BFM-Marche-Grands-Vins-Octobre-2021

Chaque mois, Angélique de Lencquesaing, co-fondatrice d’iDealwine, dresse un état du marché des ventes aux enchères de vin, vu sous un angle patrimonial. Interrogée sur BFM Business dans l’émission 100% Patrimoine, elle répond aux questions de Cédric Decoeur.

Cédric Decoeur : Alors que se profilent les ventes de fin d’année, faisons un point sur le marché des ventes aux enchères de grands crus.

Sur le marché des enchères de vin, la saisonnalité existe encore, avec de grandes ventes de fin d’année en préparation, mais nous notons d’année en année que cette saisonnalité tend à s’estomper avec la digitalisation des adjudications qui suscite une chalandise mondiale.

C.D. : Il n’y a plus de « bonne » ou de « mauvaise » période » pour vendre ?

Les enchères se déroulent tout au long de l’année, et c’est d’ailleurs au cœur de l’été que nous avons vu s’adjuger le vin de plus cher de l’année, un musigny 2006 de chez Leroy, vendu 28 244€ un 29 juillet…

C.D. : C’est vrai. Mais nous avions eu l’occasion d’évoquer avant l’été un phénomène d’engouement très fort, voire de surchauffe sur le marché. Qu’en est-il actuellement ?

L’enthousiasme reste très fort pour les enchères de vin. Et, à la clé, pour les grands crus que l’on peut y acheter. Les taux d’exécution (volume de lots vendus / lots mis en vente) n’ont jamais été aussi élevés. Dans la dernière vente, ce taux a dépassé 68% en volume, et 91% en valeur.

Dans notre dernière vente, 82% des lots qui étaient présentés à la vente pour la première fois ont été vendus. C’est inédit !

C.D. : Comment expliquez-vous cette ruée à laquelle vous semblez assister ?

Trois pistes d’explications principales : la première est directement liée à la pandémie, et aux épisodes de confinement qui ont amené les amateurs à vider leur cave, d’une part, et à adopter des habitudes d’achat sur des circuits digitaux (aux enchères ou pas), d’autre part.  Ces habitudes perdurent.

Deuxième piste, en n’allant pas en restaurant, en ne pouvant voyager durant de longs mois, les amateurs ont réalisé des économies. Le vin offre de jolies perspectives sur le plan patrimonial. Un vrai placement plaisir…

Troisième piste, moins réjouissante : la récolte de cette année augure, dans certaines régions, d’un millésime 2021 microscopique ou même, pour certains domaines, pas de production du tout. Prenez la Bourgogne, les chardonnays ont tellement souffert du gel que les rendements sont minuscules. On parle de 4 hl à l’hectare pour certains grands crus comme Corton-Charlemagne.  Dans cette perspective la solution consiste à rechercher les millésimes déjà produits. Ce qui crée un déséquilibre inflationniste entre l’offre et la demande, aujourd’hui mondiale.

C.D. : Cet écart volume/valeur met effectivement en évidence une forte hausse des prix, c’est bien cela ? Cette hausse est-elle générale ?

La situation doit en réalité être appréciée de manière distincte selon les régions, les types de vins, les millésimes. Un bon indicateur de la « chauffe », ou de la surchauffe du marché est le nombre d’enchères portées sur les lots proposés à la vente. Dans nos enchères, la mise à prix repose s’effectue un peu en dessous de la Cote iDealwine, cote qui, au passage, doit être actualisée à rythme accéléré sur certaines étiquettes particulièrement recherchées actuellement, sous peine de ne pas « coller » à la réalité du marché.
C’est sans surprise en Bourgogne que la proportion de lots ayant suscité plus d’une enchère est la plus élevée, elle concerne les ¾ des lots vendus.

C.D. : La Bourgogne est la région la plus présente dans les ventes, donc…

Ce n’est pas en volume la première région aux enchères, mais la deuxième. Un nom est aujourd’hui sur toutes les lèvres : le domaine d’Auvenay, qui appartient aussi à la Lalou Bize-Leroy (domaine Leroy). Ses puligny-montrachet voient leurs cours s’envoler à plus de 6 000€ la bouteille, tandis que le « simple » aligoté a franchi le seuil des 3 500€ le flacon. Les acheteurs sont des Français et des Britanniques.

C.D. : La Romanée-Conti continue aussi à grimper ?

Les prix ont tendance à se stabiliser pour ce domaine, au plus haut niveau. En revanche, en Côte de Nuits, le nombre d’enchères demeure élevé pour les vins de la Grande Rue, des domaines Bizot, Truchot et, dans une moindre mesure, Rousseau. Notons aussi le fort engouement pour le domaine Bruno Clavelier, en biodynamie, à Vosne-Romanée. Il faut s’y intéresser !

C.D. : Ce phénomène de sur-enchère existe-t-il aussi pour les vins de Bordeaux ?

Oui, un peu moins d’un lot sur deux (47%) recueille plus d’une enchère actuellement, et se vend ainsi au-dessus de son estimation basse. Deux remarques à cet égard : tout d’abord ce sont surtout les millésimes matures qui suscitent l’engouement. Les amateurs font grimper les prix sur les flacons des années 1980 (Vieux Château Certan 1982, Petrus 1982, 1983, Léoville Barton 1989…). D’autre part, à l’approche de la fin de l’année, certains liquoreux ont attiré des enchères nourries, je pense notamment à Doisy-Daëne et sa cuvée l’Extravagant, dont des demi-bouteilles ont été adjugées entre 258 et 270€ pour les millésimes 1990, 1996 et 1997.

C.D. : Dans la vallée du Rhône, constatez-vous aussi ce phénomène de surchauffe ?

Dans les vignobles du Rhône 2/3 des lots adjugés recueillent plus d’une enchère. Château Rayas, continue de voir sa cote augmenter (1998 : 1830€). L’engouement demeure élevé sur les noms « collectors » tels que Dervieux Thaize, des signatures pointues, difficiles à trouver, telles que Gourt de Mautens, ou encore des références des vins nature comme Thierry Allemand.

C.D. : Vous parlez de vin nature, est-ce un phénomène qui suscite la surchauffe ?

Eventuellement, pour certains noms du Jura (domaine des Murmures) ou de la Loire (Sancerre Clos de la Néore, domaine du Collier), mais c’est surtout dans le Beaujolais que les enchères sont dynamiques.

C.D. : Dans le Beaujolais ?

Oui, depuis le début du mois une cinquantaine de lots seulement ont été échangés, suscitant pour plus de 80% d’entre eux un phénomène de surenchère. Tous ont la particularité d’être conduits selon des principes nature (Foillard, Lapierre, Métras, Chamonard). Les millésimes du début des années 1990 sont les plus recherchés.

C.D. : A vous entendre j’imagine que l’on trouve ce phénomène de surenchères dans toutes les régions, y compris à l’étranger…. Est-il encore temps de se positionner à l’achat, dans une perspective patrimoniale ?

Je vous confirme qu’aucune région n’est à l’abri de la surenchère, et c’est bon signe, car c’est une forme de consécration pour un vigneron que de voir ses vins s’arracher sur le marché secondaire. Prenez le Languedoc, par exemple. Certes, le domaine de la Grange des Pères continue à enflammer les ventes. Mais l’un de ses voisins, la Bergerie de l’Arcade, voit à son tour ses prix s’envoler.

A l’étranger, les vins italiens (Rinaldi, Gaja), les vins sud-africains (Klein Constantia), les vins chiliens (Almaviva) suscitent quelques jolies bagarres d’enchères.

Alors, se positionner à l’achat, oui, bien sûr, c’est d’autant plus possible que les grandes ventes de fin d’année apportent des volumes importants, qui méritent toute l’attention des amateurs.

C.D. : Certaines régions doivent-elles être privilégiées dans cette perspective ?

Premier point indispensable : l’objectif d’achat ne doit pas être à 100% patrimonial. Il est primordial de choisir des vins que l’amateur aura plaisir à goûter si d’aventure la performance n’est pas au rendez-vous. Après avoir observé les trois règles de base, à savoir, un choix de millésimes de garde, une cave bien protégée pour accueillir les flacons, de bonnes notes des grands dégustateurs – oui, elles ont toujours leur importance – on peut se lancer en ajustant toujours ses achats à … la cote iDealwine, bien sûr.

Si l’on se fie à la répartition des enchères en 2020, telle qu’indiquée dans le Baromètre, vous placerez dans votre cave 1/3 de grands crus de Bordeaux, 1/3 de jolis flacons de Bourgogne, un peu plus de 10% de vins de la vallée du Rhône et, pour le reste, vous choisirez ce que vous préférez parmi les vins de la Loire, de Champagne, du Sud (Provence, Corse), du Languedoc, de l’Alsace, du Beaujolais et du Jura. Sans oublier de conserver une petite place (5 à 10%) pour les vins étrangers. Bons achats !

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