Interview-BFM-iDealwine-Trimp-BrexitChaque mois, Angélique de Lencquesaing est interrogée sur BFM Business par Guillaume Sommerer et Cédric Decoeur, pour commenter l’actualité et les tendances du marché des grands crus, dans le cadre de l’émission Intégrale Placements. Retrouvez son interview.

Nous avions évoqué il y a quelques semaines les craintes d’une « surtaxe Trump » sur les vins français exportés vers les Etats-Unis. Cette crainte s’est éloignée, c’est bien cela ?

La menace était double ! Elle concernait deux points d’achoppement entre les USA et l’Europe : le duel Airbus – Boeing d’un côté qui a abouti en octobre 2019 à l’instauration d’une surtaxe de 25% sur les vins français, et le sujet de la taxation de l’activité en Europe des GAFA de l’autre. Une mesure pour laquelle Donald Trump menaçait de passer les taxes sur le vin de 25 à 100%. La menace s’est éloignée sur ce dernier front dans la mesure où les Etats-Unis et l’Europe ont décidé de se donner une année supplémentaire pour aboutir dans leurs discussions. Le vin dans tout cela n’est pas directement concerné, il n’est que la monnaie d’échange, la victime collatérale de ces négociations.

Deux points méritent aujourd’hui d’être précisés :

  • D’une part, les 25% appliqués sur les vins français depuis le 18 octobre 2019 semblent acquis, et ne seront pas sans conséquences.
  • D’autre part, on ne connait pas les suites d’une révision possible de la liste des produits impactés par cette surtaxe de 25% ad valorem.

Vous voulez parler de la liste de produits couverts par la taxe, qui pourrait être revue à la mi-février, dans le cadre des négociations concernant les subventions octroyées à Airbus ?

Oui, si la liste est revue dans le cadre de ce « carrousel » de négociations, certains produits qui y échappaient jusqu’à présent pourraient à leur tour être touchés. Parmi ceux-ci, les vins à plus de 14° d’alcool, les vins effervescents, les spiritueux… Ajoutons à ce tableau que le niveau des taxes (25%), est lui aussi susceptible d’être revu en février…

Autre conséquence, qui cette fois-ci jouerait dans le sens d’un rétablissement de la concurrence : les vins italiens, jusqu’ici exclus de la liste – celle-ci ne compte que des produits issus de pays participant au Groupement Airbus – pourraient y être à leur tour intégrés….

Quelles sont les conséquences pour le marché des grands crus et, ce faisant les investisseurs ?

De telles situations d’instabilité sont rarement favorables au commerce, et peuvent même bloquer les échanges.

Au niveau des producteurs de vin, la répercussion de la taxation à 25% a été immédiate, et n’a épargné aucun vignoble.

Prenons la situation de la Bourgogne, une région très tournée vers l’export, qui concerne 55% des volumes expédiés. Louis-Fabrice Latour, Président du BIVB (Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne), indiquait ainsi il y a quelques jours que les annulations de commandes vers les Etats-Unis ont engendré une chute de 13% des expéditions dès novembre 2019.

A notre petite échelle – les USA représentent environ 5% des ventes d’iDealwine – les amateurs ont stoppé net leurs achats en fin d’année. En revanche, la crainte d’une taxe portée à 100% les a fait revenir !

Qu’ont-ils acheté ?

Majoritairement… des vins de Bourgogne, parmi les plus rares (Roumier, Dujac, Lafarge en rouge, Coche-Dury, Roulot ou Arnaud Ente en blanc), des vignerons « nature » de la vallée du Rhône (L’Anglore, Gonon), des années matures du Clos Rougeard, dans la Loire… Une sélection éclectique qui a pour dénominateur commun la rareté des vins, et, très probablement, la grande difficulté à les trouver sur le territoire américain.

Pas de Bordeaux dans les achats américains… La région tout entière semble souffrir particulièrement de cette situation ?

Effectivement, seules quelques bouteilles de grands crus bordelais ont été acquises aux enchères par nos clients américains dans les dernières ventes. D’une manière générale (et pas uniquement aux enchères sur iDealwine), les vins de Bordeaux ont enregistré, une baisse de 46 % de leur chiffre d’affaires en novembre, avec 24 % de volume en moins exporté sur le marché américain.

Et pourtant, aux différents niveaux de la chaine, les distributeurs rognent sur leurs marges pour limiter l’impact de ces taxes. C’est pour cette raison que les représentants de la filière bordelaise réclament la mise en place d’une aide de 300 millions d’euros, qui permettrait de soutenir toute la filière française. En effet, cette somme représente 25 % (soit le taux de la taxe américaine) du chiffre d’affaires généré par les exportations de vin vers les États-Unis.

Dans les ventes aux enchères, la part de Bordeaux s’écroule aussi ? Une tendance qu’il est important à suivre dans une perspective d’investissement.

Non, ce n’est pas ce que nous observons. Bordeaux représentait, dans nos dernières ventes de fin janvier, 46% en valeur, et 45% en volume des vins vendus, une proportion en ligne avec la répartition que nous constatons habituellement. Les amateurs français constituent un socle solide, et fidèle, d’acheteurs, nos clients de l’Hexagone ont acquis 56% (en valeur) des bordeaux proposés à la vente ; ajoutons que l’Europe (hors France) est extrêmement dynamique (30% des achats de bordeaux). Les vins de Bordeaux demeurent donc une valeur sûre à l’achat, même si les prix ne connaissent pas de flambée actuellement.

Un petit conseil au passage : il est actuellement préférable de se tenir à l’écart des grands millésimes en « zéro » (1990, 2000, 2010) qui sont impactés, à la hausse, par l’effet anniversaire. Ces années sont en effet particulièrement recherchées par les amateurs qui célèbrent le franchissement d’une nouvelle décennie en 2020.

Pour rester dans une actualité brûlante, les effets du Coronavirus se font-ils sentir sur le marché des enchères de grands vins ?

Nous sommes évidemment très attentifs, le vin n’étant à l’évidence pas un produit de première nécessité. En pleine célébration du Nouvel An chinois, la situation ne pourrait être plus défavorable, alors que le cette période festive est traditionnellement marquée par l’échange de cadeaux, de dépenses parfois peu rationnelles. Les dernières enchères achevées sur iDealwine la semaine dernière n’ont pas marqué de mouvement significatif, les achats en provenance de l’Asie continuant à représenter 15% du volume des ventes observé sur la plateforme d’iDealwine (Hong Kong, Chine continentale, Japon). Il est toutefois certain que nous devons nous préparer à quelques semaines plus compliquées en termes d’activité si la Chine reste ne redémarre pas à l’issue de la période d’arrêt lié à ce Nouvel An prolongé qui paralyse tout le pays.

Et on n’a pas encore parlé du Brexit… Ces difficultés à l’export, pour les grands noms du vin français, ouvrent-elles des opportunités en termes de placement pour les amateurs ?

Effectivement, pour ce qui concerne l’activité d’iDealwine, les acheteurs Chinois et de Hong Kong, le marché anglais et les USA représentent des zones de développement stratégiques.

Mais d’une manière générale, notez que les grandes signatures rares demeurent toujours aussi attractives aux yeux des étrangers, et malgré tous les obstacles que vous citez, il est hautement recommandé de rester à l’affut des futures stars. Je veux parler de ces vins qui n’ont pas encore vu leurs cours exploser. Aucune région n’est à l’abri. Par exemple, en ce moment c’est du côté de la vallée du Rhône que nous enregistrons des prix en forte hausse. Hier, c’était dans le Languedoc, avec un record sur le premier millésime produit au domaine de la Grange des Pères, le 1992. Un autre flacon vendu la semaine dernière a quasiment reproduit le record de décembre (5219€), atteignant 5035€ le flacon. Et demain, d’autres records s’établiront dans la Loire, le Jura, ou l’Alsace ? Qui sait…

Dans le Rhône ? Quelques exemples de noms à suivre ?

Parmi les records, citons Côte-Rôtie Côte Brune 1983, de Marius Gentaz-Dervieux. Un vigneron dont le domaine a été démantelé, et dont le 1983 a récemment atteint 2395€ ! Au sud de la région, à Châteauneuf du Pape, deux icônes ont fait flamber les enchères dans le millésime 1990 : sans surprise, Château Rayas (1474€) et la Réserve des Célestins d’Henri Bonneau (1412€).

Ça, ce sont les stars… mais les noms à suivre ?

Certains noms encore peu connus du grand public affolent déjà les enchères. Pour n’en citer quelques-uns, plébiscités dans nos dernières ventes :

Dans le sud du Rhône, Gramenon, Vieux Télégraphe, ou L’Anglore à Tavel. Au nord, à Cornas, Franck Balthazar et le domaine Alain Voge. Notre bien que deux appellations méritent d’être suivies comme le lait sur le feu : il s’agit de Saint-Joseph et Crozes-Hermitage, avec une attention particulière pour les domaines Gonon, Bernard Gripa ou Combier.

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Cet article a 3 commentaires

  1. Droulers

    Bravo chère Tantine Angelique.
    Stephane, le neveu

  2. Duniere

    Bonsoir en Septembre je vous ai envoyé 2 fois une liste de grands vins de Bordeaux et de Bourgogne vous ne m’avez jamais répondu …..
    Vous m’avez répondu sur quelques bouteilles de champagnes mais pas pour mes 12 vins rouges
    Salutations

    1. iDealwine

      Bonjour Monsieur,

      Excusez ce silence, bien involontaire, ces délais sont inhabituels (nous répondons habituellement sous deux ou trois jours).
      Je vous suggère d’envoyer un email à vendeur@idealwine.com avec la liste de vos vins rouges et le service dédié reviendra vers vous.
      Bien cordialement,
      L’équipe iDw

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