité et charmeur. Fidèle à sa stratégie de prix, Branaire devrait s’échanger a un coût raisonnable. Nous apprécions particulièrement Léoville Barton, élégant, racé, un nez graphité et des tannins fondus. Avec un style très différent, Talbot est léger et délicat avec de notes florales attractives. Nous déjeunons sur place, Arums de Lagrange 2011, un vin simple et vivace marqué par la jeunesse de son fruit. Nous dégustons ensuite Lagrange 2003, une très belle matière et des arômes de fruit murs. Nous faisons route pour Châteaux Margaux.

Chantier oblige, la dégustation est organisée dans l’orangerie du 17éme siècle récemment restaurée. Nous découvrons les plans des futurs chais dessinés par Norman Foster et l’impressionnante œnothèque souterraine de 80 mètres de long. Nous commençons la dégustation par les rouges. Château Margaux se montre soyeux, avec des tanins à peine perceptibles, très fin, des notes de fruit rouge et de menthe. Aucun merlot n’est intégré dans le grand vin et les rendements frôlent à peine les 22 hecto/ha! Le Pavillon Rouge se goûte également bien, plus rond, moins complexe. Nous terminons par le Pavillon Blanc où seulement 40% des 13 ha récoltés ont été utilisé. Grande fraicheur alliée à une structure riche. Délicieux et fin.

L’heure tourne et nous faisons maintenant cap vers Gazin pour déguster les pomerols, dernière dégustation de la journée. Si le merlot semble avoir souffert en Médoc, il est plus réussi à Pomerol. Les vins n’ont pas le gras et la rondeur connue de l’appellation, mais offrent de belle structure. Nous apprécions particulièrement la puissance et le corps de Clinet, la finesse, le soyeux et les notes de violette caractéristique à La Conseillante. La Pointe, très équilibré exprime le charme du soyeux de l’appellation. Petit Village aussi fait montre d’un bel équilibre.

 

Faut-il acheter les primeurs 2013 ?

Ceux qui souhaitent se lancer dans l’aventure devront évidement se montrer très vigilant sur les prix mais aussi très sélectifs sur les domaines, pour ne garder que ceux qui ont su s’adapter aux conditions et chercher la finesse plutôt que la puissance. A priori, 2013 ne s’annonce pas comme un millésime d’investissement mais plutôt une année « à boire », le critère final de décision étant… le prix.

Un contexte de marché tendu

La sortie des primeurs 2013 s’annonce difficile sur un marché du vin tendu : la faiblesse du yen rend l’achat des primeurs au Japon particulièrement couteux. En Chine la frénésie d’achat s’est calmée, une conséquence directe des lois anti-corruption. De toute façon ce pays préfère traditionnellement acheter des vins déjà prêts à boire. Les Etats-Unis se montrent très sélectifs et la mauvaise presse ne va pas dans le bon sens. Enfin, le marché mondial du Bordeaux semble largement stocké avec des millésimes à boire. Reste donc l’Europe, dans le contexte économique difficile que l’on connait. La sensibilité prix de la demande va jouer un rôle décisif. En dépit de volumes nettement moindres (la récolte est inférieure de 27% à celle de 2012), le marché en appelle clairement à la modération, et donc à une baisse des prix. Sera-t-il entendu ? Réponse dans quelques semaines, ou même dans quelques jours, puisque les premières sorties ont déjà eu lieu.

Retrouvez sur la page Facebook iDealwine plus de photos sur la dégustation Primeurs 2013 à Bordeaux

En savoir plus sur les Primeurs 2013

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Interviews d’Angélique de Lencquesaing dans l’émission Intégrale Placements, sur BFM Business :

Premier bilan de la semaine de dégustation en primeur des vins du millésime 2013 (08/04/2014)

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