Paris médiévalLe peuple encouragé à boire du vin

Au Moyen Age et jusqu’au 17e siècle, il existe une différence flagrante entre les paysans, qui ne boivent pas une goutte de vin, ou très peu – ils buvaient de l’eau, ou une boisson obtenue en versant de l’eau sur le marc – et les habitants des villes.

Pas d’autre solution dans ce cas, pour les viticulteurs, que d’orienter leur production vers cette manne et d’écouler leur vin auprès des travailleurs manuels employés par un maître à demeure.

En effet, les paysans, pauvres, se nourrissaient par leurs propres moyens ; par souci d’économie, ils se privaient donc de vin. A contrario, les travailleurs manuels logés et nourris n’avaient pas ce souci : ils pouvaient boire du vin quotidiennement, donné par le maître. Or cette population de domestiques était fort nombreuse dans les villes : elle représentait un quart de la population à Paris (200 000 domestiques pour 800 000 habitants en 1719). Bref, il fallait abreuver tout ce monde.

L’idée d’une accoutumance tardive au vin qui n’aurait eu lieu qu’à la faveur d’un accroissement de la richesse publique ne tient pas. Le petit peuple urbain s’est refusé à retrancher sa ration de vin, pourtant onéreuse, de son quotidien, même en sortant de l’état de domesticité et devenir un ouvrier moderne « à son compte ».

Ce fut, nous dit Roger Dion, plus un effet d’amour-propre que d’un réel besoin physique ; « le comportement des classes opulentes ou privilégiées, cette fois encore, détermina celui de la masse« . Le même raisonnement de mimétisme de classes joue à plein dans la Civilisation des mœurs de Norbert Elias.

Le vin a imbibé la vie sociale de tout le peuple urbain ; dans le quotidien, pour les repas bien sûr, mais aussi lors des fêtes, comme la venue du roi. La municipalité offrait alors à toute la population de grandes quantités de vin, qui s’échappaient de fontaines en flots incessants.

Mais il y avait aussi le « vin de treille », spécialement réservé aux domestiques. Ce vin de moindre qualité leur était destiné (même si certains maîtres donnaient à ses serviteurs le même vin que celui de sa table).

Seulement dans la partie septentrionale de la France, ou les aléas climatiques influencent fortement la qualité de la récolte, on ne pouvait pas compter chaque année sur un surplus de vin, provenant des « déchets » des premiers vins. Il fallait donc dédié à ces « seconds vins » une partie des vignes, pour être sûr d’obtenir chaque année les quantités suffisantes pour les serviteurs.

Et pour éviter une surabondance de stocks, les cas de belles années, il fallut aussi trouver un moyen d’écouler ce vin simple, par une vente sur place.

La vente « à pot » et les treilles

Les treilles se développèrent pour fournir de quoi produire ces vins de seconde qualité. Conduits en longue taille, les sarments donnaient largement. C’était un moyen commode d’obtenir le maximum de récolte sur le minimum de surface.

Ce mode de culture se développa notamment dans les grandes villes, où l’espace se faisait rare.

Le « jus de la treille » ou « vin de la courtille » évoquent donc l’idée d’un vin inférieur. Cette modeste boisson fut pourtant bien appréciée du petit peuple.

Lorsqu’il fallait écouler d’encombrants surplus, à la faveur d’une généreuse récolte – la cave ne pouvant bien souvent pas contenir plus que la consommation domestique de l’année – il était un moyen admis et fort répandu : la vente à pot.

Le maître pouvait alors consacrer une pièce de sa maison qui ouvrait sur la rue à la vente de ce vin. La seule obligation était de ne pas faire entrer les clients chez soi et de commercer de part et d’autre de la porte coupée en deux volets, dont celui de la partie inférieure restait fermé, celui du haut, ouvert, permettant l’échange (huis coupé).

Sinon il pouvait aussi confier cette vente à un tavernier du voisinage. Dans l’un et l’autre cas, la vente était exemptée de droits. Cet usage, qui trouve sa source dans l’antiquité, perdura jusqu’au règne de Louis XV.

Seul le vin en provenance de ses propres terres pouvait faire l’objet d’un tel trafic, sans que le propriétaire en trouvât matière de honte. Bien sûr, il y eut des dérives, notamment en raison des exemptions d’impôts. Mais c’était même une activité noble, à condition de vendre à des consommateurs de passage, sans les faire entrer chez soi et ainsi s’assimiler aux commerçants du métier, peu prisés.

Les bourgeois possesseurs de vignobles restèrent très attachés à cette pratique jusqu’à l’édit de 1759 qui abolit ces privilèges fiscaux.

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