
Le Bordelais est en ébullition. Un projet de ligne à Grande Vitesse devant relier Bordeaux à Dax et Toulouse menace en effet l’équilibre du vignoble de la rive gauche. Si rien ne bouge, une ligne de train devrait perforer littéralement la région bordelaise, un aiguillage géant s’implantant dans la zone humide du Ciron pour terminer le travail. Malheureusement, c’est précisément cette zone humide qui rend possible l’apparition du botrytis sur le vignoble voisin…
Faut-il prendre le risque de tuer les grands vins liquoreux de Bordeaux pour quelques minutes ? Cette question résume à elle seule le problème auquel font face les parties prenantes du conflit qui entoure la création de la ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse. Si le tracé actuel est conservé, la ligne devrait en effet traverser, outre certains vignobles eux-mêmes, la zone humide du Ciron, cours d’eau traversant les lieux. Cette zone humide permet à la petite rivière de rester fraîche, protégée du soleil par des arbres, notamment de vieux hêtres. C’est justement cette fraîcheur, qui, contrastant avec la chaleur du vignoble ensoleillé que le cours d’eau rejoint en aval, qui permet la création d’un brouillard de fin d’été très localisé qui fait apparaître, lorsque le millésime le veut bien, le botrytis, cette fameuse « pourriture noble » nécessaire à l’élaboration des vins de Sauternes. On imagine donc les dégâts si le projet était appliqué en l’état. Ajouté à cela la destruction d’un écosystème très particulier, abritant des visons, des loutres, des écrevisses à pattes blanches …
Alors bien entendu, ce n’est pas face à des prétentions écologiques que les pouvoirs publics feront marche arrière. Et ce n’est pas le fait que la vallée du Ciron et ses nombreux affluents potentiellement touchés par le projet (une trentaine en tout !) fassent partie d’une zone classée Natura 2000 qui les y poussera. En revanche, si on parle d’économie…
Le Sauternes est un vin unique au monde, fleuron des vins liquoreux français, respecté, aimé, et donc exporté partout sur le globe. 6 millions de ces précieuses bouteilles sont vendues chaque année… Source de revenus directs, et plus indirects (œnotourisme, rôle de vitrine des vins français, image de marque, prestige), la disparition du Sauternes serait une catastrophe dans un pays où le vin est certes excellent, mais surtout riche d’une diversité unique au monde. Sans compter la destruction immédiate de nombreux emplois et le passage pour les domaines concernés à la production de vins blancs secs à la qualité incertaine… Difficile d’imaginer la destruction d’un patrimoine construit à force d’expérimentations perpétuelles et fruit d’un travail séculaire, pour gagner quelques minutes…
Le pire dans cette histoire, c’est que ces quelques minutes, au-delà de ce qu’elles pourraient faire perdre en richesses culturelles et naturelles, coûtent cher. Initialement estimés à 9,5 milliards d’euros, les coûts ont bien évidemment été revus à la hausse, comme pour tout chantier public inutile qui se respecte. Cette fortune n’inclut bien sûr que les coûts de construction du projet. On le sait, une ligne TGV n’est peu ou pas rentable (cf le récent rapport de la Cour des Comptes), et c’est un nouveau poids qui viendra s’ajouter aux 45 milliards de dette du groupe SNCF/RFF. Imaginez les charges financières qui vont avec, et vous trouverez aisément une excuse pour ne pas investir 10 milliards supplémentaires dans une ligne destructrice de valeur et de patrimoine…
Naturellement, les vignerons de l’appellation protestent depuis plusieurs mois déjà. Réseau Ferré de France leur rétorque avoir fait des « études d’impact ». Cependant, au vu de son mécontentement, il ne semble pas que la filière viticole ait été très consultée. A moins donc qu’il n’y ait des experts du botrytis chez RFF, l’étude ne doit donc pas être très pertinente en tous points… Philippe Dejean, président de l’Union des vins liquoreux de Bordeaux, a donc appelé « tous les défenseurs des vins liquoreux à faire part de leur mécontentement sur les registres de l’enquête d’utilité publique». La synthèse de cette enquête a été remise ce lundi au Conseil d’Etat, qui émettra ensuite un avis purement indicatif et non contraignant. Si l’affaire venait à mal tourner pour nos vins dorés, les viticulteurs pourraient saisir la Cour de Justice Européenne, l’Union Européenne insistant sur la notion de lien au terroir dans le cahier des charges de protection des AOP. Le pire, c’est qu’il n’y a pas que le Sauternais qui soit concerné! L’appellation Pessac-Léognan, qui, rappelons-le, accueille le célèbre Château Haut-Brion, entre autres beaux domaines, est également touchée par un projet de LGV. Quelle ironie de voir que ces domaines, qui produisent des vins qu’on laisse parfois vieillir plusieurs décennies pour en savourer toute la richesse (ce qui nécessite une certaine sagesse et une patience certaine), sont menacés par un projet n’offrant que quelques menues minutes au voyageur pressé…
Nous ne pouvons que déplorer ce manque incroyable de concertation entre les différentes parties prenantes du projet, et naturellement espérer qu’une solution soit trouvée. Après tout, contourner Bordeaux par des terres moins précieuses n’ajouterait probablement que 3 ou 4 minutes au trajet d’un TGV… Autre possibilité, rénover les lignes existantes permettrait de gagner du temps sans dépenser autant, pour un impact écologique nul, voire même positif… Tout n’est donc pas perdu, les différents médias se sont emparés du dossier, qui ne pourra en tous cas plus être mené « en douce ». La mobilisation porte donc lentement ses fruits, et, sauf comportement absurde de la part des porteurs du projet (ce qui n’est jamais à exclure), le tracé de ces lignes devra être repensé…
Cependant, on n’est jamais trop prudent, et nous ne pouvons que vous encourager à faire des stocks de sauternes en vous rendant, par un exemple objectivement subjectif, sur notre très belle vente de Noël où le botrytis occupe une place de choix !
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