Millesime-2020

La passion des amateurs et leur soif pour une information toujours plus rapide les amènent à se demander déjà quel profil aura le millésime 2020. iDealwine a rassemblé pour vous les premières informations qui commencent à circuler dans le vignoble.

Avant même d’avoir rentré la première grappe de raisin dans leurs chais, les vignerons français (et sans doute les vignerons de tous les pays) avaient déjà vécu un millésime 2020 très particulier. Pas parce que leur travail dans la vigne ou dans les caves a été très impacté par la Covid-19 (ils ont pu continuer à peu près normalement leurs tâches habituelles), mais parce que la crise sanitaire a eu des conséquences catastrophiques sur leurs ventes. Pas tellement celles assurées par les cavistes ou les sites en ligne comme iDealwine qui ont continué à vendre “normalement”, mais celles dans les différentes filières de la restauration (il y a 150 000 restaurants en France) où se distribuent essentiellement des vins un peu “haut de gamme” et qui écoulent en année normale près de 600 millions de col, soit environ un tiers de la production globale. Une filière totalement à l’arrêt pendant quatre mois et encore ralentie aujourd’hui. On ne mesure pas encore complètement les conséquences chiffrées de cette situation pour les vignerons français, mais elle sera probablement importante pour la plupart d’entre eux et même très importante pour la Champagne, peut-être pas pour la poignée de petits producteurs indépendants très qualitatifs, mais certainement pour le “gros de la troupe”, le champagne ayant surtout souffert de l’arrêt quasi total de toute fête, mariage, événementiel en général, etc.

Autant dire que pour beaucoup, si la qualité du millésime 2020 dans les vignes (et dans presque toutes les caves maintenant) a été scrutée avec l’attention habituelle, il n’en reste pas moins qu’elle est légèrement éclipsée par tous les autres problèmes à affronter…

Impressions générales

Une chose est sûre : une fois de plus les différents vignobles français ont eu droit à une année très particulière, un phénomène qui se répète assez régulièrement depuis une dizaine d’année. De nombreux observateurs parlent d’ailleurs plus d’un dérèglement climatique que d’un “simple” réchauffement, qui n’en est probablement qu’une facette. Des gels très tardifs récurrents, des orages de grêle de plus en plus fréquents, une sécheresse qui se généralise, des “coups de chaud” qui grillent les vignes, autant de problèmes qui se répètent presque chaque année et on va finir par avoir du mal à trouver une année “normale”, avec un hiver froid pour assainir les sols, un printemps bien arrosé pour remplir les nappes phréatiques, un été chaud, mais sans excès et avec quelques averses bienfaitrices et une période de vendanges pas trop chahutée par des excès de pluie. Ces derniers temps on a plutôt l’impression d’une année avec deux saisons seulement : six mois d’automne d’octobre à mars et six mois d’été d’avril à septembre…

D’une façon générale, le printemps très chaud a favorisé la précocité du cycle végétatif de la vigne sur l’ensemble de la France et effectivement plusieurs régions ont connu des vendanges très précoces, parfois même en battant des records de précocité, notamment dans le “grand est”, mais peut-être un peu moins que prévu, car la sécheresse estivale a parfois bloqué les maturités à cause du stress hydrique. Au final, plusieurs vignobles n’ont pas récolté plus tôt qu’en 2003 par exemple. Cela dit, comme le souligne un vigneron bourguignon : « On n’aimerait pas pour autant revenir à des vendanges du mois d’octobre sous la pluie ! »

L’autre phénomène à peu près généralisé dans l’hexagone, c’est la sécheresse en 2020 qui s’ajoute pour la plupart des vignobles à une sécheresse qui endémique qui dure depuis plusieurs années, notamment dans le sud et le sud-est. Une sécheresse qui s’est doublée cette année de “coups de chaud” qui ont parfois littéralement “grillé” certains rangs de vigne, en particulier en bordure des parcelles (le centre étant protégé par “l’épaisseur” des rangs successifs). Et, même quand ces extrêmes n’ont pas été atteints, d’une façon générale cette sécheresse a sérieusement réduit les rendements, les baies ayant moins de jus, ce qui ne sera pas sans conséquence sur les futurs vins, en particulier les rouges, puisque le rapport peaux/jus sera notablement modifié dans les cuves de vinification. Par contre, dans la plupart des cas, les raisins étaient d’une bonne qualité sanitaire.

Vignoble par vignoble

En Bourgogne, on a battu des records de précocité, les raisins destinés aux crémants ayant commencé à être rentrés à partir du 12 août ! Les vendanges ont eu également deux semaines d’avance en Côte Chalonnaise par exemple, sur la base de la moyenne des vingt-cinq dernières années (1994-2019). Comme un peu partout les rendements sont légèrement à la baisse par rapport à la moyenne, sauf dans les secteurs les plus argileux qui ont pu retenir plus d’eau. De l’avis général les blancs s’en sortent plutôt bien, mieux qu’en 2003 par exemple, avec plus d’acidité. Les rouges devraient être assez colorés et tanniques, sans avoir à forcer les extractions. Quelques vignobles ont souffert de la “grillure” (et/ou de flétrissement des baies) qui a pu faire perdre parfois 15 % de la récolte.

Le point le plus positif est que les fruits ont pu bénéficier d’un cycle complet de maturation ce qui devrait permettre d’obtenir des vins de qualité, riches et concentrés qui, pour certains, pourraient ressembler à ceux de 2003, avec un potentiel de garde plus important car les acidités sont plus élevées en 2020. On parle aussi d’une comparaison avec 2015 pour les rouges et plutôt 2017 pour les blancs.

Le Bordelais semble se situer dans la moyenne nationale pour les conditions climatiques de l’année. Les vendanges ont été précoces, certes, mais pas plus qu’en 2003 par exemple et quasiment au même niveau que 2011 ou 2017. Les premières impressions laissent penser que le cabernet-sauvignon et le cabernet franc tireront mieux leur épingle du jeu que le merlot qui, dans les années très chaudes, peut avoir tendance à “s’alourdir”, à devenir un peu cuit et saturant. Un peu pour les mêmes raisons, il est probable que les blancs manquent un peu d’acidité pour rivaliser avec les très bons 2018 et 2019. Enfin, les conditions climatiques ne paraissent pas favorables à un grand millésime pour les liquoreux qui bénéficieront probablement d’un assez beau passerillage, mais de peu de botrytis.

Dans les vignobles sudistes (Languedoc, Roussillon, Rhône sud), les vignes, plus habituées aux grosses chaleurs et à la sécheresse semblent avoir bien résisté aux conditions climatiques un peu extrêmes de 2020. Les vendanges ont en général été plus rapides que d’habitude, il fallait ramasser les différents cépages dans un laps de temps plus court qu’habituellement pour bien “coller” aux différentes maturités. Paradoxalement, les nuits ont souvent été relativement fraîches, ce qui a compensé la chaleur des journées en permettant à la vigne de “respirer”. L’ensemble des appellations du sud est assez optimiste sur la qualité des vins de 2020, tant en rouge qu’en blanc avec des vins plutôt moins puissants et avec un peu moins d’alcool que les 2019.

Dans les autres régions, on note que la Champagne annonce un très beau millésime sur l’ensemble des zones et appellations. La Vallée de la Loire, comme souvent dans les vignobles plus septentrionaux, se réjouit d’un millésime chaud qui devrait donc apporter une belle maturité aux cabernets francs quand ils n’auront pas été victimes de stress hydrique ; du côté des blancs il faudra surveiller l’éventuel léger déficit d’acidité dans les vins et il est encore un peu tôt pour se prononcer sur les liquoreux et moelleux. Enfin, dans le Jura et la Savoie, qui bénéficient naturellement de plus de fraîcheur la nuit car les vignes sont majoritairement à une certaine altitude, le millésime se présente bien avec des raisins très sains et bien mûrs.

Reste maintenant à attendre encore un an pour pouvoir goûter les premiers vins sortis en bouteille et se forger une opinion plus définitive sur ce millésime 2020 qui, quelque soit la qualité finale des vins en bouteille, restera à jamais dans les mémoires…

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Cette publication a un commentaire

  1. Pierre Benveniste

    Je constate depuis quelques années des vendanges en septembre par beau temps chaud. La vigne ne connait plus de phases terminales de maturation aux nuits froides et aux brumes matinales se dissipant de plus en plus tard. Je ne retrouve plus dans les vins modernes titrant généralement 13°5 à 14°5 un peu partout (même en Alsace) les arômes d’antan. Les vins de Bordeaux de 1979 à 1981 qui me restent titraient 11°5 et sont pourtant aussi concentrés que les vins actuels qui souvent brûlent la bouche par excès d’alcool au détriment des arômes.

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