Angélique de Lencquesaing répondait il y a quelques jours aux questions de Cédric Decoeur sur BFM Business. Un point sur les enchères de fin d’année et un focus sur l’Alsace.
L’année 2020 touche à sa fin… les dernières semaines précédant les festivités de Noël sont traditionnellement très actives sur le front des enchères, qu’en est-il cette année, au cœur de cette période si particulière : les amateurs sont-ils au rendez-vous ?
L’une des particularités de la fin d’année, c’est souvent la quantité de vins proposés aux enchères. 2020 ne déroge pas à la règle en dépit d’un exercice que le confinement a rendu plus acrobatique. Les catalogues regorgent de flacons magnifiques, non seulement destinés à être bus ou offerts à Noël, mais également parfaitement éligibles au « placement vin » puisque c’est le sujet qui nous occupe ici.
2020 est effectivement une année à part. Cette hausse des volumes adjugés est plus importante, moins importante que les autres années ?
Le second confinement que nous vivons est très différent de celui du printemps, avec des restrictions de mouvement et d’activité bien moindres. De ce fait, la chute des volumes disponibles à la vente aux enchères, telle que nous l’avons enregistrée en mai (-51% en volume, -32% en valeur par rapport au même mois de 2019) ne s’est pas reproduite en fin d’année, heureusement. Au contraire, les amateurs ont mis à profit le second confinement pour ranger leur cave, trier et revendre certains flacons. En octobre 2020 les volumes ont connu une hausse de 26%. Et, ce qui est frappant, en valeur, les adjudications ont progressé de 43%.
L’effet prix est donc vraiment significatif, le marché serait-il en surchauffe ?
Ce sont surtout les taux d’exécution qui affichent une forte hausse. Pour être précis, lorsqu’un amateur vend sa cave, les flacons sont vendus progressivement, 50 à 60% à la première vente, le solde en deux, trois ventes suivantes. Je précise que sur la plateforme d’iDealwine ces ventes se succèdent au rythme de 3 à 4 ventes par mois.
Ce que nous observons depuis le premier confinement de mars, c’est que le rythme avec lequel les caves se vendent s’accélère, près de 80% des flacons sont adjugés dès la première présentation. Pas de surchauffe à proprement parler, mais disons que les amateurs sont à l’affût ! Et il faut alimenter leur appétit …
Ce phénomène est valable pour l’ensemble des vins, des régions ?
Oui, toutes les régions sont concernées, même si dans certaines les prix restent plus stables que dans d’autres. On peut également parler des grands vins bien sûr, mais aussi – et c’est une nouveauté pour nous cette année – de grands spiritueux.
Oui, nous allons en dire un mot, mais pour les vins, aux côtés des grands vignobles traditionnels qui attirent tous les regards, les autres régions ne sont-elles pas un peu délaissées ?
Toutes sont recherchées à des degrés divers selon le niveau de connaissance et de passion des amateurs. Mais j’aimerais évoquer un vignoble qui me tient à cœur, et dont les vins ne sont pas à proprement parler spéculatifs. Pourtant ils ont toute leur place dans une belle cave de collectionneur, constituée au fil du temps dans une perspective patrimoniale. Je veux parler de l’Alsace.
L’Alsace, effectivement, n’est pas souvent au cœur de nos échanges, surtout sous l’angle du placement vin. Comment expliquez-vous cela ?
Effectivement, l’Alsace représente moins de 1% des adjudications de vin, en volume comme en valeur. Et pourtant, on trouve dans cette région des vins d’une importance majeure, de notoriété mondiale – demandez aux plus grands domaines, ils exportent plus de 80% de leur production. J’ajoute qu’il s’agit là de grands vins de garde, et comme vous le savez la capacité de conservation est l’un des critères indispensables pour le placement-vin.
Il y a quelques grandes étiquettes en Alsace, effectivement, comment évoluent-elles dans les ventes aux enchères ?
Oui, au sommet de la cote, le riesling Clos Sainte-Hune de la maison Trimbach est le plus connu. Elle cumule plusieurs atouts : c’est un riesling, le cépage le plus renommé, le plus connu aussi de par le monde. Ce Clos est un terroir calcaire de 1,67 hectares situé au cœur du grand cru Rosacker. Il appartient à la famille Trimbach depuis plus de 200 ans. Un monopole donc, aujourd’hui réputé pour sa droiture et son caractère cristallin. Dans les grandes années les vins atteignent voire dépassent le seuil de 500€. Ce fut notamment le cas, récemment, pour le millésime 1990, adjugé 553€ (+25%). Un prix élevé que rattrapent progressivement les autres millésimes même s’ils se situent encore en-dessous du seuil des 200€ la bouteille.
Existe-t-il d’autres icônes en Alsace ?
Le somptueux vignoble alsacien est jalonné, du nord au sud, de grands crus et de terroirs passionnants, calcaires, granitiques, volcaniques… Profondément marqués par l’histoire géologique de cette région. Est-ce la variété, la multiplicité de ces terroirs ? La difficulté parfois aussi à en décrypter les noms ? Les vins peinent à se démarquer. En revanche, les vignerons et les domaines eux, se détachent. Nous avons en Alsace d’immenses vinificateurs, des personnalités passionnantes.
Plus que les vins eux-mêmes, ce sont les hommes et leurs domaines qui forgent la notoriété des crus ?
Disons que la qualité de leur travail, leurs choix de culture de la vigne, leurs engagements en matière d’écologie, de viticulture durable sont autant de marqueurs pour les amateurs en quête de grands vins. Dans cette région où l’on a longtemps considéré que les vins d’Alsace donnaient « mal à la tête », les grandes signatures qui travaillent en bio, en biodynamie et même de la manière la plus naturelle possible sont légion. Des figures établies, à l’instar d’Olivier Humbrecht, d’André Ostertag, de Jean-Michel Deiss. Et une génération montante qui prend le relais avec l’idée de faire des vins toujours plus purs, plus droits, plus respectueux de leur terroir.
Les grands crus d’Alsace sont donc éligibles à l’achat dans une perspective patrimoniale ?
Oui, bien sûr, dans la mesure où ils conjuguent plusieurs atouts majeurs : d’abord leur qualité, désormais avérée, et confirmée plus sur le marché international que sur le marché français, de façon paradoxale. C’est notamment le cas des vins du domaine Zind-Humbrecht, plébiscités à l’étranger et à tort jugés chers par les amateurs français. Parmi les vins les plus réputés, citons le riesling Rangen de Thann Clos Saint-Urbain, un terroir volcanique situé quant à lui au sud de la région. Dans les millésimes 2002 et 2010 il s’échange 117€.
Donc, une grande qualité de terroir, une reconnaissance internationale.
Une identité régionale forte, qui s’exprime au travers des cépages, bien sûr, riesling, pinot gris, gewurztraminer, mais aussi dans les variétés de vins produits. Je pense aux Vendanges tardives et aux sélections de grains nobles, des vins magiques, d’une densité exceptionnelle car issus de raisins récoltés à maturité avancée et d’une vendange haute couture, grain par grain. J’ajoute que ces vins disposent d’une remarquable capacité de garde.
Certains domaines, à l’instar de Jean-Michel Deiss, font le choix d’une complantation de cépages pour la production de ses grands crus Altenberg de Bergheim, Schoenenbourg. De grands vins au profil complexe, qui méritent d’être appréciés pour eux-mêmes, des vins de méditation…
Certes, mais les prix restent généralement assez doux… peut-on en espérer une plus-value ?
Oui, c’est encore l’un des vignobles les plus passionnants à explorer pour l’amateur en quête de beaux flacons. Et effectivement, les prix de la plupart des grands crus restent en dessous du seuil des 100€ pour la plupart des domaines, mais les plus réputés. J’ai cité Zind-Humbrecht, Deiss, on peut également parler des domaines Weinbach, Albert Mann, Boxler et Ostertag qui exploitent de somptueux terroirs. Notons aussi, parmi les noms à suivre, Bott-Geyl ou Züsslin, et aussi, la relève au domaine Deiss avec le fils de Jean-Michel Deiss, Matthieu, et son vignoble du Rêveur.
Ces vins sont déjà largement reconnus, et pour l’instant sous-estimés. Gageons qu’avec le temps, nombre d’entre eux deviendront des icônes.
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