Grand Tasting bettane & desseauve

Découvrez la lettre, ou que dis-je, le pugilat reçu ce lundi par Thierry Desseauve et Michel Bettane, écrit (et trempé dans l’acide) par nos voisins de salon, et, avouons-le, c’est très salé 😀

Paris, le 3 décembre 2018,

Chers Messieurs Bettane et Desseauve,

Tout d’abord, merci pour ce salon et l’accueil reçu. L’ambiance cordiale, la qualité des exposants et la passion des visiteurs nous ont pleinement comblés lors de ce séjour à Paris. Cependant, l’objet de notre missive concerne nos voisins de stands, iDealwine, déloyaux dans leurs choix de cuvées et peu amènes lorsqu’il s’est agi de ne pas accaparer tout le visitorat du salon devant leur échoppe… Nous allons développer plus amplement nos contrariétés, mais, à l’avenir, essayez de nous placer un peu plus loin de ce pôle devenu avec les années très problématique.

Etant mon mari et moi très prévoyants, et donc présents dès la veille sur les lieux de la manifestation, nous avons pu constater l’énorme travail fourni en amont par ceux qui essaient de se faire appeler les iDealwiners (notez d’ailleurs le souci d’internationalisation des coupables !). Dès le jeudi soir, les sublimes Elsa et Constance se pressaient devant le stand 105 pour afficher leurs couleurs et prendre un avantage certain dès le début de l’exposition. Que de matériel prévu pour choyer les clients ! Vasques, Easy-coolers, tracts, affiches, écrans, ordinateurs et tablettes mis à disposition des badauds, fieffé complot avec Bettane et Desseauve pour proposer à la vente et au prix domaine la majorité des cuvées présentes au salon… Le ton était donné.

Dès le matin du vendredi, le défilé commença… Constance (encore elle !), Grace, Guénola, Astrid, Raphaël et Florian, bientôt rejoints par Angélique et Cyrille, débouchèrent en grande pompe un flacon de jurançon Jardin de Babylone de Didier Dagueneau 2014. Outre la surprise qui se reflétait dans les yeux émerveillés des dégustateurs, ce fut la convivialité non feinte qui nous frappa au regard de ce stand. Ils enchaînèrent sur un joli chablis du domaine Pattes Loup 2015, en duo avec un teuton breuvage appelé Jojosse Prume Velainère Sonne Nurqua Binette (Joh. Jos. Prüm Wehlener Sonnenuhr Kabinett, ndlr). Pour m’être mêlée à la foule et l’avoir goûté en cachette en laissant mon pauvre mari derrière notre stand, je peux vous dire que ce sont de superbes vins… mais cela doit rester entre nous. Et, puisque c’est bien connu, les criminels récidivent toujours, je peux également vous dire que le montlouis du Rocher des Violettes offrait une expression féérique du chenin. Là encore, cela ne doit pas s’ébruiter. Brûlez d’ailleurs cette lettre après lecture.

En rouge, ces dyonisiens invétérés n’avaient pas hésité à ouvrir la cuvée XB de la Terrasse d’Elise, un Clos du Jaugueyron et un 1er Cru Les Bressandes du domaine des Croix, pour satisfaire à la fois sudistes, bordelais et bourguignons… Si l’on ajoute à cela le crozes-hermitage d’Aléofane, le cahors Clos Triguedina Probus ou le CP9 Boisrenard du domaine de Beaurenard, on obtient une sorte d’union sacrée viticole que les autres exposants ne peuvent suivre ! Mon mari m’a même dit avoir aperçu bourguignons et bordelais main dans la main dansant la gavotte ! Preuve s’il en était besoin de leur désir de conquête, ces scélérats bienveillants n’avaient pas hésité à ouvrir, au nez et à la barbe des producteurs italiens présents dans l’espace adjacent, un sassicaia 2014 de la mythique Tenuta San Guido ! Quel manque de fair-play… Une honte, vous dis-je. Heureusement, tous les visiteurs ne se sont pas laissé berner et certains ont tout de même visité d’autres stands, avec un plaisir non dissimulé !

Le vrai problème est venu de leurs (parait-il habituelles) dégustations à l’aveugle. Une fréquentation de stade de football, une ambiance de festival breton, et des sourires amusés comme si le vin s’était transformé en Coluche… Si cela peut leur nuire, je vous donne les réponses de ces deux jours bacchiques, avec dans l’ordre :

Arbois La Mailloche de Stéphane Tissot 2015

Felton Road Pinot noir Barnockburn 2016

Château Lagrange 2000 (servir des vins prêts à boire devrait être interdit dans vos locaux, pour plus d’égalité)

Meursault de François Mikulski 2015

Cornas Billes Noires du domaine du Coulet 2006

Moulin à Vent La Roche du Château des Jacques 2010 (Maigre consolation que de voir que personne n’avait trouvé ne serait-ce que la région du dernier !)

Grand Tasting bettane & desseauve dégustation
Une photo prise en caméra cachée par votre dénonciatrice

Notre stand était alors vidé de toute substance… C’est donc discrètement que je me suis rendue à leur dégustation privée du vendredi soir. Plus fair-play, les trois initiateurs de ce sinistre forfait, Angélique, Lionel, et Cyrille, avaient prémédité de convier moults grands vignerons à présenter des cuvées premium aux membres du Club iDeal. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils sont soignés, ces membres du Club iDeal… Et quel succès ! Le bonheur de tous ces férus de la marque à la spirale faisait, concédons-le, chaud au cœur, même si ma présence dans l’assemblée sonnait en moi comme un aveu d’échec…

Rongée par la culpabilité, je n’avouai rien à mon mari sur mes dégustations discrètes chez la concurrence… Ce fût dur, mais je tins bon. Lui, en revanche, semblait abbatu(cci). Ce n’est que le soir que nous gagnât tous deux un espoir lumineux. Impossible de tenir une telle cadence sur deux jours ! Le samedi serait nôtre ou ne serait pas. Justice serait rendue. C’est donc le pas vif et sûr que nous nous rendîmes de nouveau au Louvre le samedi matin. Nous débouchâmes avec amour nos flacons, préparâmes plume en main nos discours de vente, quand soudain, la supercherie éclata.

Jetant un œil sur notre gauche, nous comprîmes que nous avions été roulés une fois de plus. Les scélérats avaient organisé un relais, et une équipe toute neuve venait de débarquer ! Fanny, Justine, Jean-Baptiste, Elsa et Emmanuel, frais comme des muscadets, s’installèrent avec l’envie d’en découdre. Il fallut se résoudre à l’évidence, nous voulions ardemment goûter la sélection du samedi… Prenant mon courage à deux mains, je me résolus à suggérer à mon mari de passer la journée à déguster les précieux liquides exposés à côté de nous. En effet, s’il n’osait pas me le demander, je lui ôtai bien vite ce tourment. Ce fut presque un soulagement pour lui. Je crois avoir vu à ce moment, dans son regard, scintiller la lueur enfantine du gourmand qui sait qu’il sera bientôt rassasié.

Nous abandonnâmes donc notre stand pour nous immiscer dans la cohue et déguster, tour à tour, un riesling Clos Liebenberg de Valentin Zusslin, (« la montagne de l’amour », tonna fièrement ma bourrue moitié pour montrer sa maîtrise pourtant toute relative des langues germaniques). S’en suivit la cuvée Collines Rhodaniennes Le Pied de Samson de Georges Vernay (2016), pour une explosion aromatique de poire mûre et de fruits exotiques frais. N’hésitant pas à empiler les grands noms, un bouzeron Aligoté A&P de Villaine fut débouché sans vergogne. Mais nous n’étions plus adversaires ! Nous bavions presque d’impatience de voir les rouges, et nous ne fûmes point déçus, avouons-le. Un bourgueil Nuits d’Ivresse du domaine Breton pour la fraîcheur ligérienne, un haut-marbuzet 1996 parfaitement tuilé pour les arômes tertiaires, un morgon des domaines Lapierre et Desvignes pour lancer de passionnants débats sur les différentes expressions d’un même terroir, vinrent s’ajouter aux merveilles de la veille.

Cette sélection était trop bien rodée… Pourquoi lutter ? Il valait mieux capituler et se laisser aller à de douces rêveries viticoles, rendues encore plus plaisantes par la petite once de culpabilité qui subsistait encore chez les professionnels que nous sommes ! Nous plongeâmes donc tête la première dans le sauternes avec un château-guiraud 2001 parfaitement à l’aise dans son bac de glace, ne sortant qu’avec parcimonie pour abreuver subtilement les verres cristallins des plus aguerris. De discussions œnophiles en tirades enflammées, de rires tanniques en mielleuses pensées, nous restâmes tout le jour sur le stand d’iDealwine, et ce n’est qu’au soir, alors qu’au loin, dans les travées du Carrousel, raisonnaient de viniques chants dionysiens (notamment une mélopée qui consistait à hurler 100 fois de suite « Champions du Monde »), que nous reprîmes nos esprits.

Nous avions cédé à la tentation en oubliant notre stand ! C’est donc le cœur lourd que nous nous apprêtions à quitter Paris.  Non seulement nous n’avions guère profité du salon pour vendre nos flacons, mais surtout, et c’est bien plus grave, la fête était finie… Enfin, comble de la frustration, nous n’avions dégusté aucun vin en dehors des nôtres et de la superbement perfide sélection iDealwine, issue de leurs sournoises enchères et de leurs vils achats directs. Alors que nous cédions à l’effroi, quelque peu paniqués, Elsa vint nous affirmer que la grande majorité des vins du salons seraient disponibles à la vente sur iDealwine.com jusqu’au 10 décembre. Ouf, au moins, cela, nous pourrions le rattraper !

Par pitié, éloignez-nous de cette tentation l’année prochaine, en nous plaçant seuls, au fond du fond du Carrousel, pieds et poings liés à notre stand à nous. C’est ainsi et seulement ainsi que nous pourrons vaincre nos désirs vinicoles et nous tenir éloignés de cette spirale maléfique !

En vous remerciant encore pour la qualité de votre salon, et en saluant la gentillesse de tous les visiteurs, nous vous prions d’accepter nos salutations les plus sincères,

Œnologiquement vôtre,

La voisine de stand d’iDealwine

PS : si nous avons tous deux trahi notre entreprise le samedi, s’il vous plaît gardez vôtre le fait que j’ai craqué dès le vendredi, mon mari serait anéanti !

Droit de réponse d’iDealwine : c’est toujours un plaisir de faire plaisir, à l’année prochaine, chers voisins.
Un immense bravo à l’équipe Bettane+Desseauve et à la magicienne qui se reconnaîtra pour cette édition une fois de plus inoubliable…

L’article que vous venez de lire est bien entendu fictif, et toute ressemblance avec de vrais exposants ne saurait être que fortuite, pour la simple et bonne raison que nous n’avions pas de voisins 

Cette publication a un commentaire

  1. Gérard GUYON

    C’est joliment écrit, agréable à lire et susceptible, par son humour, de masquer la rancoeur de la rédactrice….qui peut se concevoir si les faits sont avérés !
    Cette jolie plume devrait toutefois se replonger dans l’usage du passé simple de l’indicatif et de l’imparfait du subjonctif.
    Vôtre dans l’amour du vin et de la langue française, les deux n’étant pas incompatibles,
    GG

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