Interview-BFM-Covid-effets-marche-grands-vins

A l’issue des premières semaines de confinement, Angélique de Lencquesaing, connectée à distance, analysait il y a quelques jours avec Guillaume Sommerer, sur BFM Business, les effets de la crise sanitaire sur les échanges de vin.

Les effets du Covid-19 sur le marché du vin

  • La situation est extrêmement délicate pour de nombreux acteurs économiques, et notamment pour le monde du vin. Quels échos recevez-vous du vignoble actuellement ?

Je vous le confirme, les vignerons traversent une période difficile. Sur le plan commercial, la mise à l’arrêt de tout le secteur de l’hôtellerie et de la restauration a eu des conséquences immédiates sur leurs ventes et leur trésorerie.

Ajoutez à cela L’annulation des salons, qui a amplifié le phénomène pour les domaines vendant une part significative de leur récolte via ce canal. Ils n’ont pas eu l’occasion de présenter leur dernier millésime. Pour certains vins sensibles à l’effet de saisonnalité, comme les rosés, les stocks s’accumulent.

Je tiens à saluer de la part de notre équipe tous les vignerons partenaires, chez iDealwine nous jouons pleinement la carte de la solidarité en poursuivant nos achats auprès des domaines, en dépit d’une situation plus qu’incertaine pour l’avenir de notre activité.

  • Le e-commerce est pourtant relativement protégé actuellement, voire… favorisé par le confinement ?

Pour nous, la situation est paradoxale : les amateurs ont plus de temps, ils sont restreints dans leurs mouvements durant cette période de confinement, certains s’ennuient… D’autres cuisinent des petits plats… Nous constatons donc chez iDealwine qu’ils ne désertent pas le terrain de jeu des ventes aux enchères, loin de là.

En revanche l’essentiel de leurs achats se recentre en ce moment sur des vins accessibles, à des niveaux de prix inférieurs à ce que nous observons en temps normal.

  • Et vous pouvez livrer normalement les commandes ?

Rien n’est normal en ce moment ! Pour iDealwine la crise sanitaire a un double impact :

A très court terme elle désorganise l’ensemble de la chaîne logistique, de la préparation des commandes aux expéditions.
La Poste livre de plus en plus difficilement, nous devons imaginer des solutions alternatives.
Et ça marche ! je viens de recevoir mon colis iDealwine sur mon lieu de confinement, je suis grisée et ceux qui m’entourent également…

A moyen terme, c’est plus préoccupant, car c’est toute notre offre de vins matures, issus des caves des particuliers qui pourrait se tarir si le confinement dure plusieurs mois.

Ceux qui veulent vendre peuvent toujours faire estimer leurs vins, préparer la vente. En revanche, l’enlèvement des caves et l’expertise sont provisoirement suspendus.
C’est pourtant un excellent moment pour prévoir la vente de sa cave, les acheteurs sont à l’affût !

  • La dégustation des primeurs de Bordeaux a été annulée… Quel est l’impact pour la région ?

L’impact est majeur pour Bordeaux.

Rappelons que la mise sur le marché d’un millésime – en l’occurrence le 2019 cette année – se déroule en plusieurs temps. Il s’agit alors de dresser un profil du millésime, d’établir des notes, une hiérarchie qualitative entre les crus, les appellations.
La mise en marché de ce millésime se déroule quelques semaines après, une fois les notes publiées, en mai-juin. Rien de tout ça cette année…

L’impact est donc majeur, car cette semaine de dégustations contribue à braquer les projecteurs sur toute la région.

Ces ventes en primeurs concernent finalement peu de propriétés, pourtant…

Nous parlons de propriétés connues du monde entier ! Environ 400 signatures bordelaises vendent leurs vins en primeur, ce qui permet d’assurer leur trésorerie jusqu’à la fin de l’élevage des vins.

En effet, les achats en primeurs sont réglés en 3 fois aux propriétés (novembre, mars, juillet). Pour 2020, les châteaux espèrent obtenir le paiement de leurs traites de mars et juillet sur les vins du millésime 2018. Et s’ils ne vendent pas en primeur les 2019 ils devront faire une croix sur les rentrées financières de novembre.

Mais au-delà, l’impact est beaucoup plus large : c’est toute l’image de Bordeaux qui en subit les effets car il ne sera pas donné d’indication sur le niveau qualitatif du millésime.

Mais ces dégustations pourraient être reportées de quelques semaines ?

En temps normal, 5 à 8 000 professionnels affluent à Bordeaux pour déguster et évaluer le millésime…

Un report est envisageable, mais à une échelle réduite :

  • Les Européens pourraient répondre présent, avec un bémol sur les Anglais, en plein Brexit.
  • Les Américains, déjà peu enclins à venir pour d’autres raisons (taxes Trump) et plus encore
  • les Asiatiques vont nécessairement limiter leurs déplacements au cours des prochains mois.

Si ce millésime est vendu un jour, les prix devront nécessairement baisser ? 

La récession économique qui se profile à l’échelle mondiale va créer des facteurs exogènes qui ne seront pas favorables à la vente de ce millésime.

Ce qui compte, dans l’immédiat, c’est que les propriétés communiquent de manière solidaire et regroupée, qu’elles prennent clairement position à l’égard du marché et annoncent ce qu’elles prévoient pour la commercialisation des vins.

Car le risque, au-delà même de la question du prix, c’est que les acheteurs passent leur tour et recentrent leurs achats sur d’autres régions.

  • Les vignerons doivent affronter également une météo délicate, avec des risques de gel. Qu’en est-il dans le vignoble ?

Ces dernières nuits ont effectivement donné quelques inquiétudes aux vignerons. Il a gelé à Chablis, les viticulteurs ont allumé des feux dans nombre de régions, en Bourgogne, dans la Loire, et même à Bordeaux où il neigeait il y a quelques jours !

C’est grave pour la vigne à ce stade ?

La vigne a débuté son débourrement, les bourgeons commencent à éclore. Pour autant, les incidences du gel à ce stade de développement de la vigne ne sont pas dramatiques. A Sauternes par exemple, les brumes ont suffi à protéger les vignes du froid.

Un épisode de gel plus tardif pourrait se révéler critique, comme ce fut le cas en 2017.

Attention aux prochaines nuits de pleine lune (8 avril, 7 mai) parfois à l’origine d’anticyclones qui gomment les couches de nuages et font chuter les températures.

  • Voyez-vous des opportunités poindre pour les amateurs désireux d’investir dans le vin ?

A l’étranger, on voit que les anglo-saxons sont comme toujours pragmatiques. Ils n’hésitent pas à extérioriser des moins-values, prendre leurs pertes pour se donner les moyens de saisir les bonnes affaires. Dans les échanges entre professionnels, certains grands crus classés ont vu leurs cours s’affaisser de 20%, c’est moins que ce que l’on constate à la Bourse, mais ça n’en demeure pas moins significatif.

Ça c’est pour les professionnels. Et chez les particuliers ?

Dans nos enchères, les amateurs – principalement particuliers– sont très actifs, nous avons noté ces jours-ci le retour d’enchérisseurs Européens, mais aussi des Etats-Unis et d’Asie.

Les ventes sont très suivies avec des niveaux de prix qui se tiennent pour le TOP 3 de la Bourgogne (Romanée Conti, Roumier, Rousseau). Les grands crus de Bordeaux et du Rhône demeurent stables.

C’est un vrai signe de résilience pour un produit qui fait figure de valeur refuge en temps de crise. Et nous en avons traversé plusieurs depuis 2000 chez iDealwine : 2002, 2008, 2011 ! Celle-ci n’est pas des moindres, reconnaissons-le.

Mais les amateurs vont quand même pouvoir faire quelques bonnes affaires ?

Oui, bien sûr. Nous devrions constater à terme, des baisses de prix sur les vins de qualité moyenne : millésimes moins réussis, années de petite garde. Beaucoup d’opportunités en perspective, donc pour des vins plus à boire qu’à collectionner.

Mais aussi, à la faveur de ce que l’on appelle les « creux de vente », de belles bouteilles à saisir et à garder en cave ! je pense notamment :

  • A l’un des domaines qui affolent les enchères depuis des années : le château Rayas. Tous les autres vins produits par le mythique Emmanuel Reynaud (côtes du rhône, Vacqueyras) ont beaucoup progressé ces derniers mois. Une accalmie, même fugitive, serait bonne à saisir !
  • Aux belles années de Bordeaux dans les millésimes récents. Comme elles ne sont pas vraiment rares, les prix restent stables. 2015 et 2016 sont à rechercher en ce moment.
  • Et que dire des sauternes ? Des liquoreux de rêve à des prix incroyablement bas actuellement !
  • Sans oublier les domaines des régions moins fréquemment présentes dans les ventes, et pourtant adulées des amateurs pointus : vallée de la Loire, Languedoc, Beaujolais…. Pleins de noms figurent dans le Baromètre des enchères que nous nous apprêtons à publier, vous allez voir, j’espère pouvoir venir pour de vrai vous en parler, le studio de BFM me manque !

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